La semaine dernière déjà, nous vous narrions la première journée de notre périple dans notre article, nous avions rencontré les domaines Guigal, Levet, Clape et Gonon. Et parce que vous l’attendiez avec impatience, voici la suite de cette épopée. Entre Crozes-Hermitage, Cornas et à nouveau Ampuis, les dégustations étaient toutes plus intéressantes les unes que les autres. On vous raconte.
Nouvelle journée, nouvelle appellation, nouveau domaine. Direction Crozes-Hermitage à la découverte d’Alain Graillot, un domaine qui, historiquement, dispose d’un statut de négociant et qui, de 1985 à 2002, ne réalisait que des saint-joseph. Il était tôt, certes, mais nous n’allions pas tarder à découvrir combien la gamme s’était étoffée depuis 2002. Il faut dire que la propriété s’étend aujourd’hui sur 21 hectares de vignes classées en appellation Crozes-Hermitage et est complétée d’un autre domaine créé par les fils d’Alain Graillot, Antoine et Maxime : le domaine des Lises. Celui-ci s’étend sur six hectares de vignes âgées de 30 ans en moyenne et cultivées selon des principes biologiques. Parallèlement à cela, le duo fraternel gère Equis, une structure de négoce qui a fait de la syrah son fer de lance. Last but not least, un autre domaine a vu le jour également sous leur impulsion… Dans le Beaujolais. Une région qui les « éclate » grâce à la passion qui anime les vignerons locaux, leur sens du partage et de la convivialité.
La journée commençait bien. Ici encore, la jovialité, le partage et la générosité étaient de mise. Bas les masques (à ne prendre qu’au second degré), nous descendons et remontons à travers les caves et les cuveries, buvant les paroles et les vins d’Antoine et Maxime Graillot. Parmi les (très) nombreuses références, en voici quelques-unes qui ont marqué notre fine équipe.
Le domaine Graillot dispose de trois hectares de blancs composés de vignes plantées dans les années 1980 et plantées de marsanne et de roussane. Celles-ci sont vendangées précocement et le vin est élevé en demi-muids (pour 50 à 60%) et en inox (pour 40 à 50%), un contenant qui offre une belle précision accentuée par le fait que la fermentation malolactique est généralement bloquée. Afin de nous forger une idée sur la question, nous goûtons donc le même vin produit avec et sans malo. Le premier dévoile un nez de vanille et d’amande, de la fraîcheur et une belle matière. Le second, élevé sur ses lies, exprime beaucoup plus de fruit (pamplemousse), une grande tension, une salinité et de beaux amers. Afin de le stabiliser, le domaine procède à une filtration stérile, à un collage et à une adjonction de soufre. « Je ne suis pas à Montrachet, je ne cherche pas révéler une beauté de terroir, surtout à Crozes-Hemitage et avec mes vignes. Je cherche donc une fermentation rapide pour plus de précision. »
Nous goûtons ensuite Equinoxe d’Equis. Entièrement issu d’un achat de raisins, il a été vinifié sans intrants, en grappes entières et sans adjonction de soufre. La cuvaison a été souhaitée courte et l’élevage a duré neuf mois. « C’est mon vin de pétanque à moi. Il a du fruit, de la fraîcheur et de la chair. ». Si le vin est non sulfité, il n’est pas nature pour autant. « Il ne faut pas mélanger le vin de savoir et le vin de foi. », précise Maxime Graillot. « La foi finit par se fracasser contre une réalité. Je ne fais donc pas un vin nature, je fais un vin non sulfité. »
Viennent ensuite les 2020, un millésime qu’il adore pour le profil croquant des vins, leur bel équilibre et leur jolie mâche. Et encore une fois, les vendanges étaient précoces. Il faut dire que depuis 2009, un changement de paradigme s’est opéré : les années sont plus solaires, les équilibres des vins ont été bouleversés et les baies sont récoltées au mois d’août. Un fait inédit dans la mesure où, entre 1985 et 2008, les grappes ont été vendangées une seule fois précocement : lors de la sécheresse de 2003.
De cette visite nous retiendrons que les crozes-hermitage sont plus charnus et dévoilent « des tanins de joue » quand les saint-joseph présentent « des tanins de gencives ». Leur bouche se montre plus étroite, voilà pourquoi un élevage plus long permet de l’enrober. Quant à Cornas, il s’agit d’un terroir, certes compliqué à travailler, mais d’une finesse extraordinaire.
Nous achevons notre formidable découverte des vins dégustés sur fût et en bouteille par les cuvées du domaine de Faye, situé dans le Beaujolais et dont l’aventure a démarré en 2014. Celui-ci est certifié biologique et est en cours de certification biodynamique. Nous goûtons donc un fleurie 2018 issu de la Roche Guyon. Il faut d’ailleurs savoir que l’appellation a lancé une demande de classification en 1er cru et, par chance, la parcelle dont provient ce vin est concernée par cette revendication. Pour la réaliser, Antoine Graillot a procédé à une macération foulée (et non une macération carbonique qui est assez courante dans la région), une cuvaison de 10 à 12 jours et un élevage d’un an dans des foudres ronds Stockinger.
Le fleurie 2016 se révèle être un vin d’averti car, s’il possède beaucoup de finesse et une acidité noble, il se montre peu fruité. Il n’empêche qu’il s’est révélé être pour nous un vrai coup de cœur.
Retour à Cornas pour rencontrer Matthieu Barret que le Mundovino surnomme « Petit Ours ». Celui-ci a repris les quatre hectares de vignes de son grand-père en 1998, a signé son premier millésime en 2001 et a converti son domaine à la biodynamie en 2002. Quelques actions ont bâti sa renommée. Ainsi, si Matthieu Barret éraflait ses grappes, il s’est rapidement tourné vers les vendanges entières afin d’offrir un maximum de finesse au vin. Dans la même optique, le vigneron n’active pas trop les jus lors de la vinification, si ce n’est quelques pigeages et remontages hygiéniques quotidiens.
Alors que celui-ci travaille encore quelques instants à la cave, nous entamons la dégustation avec l’une de ses collègues. Toutes tirées de sa créativité sans borne, les cuvées s’enchainent, nombreuses, et nous donnent un aperçu du travail biodynamique et naturel du vigneron. Certaines sont éphémères, d’autres sont signées sous le nom de son domaine et d’autres encore de son négoce. On vous partage quelques notes.
Mercredi 14h00 : Domaine Stéphane Ogier (Ampuis)
Retour à la case départ pour achever ce périple passionnant. Direction Ampuis pour découvrir le travail de Stéphane Ogier qui est revenu à la propriété familiale en 1997. A cette époque, son père cultivait beaucoup de fruits et ne disposait que de 2,5 hectares de vignes. Alors, saisissant de bonnes opportunités d’achat, Stéphane Ogier a agrandit le patrimoine en acquérant 13 hectares en Côte-Rôtie ainsi qu’une première parcelle de condrieu en 2007. Un investissement qui lui a permis de se rapprocher de l’appellation Saint-Joseph et d’en acheter dans la foulée.
Et voilà que, comme dans les autres domaines, nous suivons le vigneron à travers les caves et dégustons les vins à même le fût. Là, nous apprenons que la tradition de Côte-Rôtie tient de l’assemblage des terroirs. Voilà pourquoi, malgré la beauté des caractéristiques de certaines parcelles, les vinifications ne sont pas nécessairement parcellaires ; certains terroirs se comportant mieux en assemblage. En cave, Stéphane Ogier favorise de plus en plus les demi-muids qui connaissent d’abord du viognier pendant trois ou quatre ans avant d’accueillir des rouges. Le vigneron a en effet cessé d’employer le bois neuf qui, avec le réchauffement climatique, rendait les vins moins digestes.
C’est donc tout un florilège de cuvées que nous avons dégusté, découvrant aussi bien des 2018 et 2019 qui, selon notre avis et les dires de Stéphane Ogier, méritent de s’épanouir encore quelques années en cave. Voici quelques notes.
Après de belles découvertes et les dents couvertes de tanins, il nous faut maintenant regagner la capitale. Nous attendons déjà notre prochain périple dans les vignes avec impatience !