Château Potensac, premier bastion des Delon

Avant Château Léoville Las Cases, Clos du Marquis et Château Nénin, le château Potensac, en appellation Médoc, était le tout premier bastion des Domaines Delon. Un fief d’une soixantaine d’hectares pourtant méconnu, juché sur les jolis terroirs d’Ordonnac et donnant naissance à de beaux vins de pure style médocain.

Dans l’imaginaire de tout amateur de vin, le château Léoville Las Cases occupe une place à part. Au-delà de la célèbre séquence du film « L’Aile ou la Cuisse » dans laquelle Louis de Funès reconnaît le grand vin à sa seule observation, sans même le sentir ni le mettre en bouche, ce 2ème Grand Cru Classé de Saint-Julien s’appuie sur une très ancienne renommée, grâce à son terroir majuscule qui flirte avec Pauillac et donne naissance à des vins d’une imparable élégance à l’épreuve des âges. Propriété de la famille Delon depuis la fin du XIXème siècle, Léoville Las Cases est aujourd’hui le navire amiral d’un éventail de propriété qui inclut également le Clos du Marquis à Saint-Julien et le château Nénin à Pomerol. Et pourtant, « Las Cases » n’est pas le bastion originel des Delon. C’est plus au nord du Médoc, à Ordonnac, que prend racine la famille du propriétaire actuel, Jean-Hubert Delon. Plus précisément au hameau de Potensac, où se trouve toujours sa maison natale.

Le château Potensac occupe donc une place à part au sein des Domaines Delon. Une place affective, patrimoniale, mais aussi un statut de « pépite méconnue » tant ses vins conservent encore un caractère discret voire confidentiel. Il faut dire qu’aller à Potensac se mérite ; on est ici dans la partie clairement septentrionale de la presqu’île médocaine, tout proche de l’estuaire de la Gironde, à une bonne heure et demie de Bordeaux. Pourtant, en arrivant, pas de doute, il y a ici une histoire, et un terroir. L’histoire, tout d’abord : ce domaine, qui est dans la même famille depuis des générations, a souvent été transmis par les femmes ; ainsi, Jean-Hubert Delon l’a hérité de sa grand-mère paternelle, Georgette Liquard. Les bâtiments témoignent de cette longue série de transmissions, la partie cuverie étant séparée de la partie chai par une route départementale, et par une chapelle désacralisée qui sert aujourd’hui de lieu de stockage ou d’élevage des vins de presse.

Un « gentleman farmer »

Côté terroir, ce vignoble de 62 hectares se déploie principalement sur deux croupes argilo-graveleuses où se distinguent des affleurements calcaires. Culminant à une trentaine de mètres (ce qui, à l’échelle médocaine, pourrait être qualifié d’altitude), il bénéficie de l’influence de l’océan et de l’estuaire, qui offrent une bonne ventilation et une protection contre le gel. L’encépagement se répartit entre merlot (47%), cabernet sauvignon (35%), cabernet franc (17%) et petit verdot (1%). Les vieux merlots âgés de plus de 80 ans et les cabernets francs centenaires constituent notamment un patrimoine précieux. Le vignoble est progressivement restructuré, avec une part croissante de cabernet franc mais une préservation des merlots qui constituent « l’identité de Potensac », comme le précise le directeur technique Sébastien Herfray : « Potensac est un terroir frais et il profite pleinement, depuis quelques années, du changement climatique, tant il en régule les effets les plus marqués. Les vieux merlots et les vieux cabernets francs donnent aux vins un profil à la fois très médocain, apte à une longue garde, mais tendre dans sa jeunesse. C’est un gentleman farmer, rustique mais élégant, qui bénéficie de la même exigence technique que les autres domaines familiaux ».

Ainsi, s’il fallait lui trouver un « style » Delon, ce serait cet équilibre entre une certaine rectitude dans la forme du vin et un toucher de bouche très distingué, aux « angles tempérés ». Avec, donc, ce supplément de souplesse dans sa jeunesse, qui en fait un excellent compagnon de route de son prestigieux cousin de Saint-Julien – mais aussi une valeur sûre pour beaucoup d’amateurs de vins médocains. Avec un prix TTC compris entre 25 et 30 euros, voilà un vin qui sait se valoriser tout en restant encore accessible à toutes les bourses.

« Terre de Vins » aime :
Château Potensac 2020
et 2019 : difficile de choisir entre ces deux millésimes aux profils distincts et qui, chacun dans son registre, affiche un superbe caractère. 2020, intense, dense et vertical, percutant de violette confite et de cassis, à la puissance maîtrisée, déroule sa matière crémeuse et musculeuse sur un tapis de tannins finement crayeux ; 2019, plus aérien, vibrant, tonique, convoque davantage la cerise noire et la mûre, sur un côté presque dansant, rafraîchissant. Sans doute le plus « prêt à boire » des deux.
En remontant dans le temps, on aime le profil un peu fumé et sanguin du 2015, le classicisme mentholé du 2008 et, belle surprise, l’équilibre du 2003, millésime caniculaire qui s’exprime ici sur un fruit épicé mais frais, déclinant de légères notes de tapenade, sur une trame tannique très civilisée. « Il fait en moyenne 2°C de moins ici qu’à Las Cases », nous précise le directeur technique. Un atout indéniable face au réchauffement climatique.

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