[Entretien] « La reconquête » de Jean-Michel Cazes

Beaucoup de livres sur le vin survolent le sujet. Au contraire, celui de Jean-Michel Cazes fera date par son érudition. « Reconquête » traverse près d’un siècle d’une histoire singulière racontée avec talent et générosité. Le propriétaire du Château Lynch-Bages nous en dit davantage sur les raisons de cet ouvrage qui paraît aux éditions Glénat.

Comment est venue l’idée d’écrire vos mémoires ? 

Avec la retraite, j’ai eu beaucoup moins d’activité. À cela, s’est ajoutée la crise du COVID-19 pendant laquelle j’ai pris le temps de me confiner pour écrire. Depuis longtemps, j’avais le sentiment d’avoir eu beaucoup de chance dans ma vie de vivre à une époque de grands changements dans l’histoire du vin, notamment à Bordeaux. Lorsque je suis revenu à Pauillac au début des années 1970, jamais je n’aurai pensé connaître les événements qui allaient suivre. Le retour des grands crus de Bordeaux sur la scène internationale fut inattendu et imprévisible. Ainsi, avec les métiers que j’ai exercés, je fus placé à un poste d’observation privilégié. Je pense que cette histoire mérite de rester, car aujourd’hui, on a du mal à imaginer ce qu’était l’environnement du vin de Bordeaux il y a une cinquantaine d’années. Aussi, j’ai fait beaucoup de rencontres dans ma vie qui m’ont amené à prendre des virages et cette trajectoire me semble intéressante. L’écriture de ce livre est une démarche personnelle.

Vous nous emmenez dans le Médoc bien sûr, du Château Lynch-Bages aux Ormes de Pez, mais aussi dans le monde entier (Hongrie, Portugal…) avec votre rôle lorsque vous dirigiez AXA Millésimes. Comment expliquez-vous cette capacité à être sur autant de fronts, le vin est-il au fond une aventure collective ? 

Je suis convaincu de cela. Je pense en effet que le vin est une aventure collective et l’histoire que j’ai vécue est une parfaite illustration. La place des vins de Bordeaux est telle dans le monde car des gens se sont réunis, je pense notamment au Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux, à l’Institut d’œnologie, aux acteurs de la Commanderie du Bontemps ou encore et bien sûr au système commercial fondé sur la coopération entre les propriétaires et les négociants. L’action collective est porteuse de fruits. Il ne faut pas l’oublier ! Il faut faire équipe. Et je crois aussi beaucoup aux échanges, on apprend toujours de l’autre et des autres vignobles, que ce soit en ce qui me concerne dans le Languedoc, dans le Rhône, au Portugal ou en Hongrie. Il faut côtoyer les autres cultures, c’est toujours un enrichissement. Par-là, dans mes différents projets, j’ai essayé de constituer des équipes interchangeables. Il faut s’appuyer sur les compétences des autres, je consacre un chapitre à Daniel Llose, l’œnologue, le technicien qui fut mon bras droit, la cheville ouvrière de mes projets. On ne sait pas tout dans la vie. Il fut 40 ans à mes côtés, je lui dois énormément, c’est certain.

Avec ce livre, le lecteur traverse le XXème siècle au regard de l’histoire du vin de Bordeaux, des émigrés ariégeois au monde du négoce. Fort de ce recul, quel regard portez-vous sur l’avenir ? Votre titre, « La Reconquête », est-il un éternel appel à l’envie et à l’optimisme ?

Le titre n’est pas de moi, c’est une idée de mon éditeur. Cela fait surtout référence aux années 1970 et 1980 où les vins de Bordeaux se sont relevés de leur cendre. La crise des années 30 jusqu’aux années 60 fut terrible. Et certains acteurs de Bordeaux ont décidé de repartir à la conquête des marchés. On a repris des positions, ce fut un grand travail de défrichage. Quant à l’avenir, je reste très optimiste, il semble très bon, le bordelais s’inscrit dans la durée. Les propriétaires savent réinvestir dans l’outil de production, cette région est à la pointe de ce qui se fait dans le monde. Il faut le dire. J’ai beaucoup voyagé dans des vignobles du monde et pas un n’égale Bordeaux en termes de modernité et de recherche de perfection.

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