Les 8 et 9 mars derniers, Amicie (désormais responsable de notre bureau de Beaune et en lien avec nos vignerons bourguignons) et Laure étions en virée dans les vignes, du côté des vignobles du Vézelien et du Chablisien. Voici le récit de nos deux jours, à la découverte de cinq domaines que vous connaissez certainement déjà pour certains : La Sœur Cadette, Pattes Loup, Clotilde Davenne, Louis Moreau et Benoît Droin.
Si notre nouveau bureau est installé à Beaune, c’est parce qu’il est au centre de la Bourgogne, et permet à notre chère Amicie de se déplacer autant dans le nord, à Chablis, Auxerre ou Vézelay que dans le sud du côté du Mâconnais. Cette fois-ci, nous partons en direction du nord, et commençons notre périple dans le village de Saint-Père, qui vaut presque autant le détour que Vézelay, la grande, qui la regarde de haut.
A quelques pas de la splendide église de Saint-Père, dont le fameux narthex du XIVème mérite un bon coup d’œil, se tient la cuverie du domaine ; et au niveau de l’ancienne station essence (sur le panneau où étaient jadis affichés les prix des carburants, on peut désormais lire ces trois mots « La Sœur Cadette »), le caveau de dégustation. C’est aussi ici que Valentin Montanet conserve son matériel – « j’ai eu cette opportunité de racheter cette ancienne station-service, j’ai donc de la place » et qu’est installée la chaine d’embouteillage. Cette place, il n’hésite d’ailleurs pas à la partager, avec de jeunes vignerons avides de façonner leurs premiers millésimes, « puis je les mets dehors, il faut bien qu’ils prennent leur envol ! »
Valentin est le fils de deux vignerons, Jean et Catherine, tous deux propriétaires de domaines : le domaine de la Cadette pour son père, et le domaine Montanet-Thoden pour sa mère. A la question enfantine : « qui préfères-tu entre ton père et ta mère ? » Valentin n’a certainement jamais su répondre… En effet, il achète depuis 2010 les raisins des deux exploitations pour les vinifier et les élever, sous le nom de la Sœur Cadette. « Tous les raisins que j’achète sont bio. J’y tiens, et le domaine de mon père travaille d’ailleurs dans cet esprit depuis 1999. C’est vous dire » nous lance-il avec un sourire. Si l’on peut lire que les vins de la Sœur Cadette sont nature, Valentin n’en fait pas un fer de lance et s’amuse parfois de cette tendance récente : « je fais le vin de façon honnête, selon mon idée et selon le bon sens. Je connais mes clients, ceux-ci prennent du plaisir à boire mes bouteilles et c’est ce qui m’importe ». Valentin Montanet travaille ses vins en cuve et en fûts et a pour philosophie de donner au vin le goût de l’endroit où il a poussé. Ainsi il intervient assez peu dans la vinification, mais prévient tout de même des défauts du vin qui peuvent aussi en masquer les arômes.
Je ne vais pas vous en dire plus à son sujet, car nous allons bientôt vous en reparler sur iDealwine, voyez donc ces quelques mots comme une sorte de bande-annonce ou de quatrième de couverture. A retenir pour avoir envie de venir voir le film : le vigneron est souriant, bon vivant et a à cœur de transmettre sa culture et son amour pour le Vézelien. Et nous pouvons vous dire que c’est contagieux…
Petit tour des vins dégustés le jour de notre venue, sur bouteilles – les étiquettes ont été travaillées par un atelier de linogravure qui se trouve dans le village de Vézelay – sur cuve ou sur fût :
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Nous arrivons à Courgis, au niveau de la cave de Thomas Pico, qui offre à travers sa porte vitrée une vue imprenable sur les vignes. C’est Evi, bras droit du vigneron, qui nous reçoit. Ni une ni deux, nous nous retrouvons avec un verre à la main, ayant posé nos affaires sur la table en bois, et passons par l’entrée des artistes pour une petite visite de la cave.
Les 22 hectares de vignes sont travaillés en bio et biodynamie, une dizaine de personnes les chouchoutent toute l’année, sans compter les trois personnes qui s’occupent du bureau. Après un tri aux vignes, les raisins bien mûrs – Thomas Pico est un de ceux qui vendangent le plus tard du village – parviennent à la cuverie pour la vinification. La fermentation alcoolique advient par la seule action des levures indigènes et la malolactique est également opérée. Pour les rouges, le jus de presse et de goutte sont séparés. Le chablis – qui porte le doux nom de Vent d’Ange – est élevé en cuves et les 1er crus – au nombre de quatre au domaine – sont travaillés en fûts pendant un long temps d’élevage, jusqu’à 3 ans.
Nous sillonnons à travers la cuverie. Les cuves et les cuves ovoïdes sont peintes avec des jolies couleurs vives qui donnent beaucoup de joie à ce lieu. On aperçoit aussi des petits loups un peu partout, pour nous rappeler que le nom du domaine provient de cette fameuse parcelle « Pattes Loups » que Thomas Pico a planté en bio en 2005. Petit tour des vins dégustés :
Pour en savoir plus sur le domaine Pattes Loup, vous pouvez retrouver notre article dédié
> Tous les vins de Pattes Loup en vente
Arrivées à Préhy, c’est Arnaud, le fils de Clotilde, qui nous reçoit. Nous partons aussitôt à ses côtés pour une petite balade ventée – « le plateau est toujours très agité » – en direction des vignes, une vue imprenable sur l’église du village du XIIIème siècle, aimée pour son petit clocher pointu. « Ma mère a commencé à partir de rien, en reprenant sept hectares. A l’époque, c’était rare pour une femme. Aujourd’hui, le domaine vinifie une trentaine d’hectares de vignes, entre Chablis, Irancy, Saint-Bris… ». 28 cuvées. Oui, vous entendez bien ! « C’est l’histoire du domaine et nous y sommes attachés. Chaque cuvée retrace les allocations que nous avons eues et elles comptent donc pour nous ». Nous passons par la cuverie, où les cuves semblent des immeubles qui peuplent une véritable ville : chaque parcelle y est minutieusement travaillée, d’où leur multitude. Depuis 2014, quelques fûts ont fait leur apparition au domaine, pour élever les rouges et leur apporter plus de structure pour le vieillissement.
« Nous avons l’ambition du bio, mais sommes restés à une certification HVE3, car les conditions sont dures ici ». Nous revenons vers la maison, splendide bâtisse de pierres, « en travaux depuis 30 ans » précise le fils, rieur. Ce dernier est revenu en 2012 au domaine et y a développé notamment l’œnotourisme. Nous passons dans la salle de dégustation et commençons le festival qui nous attend. Les vins, qui s’alignent en farandole sur la commode de bois, sont tendus, « c’est ce que les gens viennent chercher chez Clotilde Davenne ».
> Tous les vins du domaine Clotilde Davenne en vente
Nous arrivons à Beine à la recherche du domaine Louis Moreau. Non seulement les domaines Moreau sont nombreux dans le coin, mais en plus nous ne savons pas vraiment où nous attend Romain Beaugrand (commercial), entre la maison historique que vous pouvez voir sur les étiquettes des flacons et le nouveau caveau de dégustation (installé dans l’ancienne maison de Louis et Anne Moreau). Pas de panique, il n’y a que quelques minutes de marche entre les deux. Plusieurs domaines Moreau ? Oui : la passion des Moreau pour le vin est née il y a bien longtemps, il s’agissait d’une famille de tonneliers, qui s’est intéressée plus précisément à ce que l’on y versait grâce à un mariage, la jeune épouse apportant des vignes en dot. Jean-Jacques, le père de Louis Moreau, décida de revendre l’affaire de négoce familiale en 1986 en prenant soin de garder les vignes qui furent partagées très équitablement (chaque premier cru et grand cru étant séparé en deux parties égales) entre son fils Louis et son neveu Christian, qui représentent la 6ème génération de vignerons de la famille – la 7ème se prépare déjà avec Diane, la fille de Louis Moreau -. Les deux domaines coexistent aujourd’hui.
Depuis son plus vieux millésime, 1994, Louis Moreau a agrandit l’exploitation en achetant des vignes de Chablis, de Petit Chablis et d’autres parcelles, notamment Vau Ligneau, très pentue, que nous avons pu admirer plus tard lors de notre visite. 50 hectares de vignes composent aujourd’hui le domaine Louis Moreau, qui produit trois cuvées en 1er cru, cinq cuvées en grand cru et une cuvée à part, le Clos des Hospices, reconnu monopole familial par l’INAO. En effet, ce lieu-dit du grand cru Les Clos tient son nom des Hospices de Chablis, auxquelles il a appartenu par le passé. Racheté par la famille Moreau, Jean-Jacques a séparé le seul hectare en deux parts égales, mais le monopole familial est tout de même reconnu. Nous avons pu aller voir ces vignes qui sont les seules du grand cru à être orientées non pas dans la direction de la pente, mais de la route. Les cuvées de Petit Chablis et de Chablis sont les deux seules à ne pas être le fruit du travail des levures indigènes et à être vendangées à la machine. Pour le reste, le travail est comme suit : vendanges manuelles, tri manuel, pressoir pneumatique, levures indigènes, et vinification en cuves inox (182HL ou 20HL pour les grands crus). Louis a en effet goûté enfant les chablis classiques, qui n’étaient à l’époque pas élevés en fûts de bois. Sa volonté est donc de maintenir cette tradition et de redonner à ses vins ce goût d’avant, une sorte d’exploration dans le chablis des années 1980. D’ailleurs, la table de dégustation en inox toute reluisante, donne le ton. Voici les vins dégustés :
> Tous les vins du domaine Louis Moreau en vente
Le domaine Jean-Paul et Benoît Droin est la propriété d’une des plus anciennes familles de Chablis, qui travaille la vigne depuis près de cinq siècles puisqu’en 1547, Jehan Droin cultivait déjà un arpent de vigne “au clos”. Aujourd’hui, le domaine est dirigé par Jean-Paul Droin et son fils Benoît, arrivé en 1999. Il s’étend sur 28 hectares, comprenant 5 grands crus – dont Les Grenouilles, pour l’anecdote le nom de cette parcelle vient du fait qu’elle soit située près d’une rivière où il y avait très certainement des grenouilles – 8 premiers crus, et également du chablis et du petit-chablis. Le jour de notre venue, nous avons pu déguster 14 cuvées, en terminant par les chablis 1ers cru Mont de Milieu 2008 et 2005. Coup de cœur pour le 2008, et ses notes tertiaires de champignons, accompagnées de sa grande complexité. Le domaine s’est hissé au sommet des vins de Chablis, avec des vins précis, généreux, persistants et minéraux. Les grands crus et les premiers crus sont élevés avec 15% de bois neuf.
Comme le domaine Louis Moreau, le domaine Droin a équipé ses vignes de grands crus de fils chauffants pour faire face au gel qui ravage les vignes de la région. Le vignoble lui-même a pris ses précautions en construisant un lac artificiel, le lac de Beine, pour l’aspersion.
Les vins dégustés en 2021 :
Ces deux cuvées se « tirent la bourre » si vous nous permettez l’expression : quand l’un goute très bien un jour, l’autre est en général plus timide. C’était bien le cas lors de notre dégustation, pendant laquelle le chablis Vaudésir prenait le dessus sur son voisin.
> Tous les vins du domaine Droin en vente