IGP Cévennes : la liberté n’empêche pas l’identité

Lors de la 3e édition du salon CévinBio à Sauve, dans le Gard, les producteurs et vignerons des IGP Cévennes ont fait étalage de la force de l’identité cévenole. Malgré un cahier des charges très souple, le terroir donne le la et permet de mettre tout le monde au diapason sur des profils de vins frais et élégants. Rencontres en cépages (in)connus.

Nielluccio, cabernet sauvignon, merlot, petit verdot, carignan, mourvèdre, tempranillo, chardonnay, sauvignon, viognier, colombard, rolle, grenache blanc… On pourrait rédiger un article à la seule énumération des cépages autorisés en IGP Cévennes. Près de 80 en tout, de quoi s’y perdre ? « C’est plutôt une richesse de disposer d’autant de liberté, explique Emmanuelle Schoch du Mas Seren. Ensuite, chaque vigneron donne libre court à ses envies, à son style de vins. Une chose est commune : on ne veut pas passer en AOC ! » En parcourant les allées assez clairsemées (merci la météo !) du salon CévinBio, le week-end dernier, à Sauve (Gard), il est facile de trouver celles et ceux qui font l’originalité de l’appellation. « J’aime ce côté freestyle et l’énergie que dégagent les vignerons cévenols », lance Ronald Van Breemen, ce Néerlandais arrivé un peu par hasard dans le monde du vin. Aujourd’hui, il délivre une partition tout en fruit et en peps sur le domaine Le Mazelet avec notamment un très fringant Pinot Cinsault (12€) qui balance entre la délicatesse du fruit et la fraîcheur des tanins. « C’est moi qui ai décidé de planter du pinot noir ici, je n’en ai pas hérité, précise-t-il. J’étais persuadé que le terroir frais grâce à l’altitude (entre 150 et 300m) allait le laisser s’exprimer et c’est le cas ! » Ce dernier a d’ailleurs écouté son cœur en plantant l’un de ses cépages préférés, le nero d’avola, venu de Sicile.

Un terrain de jeu inépuisable
« L’audace est une force dans ce coin du Languedoc qui ne demande qu’à gagner en notoriété », assure Serge Scherrer du domaine Agarrus. Cet ancien facteur a l’ambition de replanter du terret blanc, du carignan Blanc et du maccabeu. « Et pourquoi pas du Sylvaner ? », glisse-t-il en miroir à ses origines alsaciennes. En attendant, il propose une cuvée avec du tempranillo, de la syrah et du grenache (Claux d’Ozon, 9€) qui séduit par son côté charnu et cette aromatique sur les fruits rouges si souple. Sur le stand d’à côté, Simon Le Berre, le Breton du Mas Dervenn, est droit dans ses bottes : cet adepte du cheval de trait et du poly-élevage sort un chardonnay tranchant (Ookpik, 9€) qu’il n’a pas choisi « mais je n’arracherai jamais de parcelles, clame-t-il, je me contente de l’existant ! ». Son rosé vineux (Rosé sur liecorne, 8€) est un vrai bijou pour ceux qui aiment la mâche, la vivacité et l’amertume noble. Géologiquement, les Cévennes sont riches d’un sol « pauvre » où la pierre est reine, entre schistes feuilletés, calcaire dur, grès rouges et marnes grises. « Les Cévennes, c’est un terrain de jeu inépuisable », poursuit son voisin Florent Boutin du Mas des Cabres. Lui a décidé de s’emparer des cépages résistants en vinifiant le floréal créé par l’INRAE. La cuvée Instinct Sauvage (9€) offre un nez passionnant sur les fruits exotiques avant de donner sa pleine mesure en bouche sur la rondeur et une finale noisetée divine.

©Y. Palej

Des cépages atlantiques au retour des variétés anciennes
Les Cévennes attirent les néo-vignerons comme Julie Lebreton et Christophe Vial du domaine LBV, près d’Uzès. « L’identité de terroir est plus forte qu’ailleurs », reconnaît la vigneronne en présentant une cuvée surprenante : Le Pello (le vagabond, celui qui n’est pas d’ici) assemblage de cabernet sauvignon et syrah. « Ici, c’est un Cabernet méditerranéen très fruité, tout en souplesse et en tension, on est loin du profil atlantique bordelais avec ses tanins vigoureux », ajoute-t-elle.

©Y. Palej

Au domaine Terres d’Hachène, on pousse même le bouchon en sortant un assemblage cabernet sauvignon-merlot-petit verdot avec la cuvée Zénite (11€). « L’ouverture d’esprit offre de vraies perspectives de créativité, je trouve que pouvoir révéler un terroir avec des cépages non autochtones, c’est plus qu’intéressant », prolonge Lionel Frizon, le vigneron du domaine depuis 2017. Comme Jérôme Pépin de Quartier Lander qui ne s’est pas interdit de sortir une cuvée mêlant cépages locaux, grenache-syrah, à un voisin venu de Corse, le nielluccio (Initial QV, 9€). Il a même opté pour le touriga nacional comme alternative à la syrah : « C’est un territoire à taille humaine et même si on n’est pas tous d’accord, on avance ensemble au cœur d’un terroir au potentiel extraordinaire. » Alexandre Thouroude a par exemple un regard bien différent sur l’identité cévenole et préfère mettre en avant un cépage local avec sa « cuvée militante » Aramon Gothic (18€). « C’est un cépage qui a été arraché en masse dans les années 70-80 car jugé peu qualitatif mais on se rend compte qu’on n’avait jamais cherché à en faire des grands vins. J’ai envie que l’on revienne à l’essentiel, c’est-à-dire au goût des cépages languedociens et qu’on leur offre un vrai terrain d’expression », confie le vigneron du Clos des Ors. Carignan blanc, terret blanc, piquepoul noir, counoise et rivairenc feront bientôt partie du paysage au milieu de la richesse agricole d’une région entre vergers, oliviers et châtaigniers. 

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