A l’Hôtel de la Marine, la cuvée RD 2008 de Bollinger hisse la grand voile

Ce qui est formidable chez Bollinger, c’est l’insatiable curiosité de son équipe de vinificateurs dirigée par un ancien chercheur du Comité Champagne. Pour les journalistes du vin dont l’angoisse, en dehors de celle de Chat GPT, est un jour de ne plus avoir rien à raconter, chaque nouvelle rencontre avec le chef de caves Denis Bunner, est une aubaine. Aussi, lorsqu’il vous invite à l’Hôtel de la Marine pour vous présenter le dernier opus de la cuvée RD, vous ne vous faites pas prier deux fois…

Si Bollinger a choisi l’hôtel de la Marine à Paris pour lancer sa cuvée RD 2008, c’est d’abord pour rendre hommage à son fondateur. On parle en effet beaucoup de Lilly Bollinger, tant et si bien que cette figure iconique de la maison a presqu’éclipsé celle de l’amiral Athanase de Villermont. Ce natif de Cuis sur la Côte des blancs, s’engagea à l’âge de 16 ans dans la marine. A 17 ans, il connut son premier naufrage, à 19 ans, il participa à la guerre d’indépendance américaine et à la bataille navale de Chesapeake, qui permit de casser le blocus anglais. Lorsque la Révolution éclata, il rejoignit l’armée des princes, où il fut témoin de la défaite de Maastricht. Accueilli par Catherine II en Russie, il devint capitaine dans sa flotte et prit part à une expédition en Perse.  La Restauration lui offrit un retour en grâce en France, Louis XVIII le nommant sous-gouverneur du Collège royal de la marine. Après cette brillante carrière et alors qu’il avait déjà 66 ans, il fonda la Maison Bollinger en association avec Joseph Jacob Bollinger qui deviendra son gendre.

Pour ce nouvel opus 2008, on notera d’abord l’introduction d’une innovation, celle d’un nouveau flacon, caractérisé par le diamètre réduit de son goulot et déjà employé pour la Grande Année et Special Cuvée. En effet, chez Bollinger, si la vinification sous bois est plutôt oxydative, on veille soigneusement pendant tout le vieillissement à limiter l’oxygénation du vin, surtout lorsque l’on travaille sur des cuvées comme RD dont le dernier opus a reposé 14 ans en cave. Bollinger en a mesuré l’impact : sur dix ans, ce goulot plus étroit réduit d’environ 14 % la quantité d’oxygène qui s’introduit dans la bouteille. Une baisse non négligeable même si elle n’égale pas celle entraînée par l’usage du bouchon de liège à la place de la capsule, qui divise quant à elle par cinq cette quantité en passant de 0,5 mg à 0,1 mg. 

Bien-sûr, on ne saurait cantonner la construction d’un grand vin à la maîtrise de l’oxydation, mais celle-ci n’en joue pas moins un rôle de premier ordre comme nous le rappelle Denis Bunner, le chef de caves, puisque c’est cette micro-oxydation qui va permettre de créer ces arômes torréfiés et toastés tant prisés par les amateurs de champagnes. « Une fois que l’on a réussi à obtenir au bout de 14 ans ces notes très fragiles, encore faut-il parvenir à les conserver malgré l’oxygénation qui se produit au dégorgement. D’où l’emploi de la technique du Jetting. Mais celle-ci n’empêche pas le nouveau bouchon, sous l’effet de la compression, de relarguer ensuite de l’oxygène pendant une durée d’environ 50 jours à raison de 2 à 3 mg. S’ouvre alors une période oxydative pendant laquelle le vin va consommer l’oxygène. Elle dure environ six mois. Au cours de celle-ci les notes grillées s’atténuent laissant place à des notes plus fruitées. Les notes grillées et toastées ne se redéploieront telles qu’elles se manifestaient au moment du dégorgement que douze mois plus tard, une fois que le vin se sera remis du choc oxydatif et qu’il sera entré à nouveau dans une phase plus réductive. Dès lors, on comprend l’importance de connaître la date de dégorgement que Madame Bollinger, la première en Champagne, a eu l’intelligence d’inscrire sur l’étiquette. »

© Paul Blind

Un paramètre supplémentaire existe pour obtenir ces notes torréfiées : la fraîcheur de l’année. « Il faut des millésimes comme 2008 qui ont une capacité anti-oxydante élevée. Souvenons-nous : la période estivale avait été froide, et même un peu arrosée. Heureusement, le vent d’Est avait sauvé la vendange en séchant les raisins alors que l’on commençait à s’inquiéter du départ de foyers de botrytis. » Ces conditions climatiques ont donné un niveau d’acidité très élevé de 8 grammes. Sans atteindre le record de 1996, cela donne une fraîcheur considérable. Mais celle-ci résulte aussi de deux autres paramètres. D’abord les grands amers, qui construisent la fin de bouche et viennent renforcer cette sensation. Ils font partie du style Bollinger et sont liés à ces 71 % de pinot noir si bien révélés par la vinification sous bois. Ils apportent ce côté presque tannique et ces notes d’écorce d’agrume. Le dernier élément est la salinité, laquelle est également très rafraîchissante. Elle résulte de la sélection de terroirs exclusivement crayeux, en premiers et grands crus.

Autour de cette colonne vertébrale de fraîcheur, toute une chair s’est développée, faite de notes de pêche de vigne, de mirabelle, de gingembre… Ainsi, les amateurs de Bollinger qui aiment aussi la gourmandise de la marque ne seront pas déçus, d’autant que cette dernière est également servie par la texture, à travers une « fine pellicule légèrement grasse, presque huileuse qui rappelle celle des arachides ». Comme on a justement une aromatique intense de fruits secs au nez, la Maison Bollinger a imaginé une expérience gastronomique originale autour de la noisette. Elle a sélectionné la meilleure, celle des grands crus que l’on trouve dans l’IGP du Piémont des Langues. Pour rester en Italie, la maison a fait appel au chef doublement étoilé, Gian Piero Vivalda, qui a composé un menu en jouant avec les différents degrés de réduction, chaque plat s’accordant avec un contenant : bouteille, magnum, jéroboam… Le must ? Les coquilles Saint-Jacques à la noisette…

© Paul Blind

Prix: 400 €

www.champagne-bollinger.com

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