Languedoc : une gelée noire exceptionnelle dévaste les vignobles

L’épisode de gel dans la nuit de mercredi 7 à jeudi 8 avril a dévasté une grande partie des vignobles du Languedoc. Du Pic Saint-Loup à Saint-Chinian, en passant par les Corbières, le Minervois, le Limouxin, Faugères, les Terrasses du Larzac, rien n’a finalement été épargné ou presque. La future récolte 2021 s’annonce déjà famélique.

« Catastrophique », « désastreux », « désolant », les qualificatifs ne manquent pas à l’heure d’un premier bilan suite au sévère et historique épisode de gel qui a frappé les vignobles languedociens dans la nuit de mercredi 7 à jeudi 8 avril. Une vague de froid qui est descendue, fait assez exceptionnel, jusqu’à la Méditerranée. Et ce, quelques jours après un épisode printanier qui avait engendré un débourrement (la sortie des bourgeons) massif. « Aujourd’hui, on peut dire que 100 % des surfaces viticoles héraultaises (environ 80 000 hectares) sont touchés par le gel et la moitié affiche des pertes à hauteur de 80 %, assure Jérôme Despey, le président de la Chambre d’Agriculture de l’Hérault. La zone la moins impactée se trouve à l’est, du côté de Beaulieu, Saint-Christol, Lansargues, Saint-Geniès-des-Mourgues où on considère que seulement 30 % des surfaces sont impactées. » Dans la région, le Haut du Minervois a également moins subi comme le confirme Delphine Gangletas, directrice technique du domaine de l’Ostal : « Pas de dégâts à la Livinière, nous sommes restés en températures positives, nous devons être les rares privilégiés du Languedoc. »

La partie ouest de Montpellier durement touchée

En revanche, du côté des Corbières (65 à 70 % de parcelles impactées selon Bernard Augé, le directeur des IGP de l’Aude), de Cabardès, de Malepère (Stéphane Roux, le directeur de la Fédération Sud des AOC, estime qu’il s’agit de l’appellation la plus touchée) ou du Limouxin, le gel a frappé fort. « A priori, aucun secteur n’a été épargné sur notre zone d’appellation, de façon plus ou moins importante, détaille Marlène Tisseire, la directrice du syndicat de l’AOC Limoux. Les dégâts concernent principalement les cépages précoces (Chardonnay et Pinot Noir) dans des proportions très variables. » « C’est quasiment du jamais vu, relance Isabelle Vermorel, la présidente de l’AOC Grès de Montpellier, qui évalue la perte de récolte de 30 à 90 % selon les endroits. La partie ouest, Aumelas, Saint-Pargoire, Gignac, Cournonsec, Villeveyrac a notamment été durement touchée. » À Aniane aussi, le constat est implacable. « Le mercure est descendu à -5,5°C chez nous, les cépages blancs dont la maturité est plus avancée ont payé un lourd tribut, confirme Roman Guibert de l’historique Mas de Daumas Gassac. Sur ces parcelles, on estime environ à 50 % de perte sur la prochaine récolte en étant optimiste. Le cabernet a été plus épargné puisqu’on estime que 70 % de la production n’a pas été touché. »

L’appellation Terrasses du Larzac affectée à 80 %

En dépit des dispositifs de protection mis en place par les vignerons, « dans l’ensemble, tout le monde est touché, constate Jean-Philippe Granier, directeur technique de l’AOC Languedoc. Des zones qui n’avaient jamais gelé depuis cinquante ans, et notamment depuis le fameux gel de 1956, l’ont été. Dans beaucoup d’endroits, la perte de récolte est de 50 %. C’est énorme car certaines parcelles sont raclées, et ça m’étonnerait que ça repousse. L’appellation Terrasses du Larzac est affectée à 80 % ». Au nord de l’Hérault, où les températures ont atteint « -7 à -8°C dans la plaine de Vacquières, déclare Sophie Landreau, directrice de l’AOC Pic Saint-Loup, la situation dans l’appellation est hétérogène. On table pour l’instant sur 50 % de pertes ». Confirmation du côté du Mas Peyrolle : « Hier, j’ai vu pas mal de collègues en détresse car on a ramassé assez sévère ici dans le Pic Saint-Loup, explique Jean-Baptiste Peyrolle, le vigneron. On a perdu au moins la moitié de la production, c’est quasi une certitude. Les grenaches, plus précoces, sont ravagés. Quant aux syrahs, on va encore attendre mais ça s’annonce pas glorieux non plus. » Pour Maxence Panchau, c’est pire : « Je viens de finir le tour de mes parcelles et je pense que je vais frôler les 80 % de perte, déplore le vigneron du domaine Caussarelle. Même certains bourgeons dans le coton ont grillé, c’est dire l’ampleur de la catastrophe ! »

« Certains vignerons ont tout perdu ! »

En AOC Picpoul de Pinet, dans l’Hérault, « 15 à 90 % des vignes sont touchées. C’est descendu très bas, jusqu’en bordure du Bassin de Thau », témoigne Céleste Renaud, directrice du syndicat. Dans l’appellation Saint-Chinian, le gel a grillé « grosso modo 50 % des vignes. Seules quelques parcelles sur les hauteurs ont été préservées. » Même chose pour l’AOC Faugères : « Les zones de plaine ont beaucoup souffert. Sur les coteaux, la situation est hétérogène. Fos et Faugères ont été assez préservées. » Sur l’appellation Pézenas, les dégâts sont estimés entre 20 et 90 % de parcelles gelées. « Les vignes dans les vallons et les cours d’eau ont été saisies par le gel. Celles qui se trouvent en hauteur ont été plus épargnées. » Directrice de l’IGP Hérault, Sylvie Olivet est dépitée : « C’est catastrophique. En zone d’indication géographique protégée, on estime la perte de récolte entre 60 et 90 %. Certains vignerons ont tout perdu… ». À l’est du Languedoc, « les pertes sont évaluées entre 60 et 70 % en Cévennes gardoises », livre Dany Pérégrine, directeur des IGP Sud de France. « Dans un contexte économique difficile marqué par la crise sanitaire, la fermeture du secteur de la restauration, les taxes Trump sur les USA, c’est un événement climatique particulièrement brutal qui vient fragiliser plus encore la filière viticole française, a réagi Miren de Lorgeril, présidente du CIVL (Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc). Comme toujours, nous saurons faire preuve de résilience, mais nous aurons besoin du soutien de l’État à la hauteur du préjudice subis et de la contribution de notre filière à l’économie et à l’image de la France. »

Témoignage émouvant d’Émilie, du domaine La Grande Canague, à Montady

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