[Film] « Le Champagne a rendez-vous avec la lune »

Le réalisateur Elie Séonnet a suivi pendant un an Bertrand Gautherot, vigneron du champagne Vouette et Sorbee, pour nous aider à comprendre les mystères de la biodynamie. Le résultat ? Un documentaire très instructif et plein de poésie, en salle pendant deux semaines au cinéma Le-Saint-André-des-Arts à Paris.

Dans ce documentaire, Elie Séonnet suit un vigneron de la Côte des Bar, Bertrand Gautherot, initiant aux principes de la biodynamie sa fille Héloïse, fraîchement diplômée de son école de viticulture et d’œnologie à Beaune. Le procédé est efficace. Le spectateur s’identifie facilement à cette élève, encore éprise d’un certain cartésianisme, qui comme Saint Thomas a besoin de voir pour croire.

Bertrand Gautherot est un pionnier. Son témoignage permet d’abord de rappeler que si aujourd’hui la viticulture biologique semble pour beaucoup la voie de l’avenir, à l’époque les choses n’étaient pas aussi évidentes. Certifié bio dès 1998, Bertrand a dû subir un certain ostracisme de la part de la communauté vigneronne au moment de sa conversion. Certains l’attendaient au tournant : « Il va se casser la figure et on va bien se marrer. » Beaucoup vivaient cette nouvelle orientation comme un affront. « Sortir du lot, c’est toujours possible mais cela dépend par quelle porte, si c’est pour mettre des paillettes d’or dans le vin, ou bien aller casser des bouteilles sur un yacht, c’est bien vu, mais si on sort du lot en acceptant de diminuer les quantités produites, c’est dérangeant et tu te mets des gens à dos, parce que c’est aller à l’inverse d’une évolution qui a vu en un siècle multiplier par dix la production de champagne. (…) Changer c’est dire aux autres qu’ils font fausse route. »

Le Champagne a rendez-vous avec la Lune – Bande-annonce from BKE on Vimeo.

Au passage la voie off indique que la région figure parmi celles qui comptent la plus faible proportion de vignerons bio. On aimerait peut-être davantage de nuance en rappelant les conditions climatiques particulières de la Champagne qui rendent ces pratiques plus compliquées. Le réalisateur passe sous silence les efforts de l’interprofession qui a mis en place sa propre certification pour encourager la viticulture durable. Peut-être faudrait-il enfin souligner que certaines alternatives bio peuvent être discutées : l’utilisation du cuivre comme antifongique n’est pas sans impact sur l’environnement.

Un excellent pédagogue

Mais l’essentiel n’est pas là. L’intérêt principal réside dans le propos de Bertrand, très bon pédagogue, lorsqu’il explique les principes de la biodynamie. Le spectateur n’est pas obligé d’adhérer, mais au moins il peut comprendre la logique. Tout en remplissant ses amphores, le vigneron interroge sa fille : pourquoi admettrait-on le principe de la pesanteur déduit par Newton de la simple chute d’une pomme et refuserait-on de reconnaître que si les plantes poussent vers le soleil, c’est qu’elles sont attirées par une force cosmique ? Dans ses vignes, entre deux coups de sécateurs, il nous explique le principe du calendrier lunaire : « Il date des Égyptiens. Eux-mêmes avaient compris qu’il y avait des jours favorables différents pour travailler une plante selon ce que l’on récoltera : la fleur, les feuilles, les racines ou le fruit. Quand on va tailler la vigne, évidemment on ne peut pas tout tailler les jours fruit. (…) Une jeune vigne, on va la tailler un peu comme si on voulait faire pousser une carotte, on va choisir les jours favorables à son enracinement. Si on est dans une contrée où on sait que les vins sont un peu refermés, un peu en retrait, on va choisir un jour fleur, parce qu’on sait que la fleur c’est l’aromatique. Une vigne qui a du mal à fructifier, on va la tailler en jour fruit. »

Au-delà des principes biodynamistes, c’est aussi le vigneron plein de bon sens qui séduit, lorsqu’il cherche à identifier les parties de la vigne dont les raisins ont le plus souffert de l’échaudage pour repenser sa manière de tailler. Face à ce nouveau fléau lié au réchauffement climatique, les vignerons bio ont un avantage, non pas technique, mais philosophique. « Quand tu es en bio, tu sais que tu perds sur un petit truc chaque année, tu es habitué, tu vis avec. Une perte comme celle-là c’est violent, mais ce n’est pas traumatisant. Quelqu’un attaché avec ceinture et bretelles aux viticultures HVE et compagnie, c’est un traumatisme, il ne savait pas ce que c’est que de perdre un peu et là il a perdu beaucoup. »

Les plans sur les vignes au fil des saisons sont magnifiques et valent à eux-seuls le détour. Sans oublier les petites pointes d’humour de Bertrand, dont on apprécie l’ironie mordante et les anecdotes croustillantes. Un sourire en coin lorsqu’il part récolter à la main des bouses de vache, le vigneron confie : « Il ne faut pas qu’on se fasse choper par les douanes, parce que la dernière fois on a eu des soucis : transport illicite de matières dangereuses ! ».

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