Concours du Meilleur Caviste de France : un an après

Le 20 octobre 2020, la finale de la compétition inter-cavistes créée par le Syndicat des Cavistes Professionnels et orchestrée par Terre de Vins se tenait à la Cité du Vin (Bordeaux). Un peu plus d’une année après nous avons demandé aux trois cavistes sur le podium et aux lauréats des deux prix spéciaux de dresser le bilan, et de nous évoquer les opportunités ouvertes par cette consécration

Matthieu Potin – Meilleur caviste de France 2020 – La Vignery Saint-Germain-en-Laye (78)

Je n’ai pas fait le Concours pour développer mon chiffre d’affaires, mais avec un défi personnel : celui de me prouver que je pouvais le faire et avoir une reconnaissance. Après un an, mon bilan est que cette victoire m’a fait faire autre chose qu’être caviste. Le Concours m’a permis de passer une étape supplémentaire à la boutique et de penser plus loin. Avec notamment la presse régionale qui a beaucoup parlé du Titre, le magasin, ouvert depuis 2014, a franchi un palier supplémentaire, avec un accroissement de 30 à 35 % en chiffre d’affaires et en clients l’an dernier. J’ai pu recruter pour agrandir mon équipe en cave. Les clients historiques sont très fiers d’être nos clients, ils sont heureux d’avoir une belle boutique et des bons conseillers à leur écoute. Le Titre en a aussi amené de nouveaux. Quand tu te prépares pour le Concours et l’ambitionnes depuis longtemps, le jour où tu y arrives, c’est un peu comme la fin d’un cycle, le point final à un chapitre.

Les semaines et mois qui ont suivi la finale, on a cherché ce qu’on pouvait faire à deux avec Julien (Julien Lepage, caviste d’argent, employé de Matthieu Potin à La Vignery Saint-Germain-en-Laye, ndlr). On avait pensé à un projet commun dans la restauration, mêlant nos compétences entre vin et cuisine, mais le Coronavirus nous a stoppés. Le confinement m’a montré que je pouvais faire autre chose, partiellement ou totalement, être moins en magasin et passer plus de temps avec ma famille, tout en continuant à gagner ma vie correctement. Et puis derrière, j’ai gagné le Concours, la lumière était sur moi. J’ai pris une place que je n’avais pas dans la sphère professionnelle, avec beaucoup de sollicitations. J’ai eu des opportunités, on m’a par exemple proposé de développer la marque commerciale « Matthieu Potin », pour permettre aux vignerons d’inscrire sur leurs bouteilles « recommandé par Matthieu Potin, Meilleur caviste de France ». Au départ, j’espérais aussi obtenir des allocations de domaines rares ou prestigieux, mais ce n’est pas si simple que ça. Certains nouveaux clients, notamment dans mon réseau d’affaires, m’ont demandé d’animer des soirées dégustation. Du jour au lendemain, avec la restauration à l’arrêt durant le confinement, j’ai aussi reçu des CV de gens motivés par l’idée de travailler avec le Meilleur caviste de France. Ce n’était pas le cas avant.

Comme j’ai besoin de défis et de varier mes activités, j’ai eu l’opportunité, grâce aux résultats économiques du magasin, d’investir dans une propriété dans ma région natale de Normandie, pour proposer de l’accueil en chambres et table d’hôtes. On en discutait déjà avec ma femme, mais ce n’était pas du tout dans nos perspectives à court terme. Depuis mi-mai, je partage donc mon temps entre la Normandie et le magasin. Cette activité n’est pas si éloignée du monde du vin et des spiritueux, puisqu’il s’agit d’un petit manoir avec une partie agricole. A terme, j’aimerais céder ma boutique de Saint-Germain-en-Laye, et produire du cidre tout en accueillant dans la maison d’hôte. Je suis encore sous contrat avec La Vignery jusqu’en 2023, mais je réfléchis déjà à ouvrir ma cave en Normandie un jour. »

Julien Lepage – Caviste d’argent – La Vignery Saint-Germain-en-Laye (78)

« Juste après la finale du Concours, j’ai eu beaucoup de mal à réaliser ce qui s’était passé. J’ai mis beaucoup de temps sur l’année qui a suivi le Titre. Ca s’est fait petit à petit avec les félicitations qu’on a reçues de nos fournisseurs, des gens qui venaient juste comme ça nous dire « bravo » parce qu’ils avaient vu des articles… C’est ça qui m’a aidé à prendre conscience qu’on avait fait une chose incroyable. Un an après, c’est toujours aussi magique. J’ai d’ailleurs une petite anecdote à ce sujet. Quand je suis allé au salon Dugas Club Expert, la réceptionniste me dit quand je me présente : « ah, c’est vous qui avez fait un doublé au Concours ! » J’ai trouvé ça assez fou que, pratiquement un an après, elle m’en reparle, et de constater l’impact que ça a eu auprès de la filière, que ce soit dans le vin ou les spiritueux. Avec le Titre, tout s’est accéléré.

Sur les réseaux sociaux aussi, il y a eu une nette augmentation du nombre d’abonnés à mes comptes, que ce soit sur Facebook, l’Instagram que j’ai créé ou sur LinkedIn. En termes d’opportunités, il y a bien sûr eu quelques demandes sur LinkedIn pour savoir si je cherchais du travail. J’ai décliné, car c’est dans ma propre structure, à La Vignery, que j’ai évolué. En discutant avec le responsable d’exploitation de La Vignery, j’ai décidé de quitter mon poste au sein de la boutique de Saint-Germain-en-Laye, et j’ai pris depuis le 7 août un nouveau poste de formateur et ambassadeur créé pour moi au sein de l’enseigne. Ce projet a été rendu possible grâce au Concours et à l’image qu’il m’a donné, en permettant de nous crédibiliser. A travers ce nouveau poste, ma mission est de transmettre notre savoir aux collaborateurs, de les former à une meilleure connaissance des produits. J’envoie beaucoup de fiches techniques, je fais des vidéos sur Slack pour des produits sur lesquels on a des enjeux, et j’ai aussi pour projet d’emmener nos équipes dans le vignoble. Ce poste comprend aussi une partie formation clients. Nous proposons déjà des formations œnologiques au sein de nos magasins, mais on est en train d’étudier la mise en place d’un format un peu différent. On avait commencé à travailler sur à des formations en ligne, on les expérimente suite au Coronavirus. J’ai également une mission d’ambassadeur, pour développer l’image de la marque « La Vignery » auprès des clients, fournisseurs, collaborateurs… Le but est de faire résonner la marque, notamment par la présence sur des événements-phares et sur le terrain. On veut aussi l’humaniser, montrer que nos acheteurs se déplacent, sélectionnent les produits, bien loin de ce qui se pratique en grande distribution. Le Concours m’a aussi donné plus de confiance en moi. Je n’en retiens que du positif, avec tant de choses incroyables qui se sont passé durant cette année. »

David Morin – Caviste de bronze – La Cave de Villiers-sur-Marne, Villiers-sur-Marne (94)

« Ce titre de Caviste de bronze a changé le regard des clients. A travers le Titre, ils voient le savoir-faire sur la sélection des vins et des vignerons. Aujourd’hui, ils nous font plus confiance sur nos coups de cœur, nos pépites, pas forcément des vins d’appellations, mais des vins façonnés par des beaux vignerons sur des IGP françaises ou des vins étrangers. Ils m’incitent à aller plus loin dans mes recherches. Pour préparer le Concours, j’avais déjà lu beaucoup de choses sur des vignobles, des IGP, des vins étrangers, mais je n’avais pas forcément eu le temps d’aller les déguster en amont du Concours. Je suis allé rendre visite à ces vignerons ou importateurs suite au Concours, et j’ai rentré certains de ces flacons. Aujourd’hui, j’achète des vins un peu moins connus, vins de pays, IGP ou vins étrangers, dans des tarifs abordables entre 10 et 15 €. Et les clients adhèrent. J’ai vraiment cette image de caviste découverte. Des clients viennent de loin pour découvrir la cave.

Pour ce qui est des opportunités, la principale est que ce podium m’a permis de m’agrandir pour proposer des cours d’œnologie en plus de la partie cave, avec l’ouverture d’une nouvelle boutique, à quelques pas de l’actuelle. La mairie de Villiers-sur-Marne m’a épaulé dans la prospection et l’installation. Auprès des banques, frileuses en fin de Covid, le Titre a facilité la démarche. Au niveau des fournisseurs et professionnels, le Titre m’a ouvre des portes, dont celles de certains domaines auxquels je n’avais pas accès. Ce ne sont pas forcément les bouteilles les plus chères, mais des choses confidentielles.

Le Concours m’a aussi permis de rencontrer d’autres cavistes. Entre finalistes, nous sommes restés très soudés. Peu importe que nous soyons indépendants ou franchisés, on s’entraide, s’écoute, on échange sur les produits et sur le métier. »

Alexis Zaouk – Prix spécial, Meilleur Jeune Caviste de France – La Cave d’Alex, Nanterre (92)

« La Cave n’ayant qu’un an d’existence lors du Concours, le titre de Meilleur Jeune Caviste a été un vrai accélérateur. Il m’a permis de gagner en visibilité auprès du public. De nouveaux clients sont apparus à la cave, le plus souvent par curiosité suite aux retombées médiatiques. Un grand nombre d’entre eux sont encore clients aujourd’hui. Je ne peux que recommander de participer à ce concours, d’autant plus que c’est une occasion en or pour rencontrer des confrères et pouvoir échanger avec eux. »

Franck Naudot – Prix spécial du public (attribué par le vote des internautes sur terredevins.com) – Les Caves Naudot, Gannat et Bellerive-sur-Allier (03)

« Que de chemin parcouru depuis la finale… Le bilan est néanmoins difficile à jauger. Quelle est la part du concours dans notre progression, quelle est la part de la crise sanitaire ? Difficile de répondre en chiffres. Je peux cependant ébaucher une réponse plus littérale. Il est indéniable qu’une partie de ma clientèle est fière de côtoyer un finaliste, cela donne une image de besogneux du bouquin, d’arpenteur du terroir, de bûcheur du goulot. Le prix du public est aussi le leur. Dans cette évolution où beaucoup cherchent à mettre un sens à leurs actes d’achat, voir qu’en tant que consommateur chacun peut devenir consomm’acteur, et que cela se traduit concrètement par un joli trophée au milieu de la cave, peu y restent insensibles. Après, ce n’est pas une fin en soi, mais plutôt une étape de plus. Il y a plein d’autres étapes importantes et même peut-être encore plus importantes. La vie n’est pas un concours, elle est opportunités, rencontres, échanges et le concours ne doit rester que ce qu’il est, c’est-à-dire une photo, un instant de vie. Le film lui, continue. »

Retrouvez toutes les photos, le palmarès et les souvenirs de la 4eme édition du Concours du Meilleur Caviste de France organisé par Terre de vins et le Syndicat des Cavistes Professionnels, en octobre 2020.

Photos Solène Guillaud

Cet article Concours du Meilleur Caviste de France : un an après est apparu en premier sur Terre de Vins.

Commentaires

  • Pas encore de commentaires...
  • Ajouter un commentaire