Le gel met les vignobles du Sud-Ouest à terre

Gaillac, Fronton et Cahors, en remontant les vignobles du Tarn à la Garonne, ont été particulièrement touchés par plusieurs épisodes de gelées noires et blanches depuis deux semaines. Beaucoup de vignerons ont subi cette catastrophe pour la troisième fois sur les cinq dernières années.

Le Lot semble payer un lourd tribut selon les premières constatations, gelé de 80 a 100% avec un impact plus important à Cahors, Rocamadour et en Coteaux-de-Glanes, de 20 à 50% sur les Coteaux du Quercy, mais les chiffres sont également accablants à Fronton en Haute-Garonne touché à 60-65% à et à Gaillac dans le Tarn à environ 50%. « »Pas moins de 3000 hectares ont été brûlés par le gel dans le Lot, 3900 dans le Tarn, précise Christophe Bou, président de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest. Le gel ici, on connaît mais plu-tôt fin avril, et on a été surpris par l’avancée de la vigne due à un mois de mars très chaud ». Le gamay et le colombard sur certains secteurs avaient déjà 3-4 feuilles et dans d’autres, les contre bourgeons étaient même sortis et ont aussi gelé. « On avait déjà un genou à terre avec la crise sanitaire et les problèmes à l’exportation; aujourd’hui, on a les deux genoux à terre et les conséquences vont au-delà du court terme ».

Cahors a enregistré des températures entre -3°C et -7°C sur trois à six nuits dans tous les secteurs mais frappant le gros du vignoble, sur les terrasses, en moyenne à 70%. « Les pertes sont au niveau de 2017 et même les bourgeons qui n’avaient pas debourré ont gelé, détaille Maurin Béranger, co-president de l’interprofession (UIVC). Trois gels en cinq ans, ça commence à faire beaucoup et ça nous vaut sans doute d’être le vignoble le plus impacté sur cette période. Même si on a des stocks corrects en partie reconstitués avec les millésimes 2018 et 2020, on est plus bas qu’à l’équilibre et ça touche quasiment tout le monde. On a pourtant tout essayé mais à ce niveau de gel trop froid et trop long, rien ne marche ». Des ballots de paille avaient pourtant été enflammés dans les grosses parcelles, certains avaient taillé les derniers jours de mars, d’autres ont essayé des fils électriques chauffants et même l’helico. En vain. « Même en 1991, le vignoble n’avait pas été touché à ce point, confirme Pascal Verhaeghe, également co-president cadurcien. Et en 2019, le gel n’avait pas touché tout le monde. Aujourd’hui, il y a quand même 30 a 40% des vignerons qui ont eu les trois gels en cinq ans ». Si les récoltes 2017 et 2019 étaient néanmoins qualitatives, les évaluations sont encore incertaines pour 2021. « Les stocks sont inégaux chez les vignerons mais heureusement, 2020 était une belle année et nous ne vendons pas tout de suite nos rouges « .

A Fronton, le gel s’est abattu surtout au nord mais la deuxième semai-ne sur tout le vignoble, impactant 60 a 80% des surfaces. « A écouter les anciens, c’est le pire gel qu’on ait connu, plus fort que 1991, relate le directeur Benjamin Piccoli, directeur de la Maison des Vins. Tous les blancs sont grillés, les gamays et cabernets aussi, la négrette plus tar-dive est un peu moins abîmée ». Les stocks vont permettre de lisser en partie les volumes « mais il est évident que les vignerons, notamment les coopérateurs vont privilégier la production de rosés qui représen-tent déjà 40 a 45% de la production, au détriment des rouges, ne se-rait-ce que pour préserver certains marchés à volumes ».

Dans le Tarn, à Gaillac, les vignobles sur Cunac, Cahuzac-sur-Vère, Lavaur et autour d’Albi, dans la plaine de Rabastens où est produit le gros des volumes, ont particulièrement été abimés, certaines parcelles brûlées à 100% surtout les bas-fonds et le long des rivières. « Les pertes sont hétérogènes mais certains n’ont plus rien, reconnaît le président de l’appellation Cédric Carcenac. Heureusement, les beaux terroirs sur des coteaux bien exposés n’ont pas été touchés mais ils font peu de volumes contrairement aux terres en Vin de France, IGP et Gaillac génériques. Les stocks sont importants mais l’impact inévitable sur les gros marchés ou ceux très concurrentiels à débouchés instables. Si on ne les fournit pas, on les perd et ils seront difficiles à reconquérir ». D’où des craintes plus vives pour 2022, surtout si les prix montent par la loi mécanique d’une offre inférieure à la demande. « Certes on a eu pire en 1984 et 1991, il y a plus de solidarité aujourd’hui et quelques aides possibles de l’Etat, de la Région et du Département mais on a quand même un peu la gueule de bois » conclut Cédric Carcenac.

Tout le monde s’accorde néanmoins sur la nécessité de réformer le système d’assurance – les présidents des interprofessions de Cahors et Gaillac estiment même qu’elle devrait être « obligatoire comme pour les voitures », à condition de revoir le mode de calcul actuellement basé sur une moyenne dite olympique sur cinq ans (avec 3 ans de gel sur 5, les vignerons ne touchent pas grand chose) et de baisser la franchise. Il faudrait également étudier une réserve financière, véritable plan de pré-caution contre le risque, simplifier et assouplir les systèmes de VCI (Volume Complémentaire Individuel), réserve de vins et outil de régulation, pour les années à gel ou faibles récoltes.

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