5 choses qui se passent dans votre tête quand vous dégustez

Il y a quelques jours à Beaune, le neuroscientifique Gabriel Lepousez et le directeur technique de la maison Champy Dimitri Bazas ont animé une master class sur le sujet, à l’occasion des 200 ans de la naissance de Louis Pasteur.

Quand la science ausculte le monde du vin, bien des préjugés volent en éclat. La règle s’est confirmée à Beaune, lors d’une dégustation « neurobiologique » organisée à la maison Champy [lire encadré]. Face aux participants, Dimitri Bazas (directeur technique de la maison) et Gabriel Lepousez (neurobiologiste à l’Institut Pasteur) ont interrogé nos neurones et l’avis qu’ils se faisaient de verres de chardonnay et de pinot noir. Parmi les nombreux enseignements distillés pour l’occasion, nous en retenons cinq :

1. Votre cerveau prend le dessus

« À moins de souffrir d’anosmie (perte de l’odorat), nous sentons tous plus ou moins la même chose », pose Dimitri Bazas. Ainsi, pas besoin d’être un ’’nez’’ surdoué pour comprendre les vins. « La dégustation, ce n’est que du travail, un travail méthodique, de mémoire ». Gabriel Lepousez confirme : « Ce qui distingue un dégustateur novice d’un dégustateur expérimenté, ce n’est pas son nez, c’est son cerveau ».

2. Vous devenez plus précis qu’une machine

« Rien qu’avec 3 récepteurs visuels, nous percevons des millions de couleurs différentes. Or nous avons… 400 récepteurs olfactifs. Ainsi l’homme peut distinguer des nuances aromatiques qu’on ne peut même pas identifier en laboratoire», nous apprend Gabriel Lepousez. Pour exemple, le scientifique cite le cas des énantiomères : « ce sont deux molécules aromatiques identiques, mais dont les atomes sont positionnés différemment, donnant deux odeurs différentes. Seul l’être humain peut percevoir cette subtilité » Et de donner l’exemple de l’arôme dit ’’chlorophylle’’ des chewing-gum : il s’agit en fait d’un simple ’’réaménagement’’ d’une molécule aromatique de carvi, inventé par l’industrie alimentaire.

3. Vos sens vous jouent des tours

L’introduction terminée, place aux vins. Alors qu’un Beaune « Les Cras » arrive dans les verres, Gabriel Lepousez alerte : « il ne faudrait jamais regarder le vin avant de le déguster, car la vue est bien plus prégnante que l’odorat. Quand vous mettez un colorant rouge dans un verre de blanc, la plupart des dégustateurs croient sentir des arômes de fruits rouges ». Idem avec l’ouïe qui paradoxalement entre dans le processus de dégustation, « à travers les commentaires des autres dégustateurs, qui nous influencent ».

4. Votre langage aussi

Alors qu’un Corton grand cru Rognet prend la place de son prédécesseur, Dimitri Bazas rappelle l’importance des descripteurs. « Si, en sentant le vin, j’évoque la confiture de ma grand-mère, on ne pourra pas communiquer. Mais si je parle de fruits, alors on va se comprendre ». Gabriel Lepousez approuve. « Il m’est arrivé de déguster avec des latino-américains. Dans ce cas, inutile de parler d’arômes de fruits exotiques pour évoquer la mangue ou l’ananas. Pour eux, les fruits exotiques, ce sont les fraises et les framboises ! ».

5. Vos narines la jouent perso

Au tour des blancs (un Pernand-Vergelesses village et un premier cru En Caradeux) de rejoindre les verres. Dimitri Bazas décrit le nez plus boisé du premier cru, du fait de son élevage. L’occasion pour Gabriel Lepousez de distiller ses conseils. « On a toujours une narine plus ouverte que l’autre, vous saurez laquelle en plaçant votre doigt sous le nez. Celle-ci laisse passer l’air, donc les arômes, plus rapidement. Elle perçoit davantage les arômes fruités, plus volatils. Mais dans la narine fermée, les molécules odorantes passent plus lentement. On perçoit alors bien mieux le boisé, l’épicé ou le floral. C’est un truc que je donne souvent aux sommeliers ». Et à vous désormais !


Champy célèbre Pasteur

La dégustation était organisée à l’occasion du bicentenaire de Louis Pasteur, dont les travaux sur les vins ont occupé plus de 20 ans de sa vie. Un personnage qui compte pour Champy : le scientifique jurassien a mené dans la maison beaunoise certaines de ses expérimentations sur la conservation des vins. On trouve encore chez Champy les cuves qui ont servi à ses essais.

La Maison Champy fait parti du Top 100 des Trophées de l’œnotourisme 2022 dans la catégorie « Restauration dans le vignoble » ainsi que Prix d’Argent dans la catégorie « Architecture & Paysage » au Trophées de l’œnotourisme 2020.

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