Dans la musette d’expériences de Xavier Vignon

Le célèbre œnologue et producteur de la Vallée du Rhône Sud, Xavier Vignon est en recherche permanente et en expériences constantes sur ses vins, notamment de Châteauneuf-du-Pape et des Côtes-du-Rhône avec comme principal leitmotiv la minéralité.

La passion de Xavier Vignon, c’est la minéralité même si il reconnaît volontiers que le terme manque toujours de définition et qu’il ne cesse de faire débat, certains dégustateurs niant même son existence. « Avec mon approche d’œnologue, je dirais que c’est aller chercher des sels minéraux pour apporter de la salinité et de la sapidité dans les vins. Pour beaucoup de consommateurs, minéralité est synonyme d’aromatique, parfois d’acidité et souvent associée au chablis ». Si on passe en général du minéral au salin en descendant vers le Sud, l’œnologue consulté par plus de 400 vignerons estime que le contenant le plus favorable pour ce profil reste la barrique. « Chaque porte-greffe ayant un pourcentage d’eau différent, c’est le meilleur élevage pour obtenir la véritable empreinte du terroir ». Car Xavier Vignon définit d’abord le vin par son eau (85 %) ou plutôt par le rapport quantité de bois de la vigne comparé au poids du raisin et en fonction de l’âge de la vigne- et parfois du capitaine. Ce qui explique par exemple qu’un grenache de 15 ans peut se consommer plus longtemps qu’un de 50 car plus il contient de l’acidité, plus il est de garde. Mais si l’œnologue est avant tout un scientifique, il ne rechigne pas à raconter des expériences sans explication rationnelle. Comme le fait de régler des problèmes de collage d’un vin en rajoutant une pincée de sel dans une barrique pour compenser justement un manque de salinité comme pour le millésime 2003. Pour illustrer ces propos, Xavier Vignon sert l’un de ses vins rouges avec une goutte de plusieurs eaux minérales différentes. Le résultat est surprenant, l’eau contenant le plus de sels minéraux donne un vin plus harmonieux tout en faisant ressortir l’acidité et la salinité sur la longueur. A essayer chez soi entre amis pendant les longues soirées d’été.

Blanc de noirs et rouge dans rouge

« La minéralité, c’est aussi la gestion de l’eau et comment retrouver des minéraux qui disparaissent sans acidifier ni trop gagner en degrés. Le problème, c’est que les cépages résistants que l’on teste actuellement le sont plus aux maladies qu’à la sécheresse. L’œnologue conseil et producteur estime qu’il y a davantage de minéraux et d’acides organiques dans les raisins noirs que dans les blancs, ce qui permet de ne pas trop perdre en acidité. Et de suggérer de faire du vin blanc avec des cépages noirs. Ce que permet le cahier des charges de Châteauneuf-du-Pape, pas celui des Côtes-du-rhône. D’où l’élaboration de la cuvée Almutia Clair-Obscur (39,50 €), un Châteauneuf blanc, assemblage multi-millésimes de grenache blanc, gris et noir, syrah, mourvèdre, counoise et roussanne vinifiés en vendanges entières, les macérations des rafles favorisant l’extraction des sels minéraux. Une acidification naturelle en somme à condition de remplir rapidement la cuve pour éviter la coloration des jus. La plus grande difficulté surtout dans le Sud-Est est de vinifier des raisins homogènes. Il faudrait faire systématiquement un tri par degrés, ce qui permettrait de surcroît de se passer d’irrigation et de gagner un répit d’une cinquantaine d’années face au réchauffement climatique ».

Autre expérience sur la salinité dans la collection Arcane sublimant un millésime ou un cépage avec la cuvée Le Pape 100 % grenache, un châteauneuf-du-pape 2010 (127 €) issu de vignes centenaires, vinifié et élevé en barriques cerclées d’inox, elles-mêmes plongées 60 mois dans des cuves béton de châteauneuf-du-pape. « Je voulais d’abord les immerger en mer mais la procédure était trop compliquée et le sel attaque le bois. D’où l’idée d’une immersion dans une cuve de vin sans soufre et sans oxygène ». Le résultat est un vin au bouquet explosif, onctueux sur des tanins d’une grande élégance et des arômes de mûres, myrtilles, prunes sur des notes d’épices et de cuir. Et Xavier Vignon toujours en quête d’expériences de conclure « La science nous aide à comprendre, mais pas forcément avancer et on apprend davantage de ses erreurs sur le terrain ».

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