Chasse à l’eau dans le vignoble provençal

Le groupe de travail Sol Vivant se penche dans le cadre du Cluster Rosé de Provence sur les changements de pratiques au vignoble à l’échelle 2040-2050 pour tenir compte du réchauffement climatique. L’objectif est de multiplier les solutions pour lutter à la fois contre le stress hydrique dû à des périodes de sécheresse accrus et contre l’érosion engendrée par des épisodes de pluies de plus en plus violents. Entretien avec Stephan Reinig, animateur du groupe Sol Vivant en Provence.

Après la pluie, le beau temps…mais aussi parfois la sécheresse, surtout en Provence où le dérèglement climatique se fait particulièrement sentir ces dernières années. Un groupe d’experts et d’agronomes sous la houlette de Stephan Reinig, responsable technique d’Estandon, en collaboration avec le groupe ICV (l’institut coopératif du vin), le Cabinet d’Agronomie Provençale (CAP), les entreprises Racine et Phalippou-Frayssinet, planche sur l’autofertilité des sols et la résilience de la plante afin d’optimiser sa force vitale sous le grand ciel bleu du Midi. L’objectif est aussi de diffuser l’information et de créer du lien à tous les niveaux pour faire émerger une prise de conscience du besoin d’agir pour la planète bleue et pour la préservation de l’eau.

Sur quoi avez-vous travaillé en priorité dans le cadre du groupe Sol Vivant ?

Notre système de culture est à repenser en profondeur et nous y travaillons en échangeant entre nous sur d’autres pratiques agricoles exploratoires, notamment lors de la journée nationale des Sols Vivants en août à Marciac, à partir des réflexions de biologistes et d’agronomes comme Konrad Schreiber, Marc-André Sélosse, Alain Canet… Depuis deux ans, nous travaillons essentiellement sur les couverts végétaux dans les vignes. Ils sont composés d’un mélange de seigle, d’avoine, de trèfle, de radis… Il s’agit moins de se préoccuper des plantes utilisées que de la façon de les mettre en place pour les aider à pousser sur des sols souvent trop secs et tassés. En Provence, les vignerons pensent que les plantes sont une concurrence pour la vigne et nous voulions vérifier si ces couverts généraient en effet du stress hydrique, leurs effets secondaires éventuels, leur impact sur les risques de gel, comment l’eau s’infiltrait, le bilan humique, les coûts de production…

Ne dit-on pas un binage vaut deux arrosages ? Pensez-vous qu’un viticulteur doive plutôt privilégier les couverts végétaux au travail des sols ?

D’après nos premières observations, il apparaît que le vigne est finalement moins en stress avec un couvert qu’avec un labour des sols. Mais en Provence, les conditions climatiques ne permettent pas aux couverts de produire suffisamment d’azote et de biomasse. Car ils doivent être denses et hauts si ils ne veulent pas trop compacter les sols et concurrencer la vigne l’été. Il faut presque devenir céréalier pour disposer d’un couvert efficace et épais que l’on doit rouler et écraser entre les rangs au printemps mais surtout pas tondre pour favoriser la réduction de la température au sol et optimiser l’efficience de l’eau. Quand on a la chance en période végétative d’avoir 30 mm de pluie, on en perd souvent la moitié au premier coup de mistral. Avec un couvert, la pluie s’infiltre mieux dans le sol.

©F. Hermine

Vous étudiez également l’impact de l’agroforesterie dans le vignoble ?

La réflexion sur l’eau nous a amenés à réfléchir sur la biodiversité. Avec les températures estivales par ici qui brûlent souvent le végétal, il faut créer de l’ombre pour offrir des refuges à la petite faune, insectes, oiseaux, rongeurs…. C’est d’autant plus important que nous perdons 2% d’insectes par an. Pour cela, il faut entièrement repenser la parcelle dans son écosystème car un espace cultivé ne limite pas son impact au bord du champ. Le grand incendie de la plaine des Maures l’été dernier nous a montré à quel point espace naturel et cultivé sont liés. Il faut d’abord remettre des arbres autour des vignes. Nous avons donc planté 6,5 ha de peupliers, érables, sorbiers, cornouillers… Une vingtaine d’espèces sur le bassin versant pour limiter l’érosion, créer des mini-mares, des corridors et des fossés à barrages pour retenir l’eau et retrouver des bassins de vie, notamment pour les tortues Hermann. Un millier d’arbres ont déjà été plantés, à terme 4000. Certains sont enclavés dans la parcelle pour mesurer leur impact sur la vigne et remettre en route la fertilité des sols qui chauffent sous note climat méditerranéen. Tout est bon pour essayer de collecter et de stocker l’eau partout sur une exploitation.

Est-ce que cette démarche est une contre proposition à l’irrigation possible dans la région à partir du Canal de Provence ?

Nous devons surtout réfléchir autrement. Aujourd’hui, nous disposons en effet de l’eau du canal de Provence mais tout le monde ne peut pas s’y raccorder et dans 20 ou 30 ans, il n’est pas sûr qu’il y en aura assez pour tous les usages. De toute façon, le végétal, par des températures élevées, souffre même avec l’irrigation. Il faut donc multiplier les solutions. Nous perdons 60 % de l’eau qui tombe ; si on peut déjà récupérer une partie de cette eau qui ne coûte rien, ce serait bien !

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