Beaucastel sort de terre

Le château de Beaucastel, propriété historique de la famille Perrin à Châteauneuf-du-Pape, est actuellement en pleine transformation : de nouveaux chais sont en construction, qui doivent être livrés pour la vendange 2024. Un projet audacieux dont le bâti est intégralement réalisé avec la terre de Beaucastel.

Le nom de Beaucastel est intimement lié à l’Histoire de Châteauneuf-du-Pape. Ce domaine, dont les origines remontent certainement au XIVème siècle, prend son envol en 1549 avec Pierre de Beaucastel. En 1909, il est acquis par Pierre Tramier, qui le confiera ensuite à son gendre Pierre Perrin. Aujourd’hui, c’est la cinquième génération de Perrin (incarnée par Marc, Pierre, Thomas, Cécile, Charles, Matthieu et César) qui veille sur ce vignoble de 130 hectares, épicentre d’un empire viticole s’étendant sur d’autres appellations de la Vallée du Rhône et jusqu’à Miraval, avec Brad Pitt.

1200 candidatures pour un projet audacieux

« Chaque génération de notre famille a laissé sa trace. Notre grand-père Jacques et son épouse Marguerite, quand ils ont repris le domaine après la Seconde Guerre mondiale et amorcé le passage vers le bio. Puis leurs fils Jacques et François, qui ont repris le flambeau en 1978 et ont considérablement développé le vignoble familial. Aujourd’hui, c’est à notre génération de mettre sa pierre à l’édifice. Ces nouvelles installations techniques sont notre grande œuvre en commun », explique Charles Perrin, qui est, au sein de la famille, l’une de ces forces motrices de ce projet fou : « l’idée était de « renverser la table » en dotant Beaucastel de nouveaux équipements qui se fondent totalement dans le paysage, soient mieux adaptés aux exigences modernes de la vinification, et soient surtout totalement écoresponsables ». Un concours d’architecte lancé fin 2017 a donné lieu au dépôt de 1200 dossiers, dont 362 complets – parmi lesquels 5 Prix Pritzker. Après une short list finale de 10 candidats, c’est finalement l’architecte indien Bijoy Jain (Studio Mumbai) qui a été choisi.

« Il s’agit de sa toute première réalisation pour le vin », précise Charles Perrin. « Ce qui nous a impressionné dès le départ a été l’implication de son équipe : ils venaient à dix, passaient des heures dans les vignes, arpentaient la région jusqu’au Ventoux… Nous voulions, pour ce chai, quelque chose de sensible, qui laisse une trace forte mais qui soit aussi capable de disparaître si demain Beaucastel devait être englouti. 80% des déchets dans le monde étant produits par le bâtiment, il nous fallait un projet le plus vertueux possible sur le plan environnemental ».

« Mettre le terroir à la verticale »

Ainsi est née l’idée de creuser, là où se trouvaient les installations existantes, un immense carré de 50 mètres de côté et de 12 mètres de profondeur, et d’en récupérer la terre afin que chaque strate compactée soit un élément de construction du nouveau chai. « Plus des trois-quarts de ce que nous avons déconstruit est reconstruit. Avec ce chai, on a mis le terroir à la verticale. C’est un projet très expérimental qui a demandé trois ans pour avoir les inaugurations », souligne Charles Perrin. La colonne vertébrale de ces installations, conçues en partenariat avec Studio Méditerranée à Nice et dont le gros œuvre a été confié à la branche marseillaise du groupe Fayat, est d’être les plus sobres possibles sur le plan environnemental : « partout dans le monde et surtout dans notre région, l’eau va être un sujet majeur des décennies à venir », poursuit Charles Perrin. « En moyenne on utilise 4 litres d’eau pour faire 1 litre de vin. C’est pourquoi nous avons creusé de grands bassins de stockage pour l’eau, 3000 m3 à 13 mètres de profondeur, à une température constante de 13°C. Ils nous permettent d’être quasiment autonomes en eau et nous offrent aussi une solution naturelle de climatisation : nous avons placé des ‘puits provençaux’ dans le chai qui permettent de faire circuler le vent jusqu’aux bassins et initier un rafraîchissement naturel du chai. Nous visons aussi à être le plus autonomes possible pour la production d’électricité, avec des panneaux solaires notamment. Ces nouveaux chais représentent quelque chose de totalement inédit, sans compromis. Au-delà de leur aspect technique ils véhiculent une vraie philosophie, et une atmosphère de compagnonnage. Nous espérons que quand nos petits-enfants les utiliseront pour faire du vin, ils seront fiers de ce que nous leur avons laissé. »

Les installations finales couvriront une surface totale de 7000 m2, avec une cuverie mieux adaptée, un meilleur contrôle des températures, davantage de place et de confort de travail – sachant que les travaux sont organisés de façon à ne pas perturber la production de vin dans les chais existants, ce qui représente aussi un tour de force… L’objectif est une inauguration pour les vendanges 2024.

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