Château Clerc Milon : voyez comme on danse

Le 5ème Grand Cru Classé de Pauillac, qui fait partie depuis 50 ans de la « galaxie » Baron Philippe de Rothschild, entend s’émanciper de l’ombre tutélaire de son voisin et grand frère, Château Mouton Rothschild. En cultivant l’identité singulière de son terroir et en perpétuant son rapport aux arts.

Depuis 1983, sur l’étiquette du château Clerc Milon figurent deux danseurs, inspirés d’un objet d’orfèvrerie allemande du XVIIème siècle figurant dans le Musée du Vin dans l’Art du château Mouton Rothschild. Ces danseurs colorés, qui ont succédé à la « Jungfraubecher » (jeune femme portant une coupe de mariage) qui illustrait la bouteille depuis 1970, ne se contentent pas de rompre avec l’imagerie traditionnelle des grands crus bordelais. Ils racontent, en filigrane, l’histoire et la personnalité du château Clerc Milon. Reconnu 5ème Grand Cru Classé en 1855, il faisait autrefois partie de la seigneurie de Lafite jusqu’à son acquisition par la famille Clerc en 1789, qui lui confèrera son nom actuel. En 1970, le baron Philippe de Rothschild rachète la propriété, qui à cette époque fait à peine 16,5 hectares, soit la moitié de sa surface originelle. En cinquante ans, Clerc Milon va bénéficier des attentions et des compétences des équipes du groupe Baron Philippe de Rothschild. Le vignoble s’agrandit, pour atteindre aujourd’hui 45 hectares d’un seul tenant, tutoyant l’estuaire de la Gironde et jouxtant les terroirs mythiques de Mouton et Lafite.

Pourtant, malgré son pedigree, Clerc Milon demeure dans l’ombre de son voisin et grand frère, Château Mouton Rothschild. Mais depuis quelques années, Clerc Milon revient dans la lumière, cultivant sa singularité et existant pleinement au côté de Mouton et de l’autre grand cru classé de la famille, Château d’Armailhac. Le renouveau s’amorce dès 2007, lorsque la Baronne Philippine de Rothschild décide de faire rénover les installations techniques. Passionnée de dramaturgie, d’art et de danse, pensionnaire de la Comédie Française, la Baronne décide de confier en 2011 la « mise en scène » du nouveau chai au scénographe Richard Peduzzi. Avec l’architecte Bernard Mazières, il conçoit les lieux comme un décor de théâtre ou d’opéra, de l’escalier menant au chai d’élevage au bardage de bois de la façade du bâtiment, déployant une vaste terrasse au-dessus des vignes. Une signature particulière qui enracine l’ancrage « artistique » de Clerc Milon, qui ne va faire que se confirmer : en 2016, deux ans après le décès de Philippine de Rothschild, ses trois enfants Philippe Sereys de Rothschild, Camille Sereys de Rothschild et Julien de Beaumarchais de Rothschild décident de créer, dans le cadre de la fondation portant le nom de leur mère, le Prix Clerc Milon de la Danse venant récompenser tous les deux ans des danseurs du corps de ballet de l’Opéra National de Bordeaux – la troisième édition, en octobre 2021, a couronné les danseurs Anna Guého et Ryota Hasegawa.

Mais Clerc Milon n’est pas seulement un lieu d’art et de culture, c’est aussi (et avant tout !) un vignoble, qui connaît lui aussi un beau dynamisme. À partir de 2009, une équipe technique est spécialement dédiée au cru, sous la supervision de la direction technique du groupe. Cette première étape donne notamment naissance à un second vin, la Pastourelle de Clerc Milon, dont joli le succès lui a valu l’année dernière d’entrer sur la Place de Bordeaux au côté du grand vin. Elle monte encore d’un cran à partir de l’été 2020, et la réorganisation du groupe Baron Philippe de Rothschild : Ariane Khaida devient Directrice Générale Déléguée et Directrice du Pôle d’Activité Châteaux du groupe, Jean-Emmanuel Danjoy, précédemment à la tête de Clerc Milon, devient Directeur des Propriétés, et c’est Caroline Artaud qui est désignée Directrice du château Clerc Milon.

Après s’être illustrée pendant dix ans à la tête du château Fourcas-Hosten (Listrac-Médoc), Caroline Artaud relève un nouveau défi à la tête d’un Grand Cru Classé. Son arrivée, en pleine pandémie de Covid-19, ne lui permet pas « d’occuper le terrain » comme elle le voudrait pour défendre Clerc Milon aux quatre coins du monde, mais elle prend le temps, après le passage de relais avec Jean-Emmanuel Danjoy, de s’imprégner des terroirs de la propriété, en s’appuyant sur l’ancienneté du chef de culture Richard Martin et du maître de chai Frédéric Faure. « Clerc Milon, c’est vraiment un magnifique terroir, enclavé entre Mouton et Lafite, don la partie la plus orientale ne se situe pas à plus de 350 mètre de le Gironde« , explique-t-elle. « On y trouve de très belles croupes de graves prodondes mais aussi des argiles et calcaires, une diversité de terroirs qui se segmente en 8 secteurs de sols et 200 parcelles. C’est une vraie richesse qui nous invite à aller toujours plus dans le détail pour exprimer la singularité du cru. L’autre particularité de Clerc Milon, c’est la part plus que symbolique de carménère dans l’encépagement, une composante historique à laquelle nous sommes très attachés : nos vignes de carménère de 1947 sont une originalité exceptionnelle, que nous avons bien sûr multipliées et replantées en 2017 pour préserver ce patrimoine« .

Afin d’être toujours plus en adéquation avec les terroirs du cru et pour s’adapter aux évolutions climatiques, un patient travail de restructuration est en cours, qui vise à assurer le renouvellement du vignoble tout en préservant le patrimoine existant : 15 hectares sont aujourd’hui plantés de vignes antérieures à 1950, ce qui est gage de grande qualité mais aussi de rendements moindres. Quatre hectares ont été récemment arrachés avec, à terme, l’objectif de les replanter en sélection massale de cabernet-sauvignon. « Le cabernet-sauvignon s’épanouit vraiment sur ces grands terroirs pauillacais mais nous avons une jolie qualité de merlots bien situés, qui gardent de la fraîcheur. Ils occupent actuellement 35% de l’encépagement et nous n’envisageons pas de les faire descendre en-dessous de 20-25%« , souligne Caroline Artaud. Aller toujours plus loin dans le détail et dans la quête d’excellence, pour faire totalement rayonner la « marque » Clerc Milon, qui a déjà de nombreux fidèles à travers la planète, c’est l’objectif de Caroline : « nous examinons tous les points de progrès : la taille, la conduite du vignoble, les réflexions environnementales avec le département R&D du groupe, les élevages, la sélection parcellaire… » Le ton est donné, il n’y a plus qu’à danser.

« Terre de Vins » aime :
Château Clerc Milon 2019

Un millésime qui sied bien à Clerc Milon, avec ses 72% de cabernet-sauvignon. Nez très fin en cabernet majeur, tout en menthol et en eucalyptus, escorté de notes d’aubépine et de bourgeon de cassis. Belle présence en bouche, sur une attaque juteuse et gourmande. la matière est souple, la trame tannique ciselée, l’ensemble s’étire sur une jolie longueur sapide, ponctuée par de jolis amers. Pauillac dans le texte, mais en version ballerine. Prochainement disponible en livrable.

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