Evolutions au sein des AOC : succès et échecs

Dans le monde du vin, comme dans le monde professionnel, certains changements peuvent prendre du temps. En France, l’INAO (l’Institut National des Appellations d’Origine) gère, parmi tant d’autres missions, les AOC (Appellations d’Origine Contrôlée). Leur création et évolution dépendent de cet organisme, ainsi chaque année il étudie les nombreuses demandes, déposées par les vignerons, associations interprofessionnelles et appellations. Récemment, quelques changements au sein d’appellations françaises reconnues ont vu le jour… Petit tour d’horizon du passé, et de l’avenir des AOC.

Des années de travail pour l’évolution d’une AOC

Alsace grand cru et pinot noir

Le pinot en Alsace, a une histoire ancienne puisqu’il est mentionné dès 1318 dans les archives d’une abbaye impériale cistercienne de Salem. En mai 2022 (et à compter de ce millésime), une petite révolution touche le paysage viticole alsacien, puisque les grands crus Hengst et Kirchberg de Barr sont désormais également reconnus pour leur vin rouge. Une consécration pour le pinot noir, cépage historique de la région, représentant tout de même près de 10% de la surface plantée ! Il aura fallu une vingtaine d’années pour reconnaître et légitimer l’excellence du travail des vignerons avec ce cépage, à la vigne comme en cave. Avec le réchauffement climatique (permettant de meilleures maturités en Alsace), et des conditions de production rigoureuses, le pinot noir prouve sa légitimité sur des terroirs qui ne sont pas réservés exclusivement aux cépages blancs.

Pour les vignerons ne bénéficiant pas de l’AOC grand cru pour leur pinot noir, la qualité des vins parle d’elle-même. Goûtez plutôt ces grandes cuvées pour vous faire un avis :

  • Cuvée S du domaine Weinbach, dont le nom fait référence aux terroirs du grand cru Schlossberg dont elle est issue, mais qui n’est pas classée comme tel
  • Cuvée S du domaine Albert Boxler, dont le nom fait également référence à un terroir en S, ici le grand cru Sommerberg
  • Réserve pinot noir 2021 du domaine Barmès-Buecher (dont le prochain millésime 2022 sera classé grand cru Hengst !)
  • Marcel Deiss et ses cuvées issues des terroirs de Gruenspiel et Burlenberg
  • Valentin Zusslin et son terroir de Bollenberg

Une chose est sûre désormais : l’Alsace produit de grands vins rouges – et ce depuis des années – cette reconnaissance de l’INAO venant l’affirmer une bonne fois pour toute. Le pinot noir alsacien a un bel avenir en perspective, surtout que d’autres grands crus devraient suivre…

En parallèle de cette reconnaissance pour les vins rouges, le grand cru Rangen de Thann a récemment reçu une distinction de taille : il figure – aux côtés de Montrachet, Musigny ou Pétrus – parmi les 12 plus grands vignobles du monde, d’après Decanter ! Le domaine Zind-Humbrecht, référence alsacienne, signe d’ailleurs grâce à ce terroir, des rieslings, pinots gris et gewurztraminers d’exception.

Premiers crus à Pouilly-Fuissé

Depuis le millésime 2020, 22 climats de l’AOC Pouilly-Fuissé, dans le Mâconnais, sont reconnus « premiers crus ». L’État a validé cette décision de l’INAO en septembre 2020, classant ainsi quelques 200 hectares de Pouilly-Fuissé 1er cru. Actuellement, c’est le seul cru à pouvoir prétendre à ce statut dans le Macônnais. Pouilly-Fuissé a d’ailleurs une place particulière puisqu’on l’appelle le « roi du Mâconnais », car c’est le seul cru non produit en Côte d’Or, représenté à la célèbre vente des vins des Hospices de Beaune.

Mais pour arriver à cette reconnaissance, la route fût longue… Durant dix ans, l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) de l’AOP Pouilly-Fuissé et l’INAO ont travaillé sur cette reconnaissance, en étudiant notamment la notoriété, les usages et les caractéristiques naturelles des parcelles. Le dossier a abouti après 14 ans d’études (depuis 2006).

Et comme vous le savez peut-être, nouvelle classification = nouveau cahier des charges ! L’AOC a ainsi prévu des conditions de production plus restrictives pour ses crus classés :  rendement maximum de 56 hl/ha, jachère de trois ans minimum entre arrachage et replantation, pas de désherbage chimique et un élevage durant au moins jusqu’au 1er juillet.

Tous les pouilly-fuissé villages et premiers crus en vente sur iDealwine

La création des Terrasses du Larzac

Dans le Languedoc, en 2014, l’AOC Terrasses du Larzac voyait le jour. Avec un syndicat créé dès 1997, cette AOC s’est fait progressivement reconnaitre, après le dépôt de son dossier en 2010.

Créée autour d’une dynamique commune – celle du respect de la nature – l’AOC Terrasses du Larzac peut compter sur près de 80% de vignerons cultivant leurs vignes en bio. Ces-derniers ont toutefois décidé de ne pas l’inscrire dans le cahier des charges de l’AOC, afin de laisser une certaine liberté aux nouveaux arrivants et à l’alternative de la non-certification (malgré une viticulture durable).

Les grands noms des Terrasses du Larzac actuellement en vente sur iDealwine sont légion :

  • Clos Maia
  • La Pèira en Damaisèla
  • Mas Haut Buis
  • Domaine du Pas de l’Escalette
  • Mas de la Séranne
  • Domaine de Montcalmès
  • Mas Cal Demoura
  • Clos de la Barthassade
  • Les Vignes Oubliées

Quelques dossiers en cours d’étude auprès de l’INAO

Partout en France, de nombreux dossiers éclosent. Parmi les demandes déposées auprès de l’INAO, on note par exemple des appellations bourguignonnes tel que Pouilly-Vinzelles, Pouilly-Loché et Saint-Véran (Mâconnais), ainsi que Marsannay (Côtes de Nuits)…

Lorsqu’il ne s’agit pas d’évolutions concernant le classement de certains vins, les AOC peuvent se voir bousculées par des demandes d’évolutions des types de vins produits. Prenons l’exemple de l’unique grand cru de la Vallée de la Loire : quart de chaume. S’étendant sur près de 40 hectares, ce grand cru est partagé entre une petite vingtaine de vignerons. La spécificité de l’AOC est d’être reconnue uniquement pour les vins liquoreux. Or depuis quelques années, certains domaines, à l’image du domaine Belargus, se battent pour faire reconnaître leurs vins secs au sein de cette AOC. Sans cela, les vins secs produits portent la « simple » mention AOC Anjou sur leur étiquette, alors même que le terroir dont ils sont issus, est l’un des plus réputés de la Loire. Historiquement, comme le rappellent les partisans de ce dossier, la région produisait également des vins secs. Par ailleurs, les vins secs issus de ce terroir nous convainquent régulièrement par leur qualité exceptionnelle… Goûtez plutôt les vins des domaines Ogereau ou Belargus pour vous en faire une idée ? !

Même sujet, à Sauternes, probablement l’appellation la plus connue au monde pour les vins liquoreux, une réflexion autour de la reconnaissance des vins secs est en place depuis quelques années. En effet, lorsqu’un vin est produit en sec dans l’AOC Sauternes-Barsac, il porte alors la mention générique de « Bordeaux », le noyant complètement dans la masse. Aujourd’hui, deux réalités touchent Sauternes.

Premièrement, le terroir est propice à la réalisation de grands vins blancs secs. Depuis des années, les châteaux produisent souvent de petites cuvées de vin blanc sec : G du Château Guiraud, Lions de Suduiraut, Lune-d’Argent du Clos des Lunes… Les châteaux du Sauternais ont récemment franchi un cap supplémentaire, en développant de grandes cuvées de blanc sec, avec des sélections plus rigoureuses et des élevages prolongés, à la hauteur de leurs terroirs. C’est le cas des châteaux Guiraud et Suduiraut qui ont sorti de leur cave leur première grande cuvée de vin blanc sec dans le millésime 2020.

Deuxièmement, depuis quelques années il est difficile de vendre des vins liquoreux à Sauternes (comme dans d’autres régions historiques, productrices de ce type de nectar). La production de vin blanc sec reste donc une alternative intéressante, d’autant plus que la demande pour ce type de vin ne cesse d’augmenter…

L’AOC a perdu une bataille mais n’a pas perdu la guerre

En août 2011, l’AOC Pommard en Bourgogne avait demandé à l’INAO de promouvoir les premiers crus Clos des Epenots et Les Rugiens en grands crus. Une revendication qui fût étudiée en commission avec un verdict final en 2012. Le dossier avait de quoi susciter l’intérêt…

L’appellation Pommard naît en 1936. A l’époque, la priorité consiste d’abord à exclure les crus qui ne méritent pas l’appellation Pommard (plutôt qu’à établir un classement entre les climats). Pour cette raison, aucun terroir de Pommard n’obtient la mention Grand Cru. Les parcelles des Rugiens et du Clos des Epenots sont donc érigées en premiers crus.

Cette classification a donc été remise en question par de nombreuses personnes en 2011 : le Président de l’Union des viticulteurs de Corton, des vignerons, des spécialistes en viticulture et en géographie … Ceux-ci préparèrent d’ailleurs, en collaboration avec les viticulteurs de la région, un rapport d’étude destiné à justifier le classement en grand cru de ces deux parcelles. Ce dossier faisait référence notamment à la hiérarchie établie au XIXème siècle par le Docteur Jules Lavalle. Auteur de l’ouvrage Histoire et Statistique de la Vigne des Grands Vins de la Côte d’Or (publié en 1855), il leur avait en effet attribué un bien meilleur rang à des climats, que celui acté en 1936.

Finalement, le verdict tombe : Pommard ne gagne pas cette bataille. Cela étant dit, les prix élevés que l’on rencontre sur les vins de ces deux climats ne viennent pas contredire la grandeur de ces derniers. Pommard figure parmi les appellations bourguignonnes les plus renommées à l’étranger. Particulièrement appréciés de Victor Hugo, les vins de Pommard sont issus de sols argilo-calcaires ferrugineux, qui produisent un cru charpenté, tannique, aux arômes multiples évoquant le cassis, la prune, le poivre et le cuir. Disposant d’une très bonne aptitude au vieillissement, ce vin ferme est, à coup sûr, l’un des plus solides des crus de Bourgogne.

Tous nos vins de Pommard

Les premiers crus Rugiens et Clos des Epenots

In fine, la question de l’évolution d’une AOC est intéressante car elle implique différents partis : vignerons défendant leurs intérêts, scientifiques apportant des preuves, et l’INAO étudiant le dossier et tentant de prendre du recul dans cette démarche. Lorsque les AOC et les vignerons ne sont pas d’accord… c’est parfois le divorce. Dans ce cas, les vignerons quittent l’AOC pour déclasser leur production en vin de France. Parmi les plus connus, Dagueneau, Mark Angeli ou encore Richard Leroy ont montré la voie. Quelques vignerons aujourd’hui, souvent producteurs de vins nature, s’affranchissent du « carcan » des appellations (comme ils aiment à l’appeler) pour être plus libres dans leurs réalisations.

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