La santé insolente des coops corses

Elles ne sont plus que quatre dans l’île mais représentent toujours une large majorité des volumes, aux trois-quarts en rosé. Les coopératives corses ont restructuré leur vignoble pour faire la part belle aux cépages autochtones, investissent en R&D et depuis la crise sanitaire ont diversifié leur distribution.

Une fois n’est pas coutume, les caves coopératives corses étaient de passage de conserve dans la capitale pour faire déguster le meilleur de leur production et essayer de se faire une place sous le soleil du continent aux côtés des prestigieux domaines de l’île. Elles ont bien fait il y a cinq ans une tentative de cuvée commune baptisée Ile de Rosé et portant une démarche collective inédite associant à l’origine les principales coopératives corses. L’objectif était de mieux valoriser le rosé en IGP Ile de Beauté (8,90 – 9,50€) mais l’initiative n’a pas eu le succès escompté. « Il aurait fallu davantage de moyens et une négociation globale auprès des enseignes mais chaque coopérative a ses propres partenaires, notamment en marques de distributeurs et il est difficile de respecter l’équilibre entre les structures, avoue Franck Malassigné, le directeur commercial des Vignerons Corsicans chargés de l’assemblage et de l’embouteillage d’Ile de Rosé. « Nous sommes nos premiers concurrents, estime Christian Orsucci, le président de la cave d’Aléria. Nous avons quitté le projet car nous avions nos propres marchés pour ce type de vin ». Il semble néanmoins que la cuvée est trouvée sa place au Petit Ballon et aux Etats-Unis grâce à un importateur travaillant sur plusieurs états. « Ce projet a au moins servi à travailler sur la vinification, le marketing, la réduction du niveau de sulfites avec un cahier des charges proche du bio même si le sourcing reste plus problématique », conclut Franck Malassigné. Car actuellement les coopératives affichent une santé rayonnante et se répartissent le marché des MDD sans réelle concurrence. « On est plus fort à plusieurs quand on se sert les coudes et les enseignes peuvent moins négocier les prix à la baisse. En fait, tout est vendu, l’exotisme tire l’image et en Corse, les touristes viennent pour boire local », affirme Christian Orsucci.

Diversification et innovations
Aujourd’hui, les quatre coopératives corses représentent 160 apporteurs (vs 135 caves particulières). La cave d’Aléria est en pleine restructuration depuis cinq ans pour environ 60 % de ses surfaces. « Nous avons arraché le merlot, le cabernet, le pinot, le chardonnay pour basculer de plus en plus sur les cépages autochtones, surtout le sciaccarellu, le niellucciu et le vermentinu, même si nous gardons encore du grenache et de la syrah (environ 300 ha) pour apporter de la couleur et des arômes », reconnait Christian Orsucci. 150 ha sont en conversion bio. La cave est très présente dans la GD de l’Hexagone et à l’export, en particulier en Allemagne avec toujours 1,5 million de bouteilles écoulées avec la Réserve du Président, aux Etats-Unis plutôt en rosé et au Japon, en rouge et blanc. « Nous nous sommes d’abord attachés à développer les ventes en supermarchés et à prendre des parts de marché en CHR et chez les cavistes pour fidéliser la consommation des touristes qui viennent à 80 % de métropole, explique Christian Orsucci. La GD nous a permis de nous en sortir, surtout grâce au BIB ». Aléria commercialise 800 000 BIB par an dont 700 000 en rosé. Une couleur stable aux côtés des blancs en progression (actuellement 13 % des volumes pour 12 % de rouges).

©F. Hermine

Les Vignerons Corsicans, au sud de Bastia, mise également depuis cinq ans  sur la replantation de cépages autochtones, sciaccarellu, niellucciu, bianco gentile, vermentinu, genovese, et muscat pour le doux et le pétillant. Elle est particulièrement investi en R&D sur ces « nouveaux » cépages et sur les pratiques environnementales Projet Vigneron 30 000 en partenariat avec la Chambre d’Agriculture ainsi que sur les micro-vinifications dans différents contenants au sein d’une cuverie rénovée. Elle soutient activement l’installation de jeunes vignerons.

Les Vignerons d’Aghione à Ghisonaccia sur la côte orientale, sous la direction de l’œnologue Christophe Paitier, est désormais la cave la plus importante mais atypique, elle ne compte que 16 adhérents avec la particularité d’être en apport total. Elle commercialise ses vins majoritairement en IGP Ile de Beauté sans compter une gamme importante de vins effervescents. Elle a même été la première à élaborer un muscat pétillant de Corse et depuis ne cesse d’innover avec en projet, un chai haut de gamme pour développer la R&D « car notre ADN est l’innovation » se plait à rappeler le directeur. Elle est également la première à avoir décroché la labellisation RSE et la certification Vignerons Engagés en Corse.

La coopération corse en quelques repères
– Les vignerons d’Aghione 1000 ha, 16 coopérateurs, 120 000 hl produits
* 1er acteur d’IGP Ile de Beauté, 1er producteur de vins effervescents.
* 15 % des volumes distribués sur l’île, 70 % sur le continent, 15 % à l’export (Belgique, Angleterre, Etats-Unis, Australie, Afrique). Certifiés Vignerons Engagés
* La Cave d’Aléria 1500 ha, 70 coopérateurs, 100 000 hl produits

– 1er acteur d’AOP Corse (avec 49% des surfaces AOP), 51 % des surfaces IGP)
* 30 % des volumes commercialisés sur l’île, 50 % sur le continent, 20 % à l’export (Allemagne, Etats-Unis, Asie). Certifiés HVE

– Les Vignerons Corsicans 600 ha, 40 coopérateurs, 35 000 hl produits
* Représente 35 % de l’AOP Corse et 65 % de l’IGP
* 15 % des volumes commercialisés dans l’île, 70 % sur le continent, 15 % à l’export. Certifiés HVE

– La cave Saint Antoine 350 ha, 17 coopérateurs, 25 000 hl produits
* 60 % des volumes commercialisés dans l’île, 40 % sur le continent

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