Interview BFM | Le marché des grands vins est-il résilient en cas de crise financière ou bancaire ?

Chaque mois, Angélique de Lencquesaing, co-fondatrice d’iDealwine, intervient sur BFM Business pour commenter les dernières tendances observées sur le marché des grands crus. Dans le contexte actuel de turbulences financières, elle dresse un état des lieux, à partir des derniers résultats observés dans les ventes aux enchères de vin.

Lorsque les marchés financiers sont secoués, les épargnants soucieux de protéger leur patrimoine élargissent le champ des possibles. Certains se mettent en quête de supports d’investissement susceptibles de résister à la conjoncture… comme le vin, est-ce une bonne idée ? Angélique de Lencquesaing, vous qui, avec vos associés fondateurs d’iDealwine, venez de l’univers boursier, qu’en pensez-vous ?

Certains n’ont pas attendu les turbulences des marchés pour s’intéresser au vin comme actif patrimonial et ils ont eu raison !

Notre expérience des marchés est ancienne puisqu’iDealwine a été créé en 2000… juste avant l’explosion de la première bulle Internet. Avec Cyrille Jomand et Lionel Cuenca [Président et Directeur Général d’iDealwine, NDLR], nous avons abordé ce marché du vin en nous appuyant sur notre expérience chez Euronext, et nous avons créé des outils susceptibles d’accompagner les amateurs désireux de gérer leur cave avec une approche patrimoniale… l’attrait pour un sous-jacent qui fait rêver nous a donné des ailes !

De quels outils s’agit-il ?

Une plateforme d’enchères qui permet d’acheter et de vendre des grands crus, bien sûr, mais à l’appui de cette plateforme, nous avons conçu une gamme d’outils de gestion de cave, permettant à l’amateur de suivre sa cave à la manière d’un patrimoine composé d’actions.

Le support principal en est la Cote des vins iDealwine®. Cet outil permet par exemple de connaître la valeur d’une bouteille qui dort dans votre cave. La Cote iDealwine® repose sur les échanges observés sur le marché secondaire des enchères. Il existe d’intéressants outils pour connaître et comparer les prix des bouteilles qui sortent du domaine, des millésimes récents. On peut trouver relativement facilement le prix d’un vin « jeune ».

En revanche, quand votre bouteille prend de l’âge, la meilleure référence de prix, la plus objective, c’est le marché secondaire des ventes aux enchères.

Une sorte de Bourse des vins…

Tout à fait ! A ceci près que la liquidité est moins importante sur le marché des grands crus (tout au moins dans certaines régions). Mais tout de même, ce marché secondaire exprime un prix résultant d’une transaction, de la confrontation de l’offre et de la demande. Un prix objectivé par les transactions réalisées. Nos historiques de prix, qui agrègent les résultats d’enchères des grandes maisons de vente françaises, remontent à 1993 et permettent de mesurer la valorisation d’un vin sur le temps long.

Alors justement, qu’en est-il du marché des grands crus, sa progression est-elle alignée sur celle de la Bourse ?

Tout dépend de la perspective sur laquelle vous vous situez. A première vue, la courbe d’évolution du cours des grands crus épouse les soubresauts du marché. Nous avons ainsi connu la crise économique de 2002, puis la crise financière de 2008. A cette époque, le marché des enchères de vin a enregistré un reflux des cours. Durant la crise financière de l’été 2011 aussi, le marché des vins a été affecté. Idem durant la pandémie. Plus récemment, nous avons constaté, en effet, depuis la fin de l’été 2022, une accalmie sur le marché. C’est assez net sur l’évolution de la cote du Château Cheval Blanc dans le millésime 1990. Chaque épisode de crise se répercute dans les cours.

Comment est calculée cette cote ?

Nous avons créé un algorithme qui recalcule les cotes chaque semaine en fonction des derniers résultats d’enchères, en ajoutant quelques ingrédients pour compenser, quand c’est nécessaire, le manque de liquidité du marché dans certaines régions, ou pour les vieux millésimes.
Aujourd’hui, une bouteille sur trois en France est adjugée sur la plateforme d’iDealwine, nous disposons ainsi avec nos propres données d’une base de résultats suffisamment large pour offrir une vision précise de l’état du marché.

La cote des vins sert donc de support à la gestion de cave, dont les amateurs peuvent suivre l’évolution de la valeur dans le temps, programmer des alertes sur les vins qu’ils recherchent, détecter les signaux d’achat ou de revente de certains flacons en fonction de l’évolution des cours… exactement comme à la Bourse.

Vous avez évoqué un récent ralentissement des cours…

Oui, depuis la rentrée de septembre 2022, le marché a intégré la situation économique (inflation, remontée des taux), et aussi les incertitudes que fait peser le contexte géo-politique. Mais c’est sans doute essentiellement la remontée des taux d’intérêt qui est à l’origine de la stabilisation des cours.

Pourquoi ?

Le vin, vous l’avez dit, est un actif de placement alternatif. Idéal en période de taux bas. Les amateurs n’ont d’ailleurs pas attendu la bourrasque qui s’abat sur les marchés financiers actuellement pour y investir leurs liquidités. Mais dès que les taux remontent, des produits financiers, même à faible rendement, reviennent concurrencer ces placements alternatifs. La conséquence, c’est que sur les signatures les plus spéculatives du marché, celles sur lesquelles les amateurs avaient concentré leurs convoitises, et qui avaient enregistré les plus fortes hausses de cours depuis quelques mois, le marché a marqué un coût d’arrêt.

Toutes les « valeurs », ou plutôt tous les vins ne sont pas également touchés, si ?

Non, on peut citer les « Big 8 », parmi lesquelles on retrouve essentiellement des signatures bourguignonnes. Il s’agit des vins des domaines Leroy, d’Auvenay, Armand Rousseau, du Domaine Georges Roumier, et quelques noms extrêmement recherchés qui ont affolé le marché ces derniers mois, à l’instar de Charles Lachaux et Jean-Yves Bizot en Bourgogne, Château Rayas dans le Rhône, la Grange des Pères dans le Languedoc. Mais attention, pour ces vins, les prix connaissent une légère décrue actuellement, mais elle ne vient pas compenser les hausses de prix enregistrées ces dernières années.
Un exemple : Château Rayas à Châteauneuf du Pape. Son 2005 était coté 688€ en 2020. Son cours s’est envolé jusqu’à 1340€ en 2022 (+95%). Il s’échange aujourd’hui autour de 1100€ (-18%). On est encore très au-delà du cours de 2020…

Qu’en est-il du reste des grands crus ?

Si l’on se place dans une perspective de plus long terme, les performances du marché des grands crus sont très positives. En se fondant non plus sur les seules cotes, mais sur les indices calculés par iDealwine, les grands crus surperforment nettement l’indice CAC 40.

Les indices iDealwine, calculés depuis début 2007, ont enregistré une performance de +405% sur les 16 dernières années, tandis que le CAC40 ne progressait que de… 25,73%. Certes, 2007 a marqué l’un des plus hauts niveaux de l’indice boursier du marché français, mais la progression, portée par les valeurs bourguignonnes est impressionnante tout de même. Et je ne vous parle que des vins des trois principales régions viticoles (Bordeaux, Bourgogne et Vallée du Rhône), dans les autres régions certains domaines ont connu des performances sont également exceptionnelles.

Sur une période plus courte, les évolutions de cours sont-elles aussi marquées ?

Le vin étant un placement de long terme, il est préférable de prendre un peu de recul. Toutefois, compte tenu des fortes hausses de prix enregistrées jusqu’à la fin de l’été 2022, les grands crus surperforment le CAC 40. Sur une année glissante, là où le CAC enregistre une hausse de 6,44% (à fin février 2023), les indices vins font deux fois mieux, ils progressent de 13,11%.

Est-il trop tard pour entrer sur le marché ?

Pas du tout, bien au contraire. La question, aujourd’hui, consiste à convaincre les amateurs qui revendent leur cave de revoir leurs prétentions (et baisser le prix de réserve, c’est-à-dire le prix de départ des enchères). En France, le marché marque toujours une vraie résistance à la baisse. Les amateurs ne se séparent pas facilement de leurs trésors ! Personne n’y perd, pourtant. Les amateurs qui ont acheté les vins en question il y a quelques années vont enregistrer de belles plus-values.

Le marché est crispé actuellement ?

Nous constatons pourtant que le marché peine à s’ajuster, oui, les taux d’exécution – soit la proportion de vins vendus par rapport au nombre de lots proposés – sont moindres. Nous traversons donc une phase intermédiaire, les prix doivent s’ajuster au nouveau contexte économique et géo-politique. Mais une fois que le marché retrouve cet équilibre, de belles opportunités d’achat se font jour pour les amateurs. Car, à terme, les grands crus, même à ce niveau de prix, conservent une marge d’appréciation.

Comment pouvez-vous en être certaine ?

Il faut savoir se montrer sélectif et vigilant. Vous connaissez les fameux cinq points qui doivent être pris en compte dans une perspective patrimoniale:

  1. la qualité du millésime
  2. le potentiel de garde du vin
  3. le savoir-faire du vigneron
  4. la renommée du cru confirmée au travers des bonnes notes octroyées par les dégustateurs professionnels

L’investissement ne se mesure pas sur le court terme. Il faut prévoir de conserver ses vins au moins cinq à huit ans. Et donc le cinquième point à prendre en compte est la capacité de l’amateur à conserver soigneusement ses vins pour mettre toutes les chances de son côté et obtenir une bonne valorisation dans le temps.

Une fois tous ces critères remplis, et compte tenu de la raréfaction croissante des vins – les amateurs les boivent, donc créent la rareté -, la valorisation est assurée tant que le vin n’a pas encore dépassé son apogée.

Il n’est pas évident de savoir sur quel vin miser…

Effectivement, et c’est pour cela que le marché secondaire apporte de nombreuses réponses, en montrant ce sur quoi les amateurs jettent leur dévolu. C’est le rôle du Baromètre annuel des enchères de vin que nous nous apprêtons à publier que de décrypter les grandes tendances. Il permet aux amateurs non seulement d’identifier les valeurs sûres et les icônes, mais aussi de jeter leur dévolu un peu avant le plus grand nombre sur les étoiles en devenir. Nous en reparlerons la prochaine fois lorsqu’il sera publié… Vous verrez, ce Baromètre livre des pistes pour bien acheter, et surtout bien gérer sa cave. Un must ?.

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