La situation en Ukraine affecte-t-elle le marché des grands vins ?

Depuis le début de la crise en Ukraine, nous observons d’importantes répercussions sur les différents marchés. Nous allons aujourd’hui étudier ce qu’il en est dans le monde du vin et l’univers des grands crus. Une interview d’Angélique de Lencquesaing, réalisée par Cédric Decoeur sur BFM Patrimoine.

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Cédric Decoeur : La Russie constitue-t-elle un marché important pour les vins français, et pour les grands crus plus généralement ?

Angélique de Lencquesaing : En préambule, puisqu’il peut sembler incongru de parler de grands vins au cœur d’une période de crise, je tiens à rappeler que le monde du vin France représente un secteur économique majeur – 500 000 emplois à la clé – et un secteur fortement exportateur : 30% des vins sont exportés, et ce secteur est le deuxième poste excédentaire dans la balance commerciale, derrière l’aéronautique.

La Russie est surtout un marché historique pour les vins français, et pour le Champagne particulièrement. Sur un marché qui compte de grands amateurs, les chiffres de vente sont plus symboliques que réellement significatifs, mais culturellement les grands vins français occupent une place particulière sur le marché russe.

En 2021, les importations de vins français ont représenté 198M€. Un montant qu’il convient toutefois de relativiser. Car la Russie ne constitue que la 15ème destination à l’export pour les vins et spiritueux français. A titre de comparaison, les USA importent l’équivalent de 4 Mds€ de vins soit un quart du total expédié hors de France.

C. D. : La Champagne serait donc la région la plus impactée par la situation ?

En termes de volumes, c’est effectivement la région la plus concernée, mais encore une fois il convient de relativiser. La Russie ne représente que 1,5% des débouchés à l’export pour la région Champagne. Certaines marques, historiquement, y sont très réputées, je pense à la maison Roederer. La fameuse cuvée Cristal avait été conçue pour le Tsar Alexandre II, Il s’agissait alors d’un flacon … en cristal, transparent et à fond plat pour prévenir les risques d’empoisonnement.

C. D. : Et les autres régions, Bordeaux, ou la Bourgogne ?

La Bourgogne importe 7 200 hectolitres en Russie (18ème marché en volume, 17ème en valeur). Compte tenu de la rareté des vins, s’ils ne se vendent pas en Russie, ils feront sans aucun doute le bonheur d’autres pays…
Quant à Bordeaux, la proportion expédiée en Russie est encore plus faible, 2 000 hl (50ème destination en volume, 60ème en valeur). Bordeaux exporte 240 000 hl vers les USA !

C. D. : Dans les ventes aux enchères, la part des acheteurs russes est-elle comparable ?

Sur iDealwine, les achats de clients russes et ukrainiens ont représenté entre 1 et 2% de nos ventes l’année dernière. L’en-cours actuel est lui aussi très faible, de l’ordre de quelques milliers d’euros. L’exposition à cette zone est donc pour nous vraiment limitée. Mais le problème n’est pas seulement là, bien sûr.

Car au-delà de ces acheteurs, l’incertitude qui pourrait peser à moyen terme sur le marché dans son ensemble est un point d’attention que nous suivons de près actuellement. L’impact, notamment d’un ralentissement du marché boursier, voire d’un krach pourrait avoir des conséquences plus importantes, à moyen terme, sur le prix des vins.

C. D. : Justement, qu’observez-vous sur le marché, une forme d’attentisme, voire une baisse des cours ?

Il est encore vraiment tôt pour le dire.

En temps de crise, les grands crus exercent généralement le rôle de valeur refuge. Nous avons pu l’observer déjà en 2008, puis en 2011, et ensuite, plus récemment, depuis le début de la pandémie.

Les ventes connaissent une belle dynamique depuis le début de l’année 2022, et les niveaux de cours observés depuis 15 jours se tiennent. Pour vous donner une illustration, le taux d’exécution des enchères ont atteint la semaine dernière 62% en termes de volumes (lots vendus), et 82% en valeur. Tous les vins ne trouvent pas preneur, certes, mais les prix restent élevés pour les vins adjugés.

C. D. : Vous aviez évoqué ici un phénomène de surchauffe il y a quelques mois, cette tendance est-elle derrière nous ?

Pas complètement si vous considérez l’écart de taux d’exécution en volume et en valeur. Certains domaines demeurent au centre de toute l’attention. Les icônes s’envolent. Ce phénomène n’est pas nouveau, il a débuté avec la crise sanitaire, et nous constatons actuellement qu’il se poursuit. Comme souvent, le sommet de la hiérarchie des vins demeure protégé, tandis que les vins et surtout les millésimes de moindre qualité trinquent.

C. D. : Est-ce à dire tout de même que des opportunités peuvent émerger pour les amateurs en quête de grands vins ?

Oui, des opportunités peuvent se faire jour, comme toujours en période de crise. Dans une optique de consommation, rechercher des millésimes « intermédiaires » peut s’avérer intéressant. Dans une optique patrimoniale, il est important de guetter ce que l’on appelle les « creux de vente », qui peuvent arriver aussi à de grandes signatures recherchées. Et ça, c’est valable dans toutes les régions ! La stratégie consiste à placer ses ordres au plus bas, au niveau de la mise à prix, ce qui évite de laisser filer les bonnes affaires sur des vins que l’on recherche particulièrement. A la clé de cela, je ne saurais trop vous recommander le suivi attentif des cotes et des dernières enchères qui donnent un état précis du marché, mois après mois.

C. D. : Vous vous mobilisez, au niveau d’iDealwine, en faveur de l’Ukraine ?

Nous avons accepté d’apporter notre concours à l’organisation d’une vente aux enchères caritative de vin. Pour ce faire, nous avons répondu à l’appel lancé par Laurent Fortin, Consul Honoraire d’Ukraine pour l’Aquitaine. Les vins peuvent être offerts par les propriétés, les vignerons ou les particuliers. Ils seront vendus en ligne sur iDealwine à compter du 30 mars. Les bénéfices de la vente seront reversés à l’Association Ukraine Amitié, qui œuvre en soutien aux populations civiles d’Ukraine. De très grands domaines nous ont déjà fait part de leur intention de participer à l’opération, la vente s’annonce belle et nous sommes enthousiastes d’y contribuer.

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