[Entretien] Bollinger dévoile les grands chantiers de son bicentenaire

A l’occasion de son futur bicentenaire en 2029, la Maison Bollinger lance différents chantiers qui doivent permettre de réactualiser ses valeurs : un hôtel, une école, un nouveau chai et tout un plan d’action environnemental. Charles Armand de Belenet, son président, nous en dit plus.

Quel est l’objectif de cette future école des savoir-faire ?

Nous sommes une entreprise du patrimoine vivant, et nous possédons un certain nombre de savoir-faire dont certains sont en péril. Nous ne sommes pas certains de trouver demain des remueurs, des dégorgeurs, des tonneliers. Ce sont des métiers compliqués qui n’attirent pas forcément les jeunes générations, notamment parce qu’elles ont envie de passer d’une expérience à l’autre et pas forcément vingt ans dans le même métier. Nous savons pourtant qu’ils font partie de cette dimension artisanale grâce à laquelle par moment nous élaborons des vins exceptionnels. Nous avons entrepris de les décomposer pour définir les contenus pédagogiques. Nous mettrons ensuite en place des certifications, d’abord en interne, l’objectif étant que nos collaborateurs puissent être formés et obtenir chacun plusieurs certifications. Nous valoriserons ensuite ces certifications vers l’extérieur, où nous ferons en sorte qu’elles soient reconnues pour que les élèves qui viendront se former puissent s’en prévaloir auprès d’autres sociétés. Si par exemple des personnes apprenaient le marcottage chez nous pour repartir ensuite dans leur région, ce serait extraordinaire.

Vous lancez un vaste projet d’hôtellerie …

Nous allons ouvrir vingt chambres dans la Maison Deuil et trois suites historiques dans l’ancienne maison de Madame Bollinger. Nous visons l’équivalent d’un quatre étoiles, avec des nuits autour de 500 euros. Mais l’objectif est de faire vivre une expérience Bollinger, ce n’est en aucun cas d’aller cibler une expérience Palace. Nous travaillons sur des weekends thématiques, autour d’un chef par exemple qui viendrait apprendre aux hôtes l’art des accords mets/vins, ou autour d’une cuvée, comme les vieilles vignes, où ils dégusteront quelques millésimes et auront la possibilité de s’exercer au marcottage. C’est le prolongement de ce que nous avons commencé avec nos expériences vendanges, au cours desquelles nos amateurs mettent le tablier, viennent cueillir, puis partagent un repas. Nous avons 20.000 membres du club 1829 et nous savons que lorsque nous faisons ce type d’offre, en dix minutes elles sont vendues. Notre prestation n’est donc pas concurrentielle mais complémentaire à celle des grands hôtels qui ont déjà ouvert. Il y aura cependant un spa, une piscine intérieure, des soins parce que la grande problématique de la Champagne, c’est l’hiver pendant lequel il est indispensable de pouvoir proposer des activités. Pour le restaurant, nous avons en tête un modèle de vingt à quarante couverts où la gestion sera confiée à un partenaire extérieur. Il s’agit davantage d’apporter un service à nos hôtes que de tirer un bénéfice économique. Nous avons beaucoup regardé ce qui se faisait à Bordeaux, comme à Château La Dominique. Nous ne cherchons pas à faire un étoilé, nous ciblons plutôt la bistronomie, pour avoir quelque chose de plus contemporain et détendu. La carte des vins sera axée sur les vins d’Aÿ, et ouverte à d’autres vignerons.

L’objectif, enfin, est de mettre en avant Ay, une destination complémentaire à Reims et Epernay, pour des gens qui souhaitent une expérience plus vigneronne. La création de Pressoria par les élus municipaux s’inscrivait dans la même logique.

D’autres travaux concernent la production…

Avec la construction d’un chai cathédrale, nous souhaitons faire passer notre capacité de 4000 à 5000 tonneaux. Nous commençons à saturer en espace depuis l’arrivée de la gamme PN. Par ailleurs, la Special cuvée représente 80 % de nos bouteilles, mais notre volonté est de rééquilibrer sur la partie millésimés (RD, La Grande année..), lesquels sont toujours vinifiés sous bois.

Vous avez aussi fixé des objectifs ambitieux en termes d’environnement…

15 % de nos surfaces sont dédiées à la biodiversité, notre objectif est qu’ils passent à 40 % en 2029. En ce qui concerne notre impact carbone, il devra se réduire de 40 %. Nous devons notamment pour cela travailler sur notre bouteille, actuellement plus lourde que la champenoise traditionnelle. Il y a aussi la question des packagings, nous ne pouvons pas les supprimer d’un coup, parce que le consommateur n’est pas prêt, mais ils devront déjà être 100 % recyclables et 100 % recyclés. Aujourd’hui 50 % de nos bouteilles sont vendues avec un étui, nous voulons demander aux cavistes de ne fournir ces étuis qu’à la demande des clients. Nous avons supprimé toutes les expéditions de bouteilles commerciales par avion et pour ne plus avoir des commerciaux qui font le tour du monde, nous mettons désormais en place à l’étranger des réseaux d’ambassadeurs locaux.

Quelle sera l’évolution côté vins ?

Toujours plus de terroir, de pinot noir et de parcelles comme celle que nous vous avons présentée aujourd’hui (le premier champagne issu d’une parcelle de la Côte aux enfants). Nous voulons remettre en avant notre dimension vigneronne et cela se fera en apportant une plus grande variété de vins, des vins qui se réinventent chaque année et révèlent des facettes différentes. Nous continuerons aussi à mettre l’accent sur la R&D pilotée par Denis Bunner, qui est un professionnel de la recherche. Son équipe dispose de notre orgue de vinification à Mareuil. Celle-ci permet de faire de la micro-vinification dans des petites cuves cigares dans les mêmes conditions que dans des grandes et d’être encore plus précis par exemple sur les comparaisons à l’intérieur des parcelles. Nous travaillons beaucoup sur l’adaptation au changement climatique, les carences azotées qu’il provoque, la manière d’y remédier… Il faut savoir aussi que le pinot noir qui est au cœur de notre identité souffre davantage du réchauffement que les autres cépages, d’où l’importance de la recherche, les vieilles vignes françaises étant pour nous la pointe du combat.

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