[Bourgogne] Tour du monde en goélette clos pour les vins de la maison Bichot

Partenaire de la Fondation Tara Océan depuis plusieurs années, la maison Bichot a embarqué 12 magnums pour leur faire parcourir un tour du monde sur les mers afin d’identifier l’influence que cela pouvait avoir sur la dégustation. La comparaison avec les magnums des mêmes vins conservés dans les caves à Beaune s’est révélée surprenante

Albéric Bichot, dirigeant de la maison éponyme, et Romain Troublé, Président de la Fondation Tara Océan depuis 20 ans, n’auraient peut-être jamais dû se rencontrer. Mais il est des hasards heureux comme cette vente des hospices de Beaune en 2017. Contrairement aux habitudes, l’une des associations choisies cette année-là comme bénéficiaire de la vente de la pièce du Président n’était pas issue du monde hospitalier. La Fondation Tara Océan a en effet été fondée par la créatrice agnès b. avec pour objectif de parler des océans aux Français. Toujours privée, elle est aujourd’hui financée principalement par des dons et reçoit le soutien de mécènes comme le prince Albert de Monaco ou la maison Bichot. « Une évidence pour nous qui sommes sensibilisés aux problématiques de changement climatique et de protection de l’environnement » explique Albéric. « La maison Bichot est en bio dans sa quasi-totalité (son domaine à Chablis est en conversion), nous avons changé tous nos emballages, utilisons des étiquettes recyclées. Il est déterminant pour nous de voir comment le monde viticole peut s’engager pleinement sur toutes ces problématiques ». Le partenariat avec la Fondation Tara Océan s’inscrit donc dans cette réflexion. Au moyen de la goélette Tara, celle-ci organise des missions de recherche océanographique à travers les océans de la planète. Après l’étude des microplastiques en 2019, une nouvelle mission a été menée de décembre 2020 à octobre 2022. 70 000 km parcourus pour mieux comprendre les microbiomes marins, tous ces microorganismes indispensables notamment pour le stockage du carbone (30 % à 40 % à l’échelle mondiale, soit autant que tous les végétaux). La maison Bichot en a profité pour disposer en fond de cale 2 magnums de 6 références de vins différentes pour mesurer l’impact de conditions extrêmes sur la structure et la qualité des vins.

Un accélérateur de vieillissement

À même la coque non isolée en aluminium du bateau, les vins ont connu des variations très sensibles de température (de +3° à 28°) ainsi qu’une mise en mouvement permanente due au tangage incessant du bateau. De quoi effrayer sur le papier tout amateur de vin, convaincu de l’importance de variations lentes de températures dans une cave et d’absence de vibrations. Eh bien quelle ne fut pas notre surprise lors de la dégustation comparative organisée ce mois de janvier par la maison Bichot entre ces magnums et ceux qui avaient été conservés comme étalons dans les caves beaunoises. Sans surprise, les vins embarqués ont tous montré des profils différents. Mais loin de présenter une qualité très dégradée, ils ont tous offert un profil assurément plus évolué mais sans déviation aromatique ou de structure. Un premier enseignement donc qui montre que lorsque les vins sont parfaitement sains (en termes microbiens) à leur naissance, ils s’avèrent étonnamment résistants face à des chocs exogènes. Blancs et rouges n’ont toutefois pas réagi de la même manière. 2 grands crus blancs étaient du voyage.

Le Chablis grand cru La Moutonne 2018 du domaine Long-Depaquit et le Corton-Charlemagne 2017 du domaine du Pavillon ont assurément perdu en intensité fruitée et en fraîcheur et présentent les caractéristiques associées à un vieillissement de quelques années supplémentaires. Le Chablis était davantage patiné, plus iodé avec une légère pointe de sous-bois quand le Corton-Charlemagne semblait être rentré dans une phase plus austère, typique du cru après quelques années. Les rouges de leur côté se sont avérés plus resserrés, les tannins apparaissant plus séchants et la matière globalement plus stricte. Le Moulin-à- vent Rochegrès du Domaine de Rochegrès était ici particulièrement édifiant, avec une structure tannique bouleversée. Le Pommard Clos des Ursulines 2016 du domaine du Pavillon offrant pour sa part une évolution aromatique nette, basculant d’un fruité encore éclatant à des notes de moka et de cacao. Parmi tous les vins, seul le Vosne Romanée Les Malconsorts 2017 du domaine du Clos Frantin est resté cohérent par rapport à son alter ego resté en caves. Beaucoup de classe pour ce très grand premier cru, voisin de La Tâche, dont la matière intense et profonde a montré une résilience plus grande. Plénitude, finesse ont demeuré même si la part de vendange entière dans la cuvée s’est révélée plus expressive au global. Seuls 6 magnums ont été ouverts in fine, les 6 autres ayant voyagé resteront désormais pour des décennies dans les caves beaunoises. « Ce sont les générations futures qui pourront les déguster » assure Albéric. Nul doute que les enseignements seront, là encore, très instructifs.

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