Château Olivier, la revanche d’un discret

Cru Classé de Graves – en rouge comme en blanc – depuis 1953, Château Olivier a jusqu’ici cultivé une certaine discrétion à côté de certains de ses voisins, plus prompts à attirer les projecteurs. Mais le vent tourne et la propriété de la famille Bethmann a décidé d’entrer pleinement dans la lumière, en s’appuyant sur ses huit siècles d’histoire.

La discrétion n’est pas synonyme d’effacement ni de manque d’ambition, et s’il faut en croire les quelque 800 ans d’histoire du château Olivier, elle peut aussi aller de pair avec une extraordinaire longévité. Parmi les Crus Classés de Graves, voici une propriété qui n’est peut-être pas la plus médiatisée, mais qui, par sa constance et sa régularité, a su séduire les amateurs depuis plusieurs générations. Et qui, à l’heure de célébrer quelques anniversaires symboliques (les 70 ans de son classement, notamment), a décidé de s’inviter davantage dans la lumière.

Château Olivier voit ses racines remonter au moins au XIIème siècle, date des plus anciens vestiges du château médiéval qui fait actuellement l’objet d’un ambitieux plan de rénovation. C’est au XVIème siècle que la propriété comme le bâtiment prennent définitivement leur ampleur avec le seigneur de Léognan, Artus d’Olivey, qui va donner son nom au château. Dès cette époque, soit il y a environ 400 ans, la présence d’une activité viticole est attestée. Au fil des siècles et au gré des vicissitudes de l’Histoire, Olivier continue d’écrire la sienne, jusqu’à ce qu’il entre, à la fin du XIXème siècle, dans la famille de Bethmann – qui a notamment « fourni » un maire de Bordeaux.

Un potentiel inexploré

En 1953, lorsque est promulgué le classement des vins de Graves, Château Olivier est reconnu Cru Classé, en rouge comme en blanc. Une reconnaissance dûe notamment à la pugnacité du négociant qui en assure la gestion pour la famille de Bethmann. Cette dernière reprend pleinement la main en 1982, lorsque Jean-Jacques de Bethmann et son épouse décident de s’investir personnellement dans la propriété – une volonté que prolongera leur fils Alexandre de Bethmann à partir du décès de son père en 2012. Entre-temps, la propriété se dote, en 2002, d’un nouveau directeur en la personne de Laurent Lebrun (photo ci-dessous). Originaire du Sancerrois, cet agronome passé par la Champagne, l’Australie et l’univers de la tonnellerie pressent, avec les conseils de Denis Dubourdieu, tout le potentiel encore inexploré des terroirs d’Olivier, dont le vignoble nécessite d’être restructuré.

« Ma première action en arrivant à Olivier a été d’établir une carte des sols de la propriété en faisant des fosses pédologiques un peu partout« , explique Laurent Lebrun. « Le domaine est très vaste, il couvre près de 240 hectares de bois, de prairies, c’est un véritable écosystème à part entière au sein duquel la vigne occupe tout juste un tiers du foncier. Il y avait pourtant du travail à faire sur le vignoble, sur une meilleure connaissance de notre mosaïque de terroirs. Nous avons ainsi des découvert, au cœur des zones boisées, des parcelles exceptionnelles dans la zone Bel-Air, où nous avons planté 8 hectares de grands cabernets. Tout cela nous a permis de faire progresser la qualité et la précision des vins« . Un grand programme de restructuration et de replantation amorcé au milieu des années 2000 contribue à donner au vignoble d’Olivier son visage actuel : 60 hectares, dont 58 en production – 8 étant dévolus au vin blanc. Situé sur un terroir glaciaire à proximité de la Garonne, construit en une succession de croupes, le parcellaire du domaine est très diversifié, entre nuances de graves, d’argiles, de sables, le tout sur une base plus ou moins calcaire. L’encépagement se répartit entre 75% sauvignon blanc 25% sémillon pour les blancs, et 50% cabernet sauvignon (en augmentation) 50% merlot (plus une portion de petit verdot plantée en 2011) pour les rouges. En 2021, l’acquisition d’un terrain voisin de 5 hectares permet de relocaliser le pôle viticole, tandis qu’une conversion est entamée vers l’agriculture biologique.

Vingt ans de travail

« Depuis vingt ans, nous avons accompli un grand travail de fond sur le vignoble, qui s’est accompagnée d’une rénovation du cuvier en 2003, tout en respectant le bâtiment et sa charpente du XVIIIème siècle« , explique Laurent Lebrun. « C’est ça, l’équilibre de Château Olivier : continuer de progresser dans la précision de ses vins, gagner en notoriété sur la scène internationale, sans tourner le dos à son patrimoine et son histoire. C’est pourquoi nous avons entamé un grand programme de restauration du château avec le concours de la DRAC (Direction régionale des Affaires culturelles, NDLR) de Nouvelle-Aquitaine et les architectes du Patrimoine, pour rénover les fondations, les parties fortifiées, les douves« . Le bâtiment, qui est habité par la famille de Bethmann, n’a pas vocation à être ouvert au public mais le fait de lui rendre sa superbe participe d’un projet d’ouverture au sein duquel l’œnotourisme occupera toute sa place, comme en a attesté cet été l’activité de « bain de forêt » ou « Shinrin Yoku » inspirée de la culture japonaise.

À l’heure de fêter, en 2022, les vingt ans de l’arrivée de Laurent Lebrun et les dix ans d’Alexandre de Bethmann à la tête de la propriété, en attendant l’année prochaine les 70 ans du classement et les 20 ans du cuvier, Château Olivier a tous les atouts pour s’imposer de nouveau dans l’imaginaire de tous les amateurs. Au vu du beau potentiel de garde de ses vins, l’affaire semble bien engagée.

« Terre de vins » aime :
Château Olivier blanc 2012 : s’il fallait une pruve du potentiel de garde des blancs de la propriété, la voici. Cet assemblage sauvignon (75%) et sémillon (25%) a juste ce qu’il faut de patine pour évoquer des notes finement miellées, entre amande et acacia, le tout marqué par un crémeux sans opulence et soutenu par une jolie fraîcheur. À noter également, un millésime 2011 plus tendu et ciselé.
Château Olivier rouge 2010 : un vin en pleine possession de ses moyens, arborant encore les signes de la jeunesse (couleur profonde, fruit noir corsé, coulis de cassis ourlé d’épices) tout en déclinant les premiers indices d’évolution (cuir, tabac, graphite, notes d’âtre et fine touche lardée). Un vin qui a de la densité, du fond, de l’allnge, de l’allure, porté par une belle définition de tannins et une belle trame acide. Élégant et persistant.

Cet article Château Olivier, la revanche d’un discret est apparu en premier sur Terre de Vins.

Commentaires

  • Pas encore de commentaires...
  • Ajouter un commentaire