[ENTRETIEN] Olivier Nasles, nouveau président des Coteaux-d’Aix-en-Provence

Olivier Nasles vient de prendre la succession de Didier Pauriol à la présidence de l’appellation Coteaux d’Aix-en-Provence. Le vice-président des Vignerons du Roy René avait souhaité mettre fin à son mandat après 12 années à ce poste. Olivier Nasles, vigneron du domaine Camaïssette à Eguilles (13) a répondu, sans langue de bois, à nos questions sur ses ambitions pour l’appellation aixoise.

Olivier Nasles, sexagénaire truculent avec un indéniable franc parler et homme de réseaux, est un ardent défenseur des vins de Provence, de l’agriculture bio et de l’huile d’olive. Il exploite les 23 hectares de vignes et les 20 d’oliviers du domaine familial de Camaïssette (en bio) ainsi que 7 hectares d’oliviers dans le Gard. Œnologue de formation, il est le fondateur en 1986 de Aix Œnologie dont il a confié les manettes à Thomas Benard. Travailler acharné, il reste consultant d’une douzaine de clients en Corse, no-tamment dans l’AOP Ajaccio, et en Provence. Il préside également le Comité National de l’Agriculture Biologique de l’INAO, la Fédération des coopératives oléicoles de France, et depuis plus de 20 ans le syndicat de l’AOP Huile de Provence.

Vous êtes après votre grand-père et votre mère la troisième génération de Nasles à la présidence des Coteaux d’Aix-en-Provence. C’est la rai-son principale pour laquelle l’appellation vous tient particulièrement à cœur ?
Je suis né dans l’appellation, à Aix, et j’avais 15 ans quand j’ai suivi la première commission d’enquête de l’Inao avec ma mère pour le passage en AOC qui a finalement été obtenu en 1985. Les coteaux d’Aix, c’est mon ADN même si les conflits familiaux m’en ont parfois éloignés et amené à m’intéresser à autre chose comme la création du laboratoire Aix Œnologie ou la Défense de l’agriculture bio et de l’huile d’olive. Aujourd’hui, je suis complètement légitime puisque j’ai repris en fermage le domaine de Camaïssette dont ma mère reste l’exploitante. Didier Pauriol voulait passer la main après 12 ans de présidence et il n’y avait pas de jeunes qui voulaient consacrer du temps bénévole au collectif. Il faut reconnaître que la défense syndicale est très chronophage mais j’ai la chance de ne pas avoir de vie de famille et de pouvoir dormir 4 heures 7 jours sur 7 ; ça aide à trouver du temps.

Comment concevez-vous l’AOP aujourd’hui ? Dans quel sens pensez-vous la faire évoluer ?
La priorité est de renforcer l’image Provence et de supprimer le mot Coteaux car les consommateurs parlent surtout de Coteaux d’Aix et oublient que nous sommes en Provence. Il faut donc se débarrasser, comme les autres appellations voisines l’ont déjà fait, de Coteaux qui ne fait qu’alourdir et qui n’est plus valorisant. Nous devons communiquer sur « Aix-en-Provence -Les Vins », d’autant plus qu’Aix-en-Provence est une ville magnifique. Bien sûr, ça reste anecdotique pour les consommateurs qui se moquent des appella-tions et de nos querelles de clochers mais cela doit aider à renforcer la notoriété et l’image globale Provence en collaboration avec l’interprofession et en synergie avec les Côtes-de-Provence et les Coteaux-varois-en-Provence.

… et donc à renforcer une image rosé ?
Bien sûr. Il faut avant tout répondre à la demande nationale et internationale en rosés d’appellation qui n’est pas une finalité mais qui permet de créer de la valeur, et laisser les entrées de gamme à l’IGP Méditerranée. On doit miser sur une couleur qui bénéficie d’une belle perception auprès des consommateurs, notamment des jeunes qui sont l’avenir du monde du vin. Quand on est parmi les 12 premières appellations françaises en volume (environ 220 000 hl par an à plus de 80% rosés), on doit réfléchir en fonction de la loi de la demande, pas l’inverse, et maintenir l’axe de développement sur le rosé, même si de nombreux vignerons savent chez nous faire de grands rouges. Mais ils font avant tout connaitre de grands vins plus que l’appellation car ils ont la clientèle de niche pour ça.

Vous rêvez d’une champagnisation de la Provence avec davantage de création de valeur ?
Nous y sommes déjà avec un manque croissant de raisins pour le négoce ou simplement en extension de propriété, et une montée en gamme des vins. Nous avons su aussi écouter et suivre les consommateurs en passant de 58% de rouges il y a 30 ans à 10% aujourd’hui en répondant à l’attente de rosés aromatiques et clairs. Il faudrait aussi, comme en Champagne, avoir une meilleure répartition de valeur entre l’amont et l’aval en travaillant davantage avec le négoce car nous avons dans l’appellation des grandes maisons comme Gassier (groupe AdVini) et Moncigale (groupe Boisset). Elles peuvent nous aider à continuer à nous développer à l’export qui représente désormais plus de ventes que la GD. Que de grands acteurs s’intéressent de plus en plus à la Provence, c’est une bonne nouvelle et il faut réfléchir à comment mieux échanger avec eux et qu’ils participent à faire mieux vivre nos viticulteurs.

D’autres projets pour la future appellation Aix-en-Provence ?
Participer à la construction du nouveau Centre du Rosé et l’amener à aller plus loin en renforçant les expérimentations techniques y compris celles plus confidentielles dont les résultats pourraient être réservés aux Provençaux. Nous devons également poursuivre les engagements dans la viticulture durable. Nous avons déjà plus d’un millier d’hectares classés en bio, soit un quart du vignoble, et au total, la moitié des surfaces engagées dans le bio ou la HVE. Nous serons à 70% certifiés bio et/ou HVE en 2022, ça n’est pas anecdotique. Bien sûr, je défends davantage la certification bio pour laquelle je me bats depuis plusieurs années dans le cadre de la commission bio de l’Inao, mais sous la pression croissante des consommateurs, on y viendra petit à petit.

Les vins d’Aix-en-Provence en chiffres
4344 ha de vignes dont 1034 certifiés en bio, 1234 labellisés HVE (Haute Va-leur Environnementale)
241 538 hl en 2020 dont 208 126 hl de rosés, 18 766 de rouges et 14 646 hl de blancs.
12 caves coopératives et 71 vignerons indépendants.
30 millions d’équivalent bouteilles commercialisées à 35% à l’export, 20% en GD, 45% en CHR et vente directe, pour un chiffre d’affaires de 150 M€.

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