Condrieu confronté au climat

Dans le cadre du salon Découvertes en Vallée du Rhône, Pierre-Jean Villa, président de l’appellation Condrieu, a animé une conférence sur l’évolution des vins face au dérèglement climatique.

« A une époque pas si lointaine, à la fin du XXe siècle, il n’était pas rare d’avoir des condrieus demi-secs dans lesquels les dames trempaient des boudoirs pour le goûter, rapelle le président de l’appellation Pierre-Jean Villa. Aujourd’hui le condrieu est sec, à quelques exceptions près, et fait plutôt la chasse aux sucres. Pendant longtemps, on a vendangé le viognier avec un peu de botrytis, certains vignerons pensant que ça apportait de la complexité aux vins. Je pense plutôt que ça apporte juste du botrytis et que ça enlève de la sapidité ». Pour élaborer des vins plus complexes et moins variétal uniquement sur la mangue-abricot, le vigneron est davantage partisan de vendanger plus tôt, de faire la fermentation malolactique et de rajouter un peu de SO2 pour fixer les arômes. « En général, on presse en grappes entières pour préserver les équilibres et on bâtonne de moins en moins, ce qui était la norme autrefois, à la bourguignonne, et qui donnait des vins plus gras ».

Les derniers millésimes à la loupe
La nouvelle génération est surtout confrontée au bouleversement climatique avec des millésimes atypiques qui vont sans doute devenir la norme. Preuve en est le trio 2017-2028-2019, le premier chaud avec une grande disparité de maturité, le deuxième à nouveau très chaud avec des degrés élevés et le troisième avec encore plus de puissance mais très hétérogène et pour lequel le choix de la date de vendange a été primordiale. Mais pas question pour Pierre-Jean Villa de réfléchir à d’autres cépages que le viognier qui fait l’identité de l’appellation. « Je crois davantage à l’adaptable, notamment en vignes avec des tailles différentes, des clones et des porte-greffes plus résistants à la sécheresse, des vendanges plus précoces, qu’au modifiable avec d’autres cépages ».

En 2020, la vigne, entrée en résilience, avait donné les plus hauts degrés du XXIe siècle mais paradoxalement les meilleurs équilibres avec un fort potentiel de garde. « Sur les millésimes chauds, la minéralité du granit comble en général le manque d’acidité, analyse Pierre-Jean Villa. Condrieu a été replanté dans les années 70 sur des coteaux plein sud pour garantir la maturité du viognier mais aujourd’hui il souffre un peu du manque d’amplitudes thermiques entre le jour et la nuit ».

Le 2021 qui sort des chais ces derniers mois apparaît plus classique, plus frais et tendu avec un retour aux vendanges le 15 septembre, période habituelle pour l’AOP. Mais il est peu volumique, le gel de printemps ayant mis par terre 50 à 70% des raisins. « Nous sommes l’appellation la plus précoce du secteur et dans la nuit du 8-9 avril, les feuilles étaient déjà sorties. La repousse a juste permis de sauver les années suivantes car les contre-bourgeons du viognier ne sont pas fructifères ».

Le président de l’appellation, en conclusion, rappelle le paradoxe de Condrieu « qui doit sa renaissance à la vulgarisation du goût Parker pour des vins riches et boisés – la mode de l’opulence nous ayant servi à recréer une notoriété surtout à l’international. Mais ce qui a fait notre succès nous a aussi desservi ces dernières année et ne correspond pas à l’histoire de Condrieu. Heureusement, le retour aux sources actuel nous éloigne de la lourdeur et du trop boisé pour renouer avec l’équilibre ».

Terre de Vins a goûté les derniers 2021  :

– Condrieu de Guigal : Une bouteille sur trois de l’appellation sort des chais de la maison familiale. Un assemblage des terroirs nord et sud, élevé pour un tiers en fûts. 2021 signe sur ce millésime frais un virage de la maison avec moins de vendanges en surmaturité d’où un profil plus floral (fleurs blanches,  chèvrefeuille, acacia)  une puissance discrète et maîtrisée sur des fruits jaunes et des agrumes et une note saline. (42 €)

– Lionel Faury Cuvée Le Mornieux : Un vin frais et appétant, salin à la trame serrée sur les fruits jaunes, l’ananas frais, la fleur d’acacia et la violette, rond et ample sur une finale salivante. (29 €)

– Domaine Christophe Pichon & Fils : Une approche plus rhodanienne avec un élevage à 30% de fûts neufs. Un vin ample et riche, très floral et parfumé sur les fleurs blanches et la marmelade d’abricot sur une note de noisette grillée. (40 €)

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