Château La Rousselle : Fronsac attaque

Vignoble de poche en appellation Fronsac, la château La Rousselle est une pépite qui ne devrait pas rester longtemps confidentielle. Propriété depuis un peu plus de cinq ans de la famille Ide, basée en Belgique, elle fait l’objet de soins méticuleux pour exprimer la qualité de ses beaux terroirs fronsadais.

Est-il encore besoin de dire que Fronsac possède de très beaux paysages, de grands terroirs et de grands vins ? Jadis extrêmement prisés, les crus du Fronsadais ont connu au XXème siècle une cruelle éclipse tandis que s’illuminait l’astre saint-émilionnais ; mais les amateurs ont toujours gardé un indéfectible attachement à ces beaux paysages, dont les sols argilo-calcaires donnent naissance à des vins qui ont peu de chose à envier à leurs prestigieux voisins du Libournais. En voici un nouvel exemple. Sur les jolies routes qui serpentent jusqu’à un point de vue imprenable sur la vallée de la Dordogne, se niche le château La Rousselle, vignoble de poche et quasi-confidentiel qui mérite pourtant toute notre attention.

Cela fait maintenant vingt ans que l’équipe de Derenoncourt Consultants – présentement en la personne de Julien Lavenu – accompagne cette propriété qui appartenait depuis 1971 à Jacques et Viviane Davau, lesquels en ont fait une pépite confidentielle mais fort estimée. Suite au décès de Jacques en 2002, Viviane a continué à mener la barque, avec l’aide de la team Derenoncourt et, depuis 2014, de Daniel Garrigue, qui fait office de directeur d’exploitation. Daniel dirigeait déjà depuis 2006 une autre propriété, la château Lucia en Saint-Émilion Grand Cru, appartenant à la famille de l’industriel belge Joris Ide. Très naturellement, La Rousselle a rejoint Lucia en une même synergie commerciale puis, lorsqu’il est apparu que Viviane Davau ne transmettrait pas la propriété à ses deux filles, la famille Ide s’est proposée de reprendre l’exploitation. Enzo Ide (le fils de Joris), pilote automobile de 29 ans, supervise ainsi depuis 2015-2016 la « nouvelle vie » de La Rousselle, en déléguant la conduite du vignoble et la vinification au tandem Daniel Garrigue & Julien Lavenu.

Boostés par les nouveaux investisseurs qui ne veulent pas transiger sur la qualité de leurs vins, Daniel et Julien ont entamé un processus de restructuration et d’extension méticuleuse du vignoble, qui est en court. S’appuyant sur un cœur de terroir ultra qualitatif sur sols calcaires, en coteaux et en plateau, au sein d’un écosystème remarquable, ils replantent actuellement du merlot sur une superbe parcelle très pentue, qui était abandonnée et a été rachetée il y a quatre ans, et ont fait entrer dans le foncier un superbe ensemble de deux hectares de vieilles vignes de merlot en coteaux, qui ont intégré l’assemblage pour la première fois en 2020. Au total, 4,5 hectares sont actuellement en production, avec un peu moins de 40% de cabernet franc dans l’encépagement. Une proportion qui devrait se hisser à 50% dans les prochaines années, car cela semble aller dans le sens de l’Histoire mais aussi vers le profil élégant, tendu et racé des vins de La Rousselle, dont tout le potentiel nous a été confirmé au fil d’une dégustation verticale.

La Rousselle 2001.
Nez subtilement truffé, fumé, légèrement viandé. Touche d liqueur de pruneau et de réglisse. L’assemblage incluait encore un peu de cabernet sauvignon, moins de 10%. La matière est juteuse,fine, digeste, très salivante en finale. Le grain calcaire de la texture laisse une trace très élégante et désaltérante, et confirme le potentiel de garde.

La Rousselle 2003 (en magnum). Le caractère très solaire du millésime se devine, bien qu’il ait sans doute été compensé par la taille du contenant. La robe montre des signes d’évolution prématurée. Nez un peu sénescent, sur un fruit noir confit, gelée de cassis et de mûre, un profil épicé. La bouche est riche, assez dense, signée par une certaine gourmandise, un côté pâte de fruit, presque sirupeux dans la matière. Finale sur des amers fin de cacao.

La Rousselle 2005 (en magnum). La jeunesse et l’éclat de la robe contrastent avec celle du 2003, qui n’a que deux ans de plus. Au nez, belle pureté de fruit, aromatique nette, droite, « tirée à quatre épingles ». C’est un vin au cordeau qui s’annonce, et la bouche confirme : droite, mûre mais tendue, portée par une belle trame acide, un côté presque mordant. De la vitalité, mais aussi une touche d’austérité. On peut l’attendre encore !

La Rousselle 2007. Intéressant de déguster ce vin issu d’un millésime mal-aimé, mais qui avec le temps se comporte plutôt bien ! Le nez nous invite vers la cerise à l’eau de vie et les herbes médicinales, la liqueur de café. La bouche manque un peu de densité, laissant une impression un peu fuyante mais tout à fait digeste, sur un registre floral et mentholé. Manque un peu d’épaule mais tout à fait prêt à boire.

La Rousselle 2010. Au premier nez le signal est donné, ce 2010 en a encore sous la pédale. Intensité aromatique, densité, touche grillée, une évidente opulence : la bouche est à l’avenant, riche, à la fois pleine et énergique, ourlée de tanins musculeux mais élégants, porté par une arête acide sans concession. C’est un vin qui place tous les curseurs assez haut mais sans démonstration, il exprime seulement la réalité de son terroir, en puissance mais avec classe. Encore un bébé, en quelque sorte…

La Rousselle 2011. Voici le genre de millésime un peu mésestimé que l’on redécouvre sur la durée et qui sied parfaitement à des terroirs comme celui de La Rousselle. De la distinction, un certain allant sur la fraîcheur et le floral, une bouche tonique, très salivante (un côté jus de rôti, saisissant), beaucoup de finesse dans la définition des tannins, de fines notes truffées, c’est un vin à la fois énergique et élancé. On aime beaucoup.

La Rousselle 2012. Dans un registre plus sexy, pulpeux que 2011, avec un côté pommadé, plus enjôleur, 2012 joue sur le registre de la buvabilité. Tout est fondu, digeste, soyeux, la matière n’est pas imposante mais articulée autour d’un joli fruit al dente et appétissant. Parfait pour la table, dès maintenant.

La Rousselle 2014. Pour un millésime souvent qualifié de « classique », quelle concentration ! On a un premier nez très ramassé sur le fruit noir mûr, légèrement cacaoté, avec des notes presque pâtissières. À l’aération se dévoilent des notes plus fraîches et complexes, entre eucalyptus et tabac brun. Une forme de rectitude en bouche, un profil presque strict, des tanins fermes, une trame calcaire prononcée. Un peu austère à ce stade mais non dénué d’élégance. À attendre encore.

La Rousselle 2015.
Le millésime 2015 tel qu’en lui-même, plein, exubérant, sexy mais racé. Ce vin de grand plaisir est doté d’un jus riche et mûr, appétissant, avec un côté rôti, une belle jutosité, c’est en tout point charmeur, ourlé de tannins encore fermes et d’une acidité qui appelle à la patience.

La Rousselle 2016. Éclat, précision, pureté. Un vin haute définition qui monte d’un cran à tous les niveaux. La beauté du millésime se conjugue indéniablement avec une meilleure connaissance des terroirs et une meilleure maîtrise des outils. C’est délicieux, très accompli, à la fois floral et fruité, sapide, séveux, persistant. À mettre en cave sans hésiter !

La Rousselle 2017. Oubliez vos préjugés sur ce « millésime de gel », les terroirs de La Rousselle ne sont pas gélifs. Dans un registre un peu plus contenu que 2016, on est tout de même en présence d’un vin pimpant, doté d’une belle netteté, davantage sur le registre du floral, de la ronce, du noyau de cerise. La matière est tendue et croquante, la texture caressante, l’ensemble porté par une belle fraîcheur. C’est tonique, fin, très bon ! Certainement prêt à boire plus rapidement que d’autres millésimes récents.

La Rousselle 2018. De la concentration, une certaine puissance contenue, le profil généreux du millésime se laisse deviner d’emblée. Bouche d’une densité assez impressionnante mais propulsée par une jolie énergie, une onctuosité voire une sucrosité soutenue par une belle fraîcheur. Léger toasté en finale.

La Rousselle 2019. Remonté en cuve et légèrement collé, donc un peu bousculé. Malgré cela, il laisse entrevoir un très beau potentiel, avec un profil très complet entre l’intensité et l’élégance, du fruit noir et rouge, de la réglisse, des épices, une dimension charnue, vibrante et dynamique, un bel éclat d’ensemble. On retrouve la signature calcaire du terroir sur la finale, promesse d’une grande garde. À re-déguster dans quelques années.

La Rousselle 2020.
Assemblage quasi final en primeur. Une belle expression du fruit, très pure et nette, gourmandise et fraîcheur, du nerf, c’est un vin incarné, doté d’une solide ossature, droit, tendu et salin. Il s’annonce remarquable.

Les prix indicatifs consommateurs se situent, selon les millésimes, entre 20 et 25 euros.

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