Interview BFM Patrimoine | Le millésime 2022, une année à acheter ?

Le millésime 2022 mérite-t-il de rentrer dans vos caves ? Angélique de Lencquesaing dresse un premier état des lieux avec Stéphane Pedrazzi sur BFM Patrimoine.

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Chaque mois, Angélique de Lencquesaing commente les dernières tendances du marché des grands crus, vus sous un angle d’investissement. Elle participe en effet à l’émission BFM Patrimoine. Il y a quelques jours il était question de la vendange 2022. La qualité est-elle au rendez-vous pour l’amateur désireux de valoriser ses achats de vin ? En attendant le verdict en bouteille, à l’issue de l’élevage des vins, premiers éléments de réponse.

Stéphane Pedrazzi : Angélique de Lencquesaing, les vendanges s’achèvent dans le vignoble français, l’heure est venue de tirer le bilan sur la récolte 2022. Est-ce un millésime apte à séduire les amateurs qui constituent leur cave dans une perspective patrimoniale ?

Les derniers coups de sécateur viennent à peine de s’achever dans la plupart des vignobles et pour certains les vendanges se poursuivent encore. C’est d’ailleurs une caractéristique que nous avons constatée dans certaines régions, des vendanges longues, qui se sont étirées dans le temps car les maturités n’étaient pas au rendez-vous en même temps dans les différentes parcelles. Mais les vignerons ont le sourire !

S.P. Parce qu’ils ont rentré une récolte importante ?

La première caractéristique de cette vendange est effectivement la quantité. Le vignoble français renoue avec de beaux volumes, en progression de 18% par rapport au millésime 2021. Ce qui représente 44,6 millions d’hectolitres. Pour vous donner un point de repère, ce volume est de 4% supérieur à la moyenne quinquennale (2017-2021).

S.P. Comment se positionne la France en termes de production, sur le plan mondial, est-elle en tête ?

Non, c’est l’Italie qui occupe la première place avec environ 50M hl produits cette année. En revanche, la France retrouve sa deuxième position grâce à cette belle récolte, l’Hexagone repasse devant l’Espagne, marquée par la sécheresse et le manque d’eau, ce qui donnera cette année environ 35M hl, soit une baisse de 10% de la production.

S.P. Parlons qualité, maintenant. Qu’en est-il ? La sécheresse justement, n’a-t-elle pas impacté la récolte en France aussi ?

Si, le mois de juillet s’est avéré le plus sec enregistré depuis 1959 ! Pratiquement 10 fois moins de pluie est tombé en juillet de cette année, par rapport à l’année dernière… La conséquence, dans les régions les plus touchées par la sécheresse et notamment Bordeaux, ce sont des baies de petite taille, extrêmement concentrées. Certains ont attendu, longtemps, quelques gouttes de pluie. Certains ont été exaucés, d’autres ont rentré une récolte moins généreuse qu’ils l’auraient espéré. La qualité en revanche est bel et bien présente.

S.P. Qu’en est-il en Bourgogne, région pour laquelle la demande est si forte ?

Et les stocks si bas… Heureusement, la Bourgogne a vécu une année bénie, tant en volume qu’en qualité de vendange. Certains n’hésitent pas à comparer 2022 à 1959, année d’anthologie dans cette région. Les rendements sont revenus à la normale car la vigne s’est bien remise des épisodes de gel ou de grêle qui l’ont affectée au printemps. Les années précédentes ces épisodes ont été destructeurs.

S.P. Pourtant, il y en a eu encore, des épisodes climatiques cette année ?

Oui, notamment dans la vallée de la Loire, qui a aussi dû affronter des épisodes de gel intense début avril. Mais finalement, la nature s’est montrée généreuse et surtout, la récolte est belle aussi dans cette région.

S.P. Les bonnes nouvelles viennent d’un peu partout, alors ?

Oui, c’est vrai, dans la vallée du Rhône, où les vignerons ont redouté les effets du manque d’eau, on compare 2022 au somptueux 2015. L’Alsace aussi s’enthousiasme pour la qualité de ses raisins, tandis que le Languedoc, paradoxalement, n’a pas semblé souffrir de la sécheresse. Cette région est habituée aux températures extrêmes.

Pendant ce temps, en Champagne, on respire après une année 2021 catastrophique, froide et pluvieuse.

 S.P. Le marché ne va donc pas manquer de Champagne ?

Attention, les stocks vont se reconstituer, mais là, je vous parle de la récolte 2022. Au passage, je précise que par décret les rendements autorisés dans cette région ont été réhaussés à 12 000kg/ha, le rendement le plus haut de ces dix dernières années. Le Champagne est un produit qui s’élabore sur plusieurs années. Les inquiétudes demeurent donc sur le marché, en raison des faibles volumes disponibles à la vente. La Champagne n’est d’ailleurs pas la seule région concernée.

S.P. Vous voulez dire que les producteurs manquent de vin à vendre ?

Le sujet, ce sont effectivement les stocks disponibles et surtout, la perspective d’une mise sur le marché d’un millésime 2021 microscopique, voire inexistant dans certains domaines ou pour certaines cuvées. La Bourgogne, vous l’avez dit, a été très touchée, la vallée de la Loire aussi. Les producteurs lissent leurs ventes dans le temps et retiennent leurs stocks, c’est compliqué d’avoir du vin chez certains d’entre eux !

S.P. Quelles sont les conséquences pour les amateurs ?

Il est aujourd’hui difficile de décrypter les comportements des amateurs ! Tant de facteurs entrent en compte, et notamment des éléments exogènes et plus généraux, tels que la situation économique. Nous avons eu l’occasion de l’évoquer il y a quelques semaines dans cette émission. Les amateurs savent que les vins vont manquer dans certaines régions, et notamment en Champagne ou dans la Loire. En Bourgogne c’est déjà le cas depuis des années. Alors, la réaction de certains amateurs consiste à se tournent vers d’autres régions. D’autres, notamment parmi les clients étrangers, font grimper les prix dans les ventes aux enchères. D’autres encore, effectivement, font quelques réserves.

S.P. Donc cette pénurie annoncée sur le millésime 2021 entraine-t-elle d’ores et déjà des achats de précaution ?

Les bons chiffres des ventes sur notre site attestent d’un réel intérêt pour la production de qualité, le « haut de gamme ». Les perspectives inflationnistes, qui viennent s’ajouter à la pénurie annoncée, incitent probablement les amateurs à anticiper leurs achats. Mais le vin n’est quand même pas un produit de première nécessité, quand bien même il s’agit d’un produit de haute valeur culturelle…

Aux enchères dans le même temps, les niveaux de cours demeurent élevés, il y a quelques jours une bouteille de romanée-conti 2010 a dépassé le seuil des 26 000€ la bouteille, soit une hausse de 23% de son cours. Aux enchères il est certain que les signatures rares de Bourgogne, de Champagne aussi (Selosse, Salon, Krug) continuent à faire des étincelles. Mais nous aurons sans doute l’occasion de braquer les projecteurs sur cette région prochainement.

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