Le Japonais Ryo Horiuchi remporte le prix Taittinger

Alors que les huit chefs finalistes se sont affrontés ce matin à l’Institut du Cordon Bleu, le Jury vient de révéler le nom du vainqueur de cette 54ème édition du prix Taittinger. Il s’agit de Ryo Horiuchi qui représentait le Japon. Ce jeune chef travaille pour Alain Ducasse à Tokyo où il a composé la carte du restaurant Esterre. Pour en savoir plus sur l’esprit de ce concours qui tient chaque année en haleine l’ensemble de la profession, nous sommes allés interroger Vitalie Taittinger.

Beaucoup considèrent le prix Taittinger comme l’Everest de la gastronomie, quelle est l’origine de ce concours ?

Ce prix a été créé par mon grand-oncle Claude Taittinger pour rendre hommage à Pierre Taittinger, son père, voici maintenant 55 ans. Mon arrière-grand père a en effet toujours été un fou de gastronomie. Il a vraiment suivi et accompagné tout le courant de la nouvelle cuisine, avec des chefs comme Fernand Point par exemple (le premier à avoir obtenu trois étoiles au Guide Michelin !). Cela faisait partie intégrante de sa vie, il appartenait à cette génération d’hommes d’affaires bons vivants pour qui un bon contrat, c’était d’abord un bon restaurant, si bien qu’il y passait presque tout son temps ! Claude souhaitait aussi préserver le patrimoine culinaire français et ce concours devait servir d’instrument de transmission par lequel la vieille génération, déjà reconnue et qui forme le jury, passait le relai à la nouvelle, l’adoubait en quelque sorte… Cette dimension est aussi présente dans le fait que les participants concourent avec l’aide de commis. Cette année, ce sont les élèves du Cordon Bleu. Au cours de son histoire, ce prix a ainsi contribué à révéler de grands noms, comme Joël Robuchon.

Il y a trois ans, vous avez revu l’esprit de ce challenge…

Ce concours était très axé sur la gastronomie française. Il était d’abord fondé sur l’évaluation technique. On s’est rendu compte que demander de réaliser des grands plats tirés d’Escoffier n’avait plus autant de sens, d’une part parce que lorsque l’on va au restaurant, ce n’est plus forcément ce dont on a envie, mais aussi parce que la gastronomie est devenue mondiale, les chefs voyagent, ils puisent leur inspiration un peu partout, les Japonais cuisinent français, les Français cuisinent japonais. On n’a plus nécessairement envie de faire des sauces, d’avoir des plats avec différentes textures, on a gagné en simplicité. Cela ne signifie pas que cela soit plus facile. Au contraire, il n’existe rien de plus traître que la simplicité parce qu’il est impossible de se réfugier derrière des artifices.

Les jeunes chefs que nous avons aujourd’hui envie de mettre en valeur sont ceux qui sont capables de mettre dans leur gastronomie, leur personnalité, leur culture… Or, précisément, sur ce dernier point, la jeune génération n’est guère accompagnée. Les élèves commencent très jeunes, ils suivent des cursus techniques et l’apport culturel se fait surtout par les différents chefs auprès desquels ils se forment. Ils n’ont pas forcément ce lien avec la littérature, les arts… L’objectif étant de recentrer ce concours sur la cuisine d’auteur, la nouveauté consiste à demander aux participants de réaliser une recette qu’ils ont eux-mêmes créée à partir d’un aliment qui change chaque année et que nous indiquons plusieurs mois à l’avance. Comme le challenge est international, à chaque fois, le jury choisit quelque chose qui rassemble toutes les cultures. La première année, il s’agissait de la Saint-Jacques, un beau symbole, parce qu’elle est l’emblème du pèlerinage et représente justement l’idée de passage. Cette année, le jury a opté pour le bœuf. En révélant aux candidats très tôt le produit sur lequel ils doivent travailler, cela leur donne le temps de se remettre en question, d’être plus imaginatifs. Ils ont aussi le retour que le jury leur fait lorsqu’il vient déguster une première fois leur recette dans leur restaurant après la sélection sur dossier. Le jour de la compétition, on se retrouve ainsi avec des plats très différents les uns des autres, et c’est ce qui nous intéresse.

Pour autant, la dimension technique est toujours présente, parce qu’elle reste un curseur de l’excellence. Elle est l’objet de l’épreuve de la recette imposée qu’ils reçoivent seulement la veille. Il s’agit d’un plat précis, comme un pâté en croûte par exemple, qui ne peut pas être réalisé de 36.000 façons. Simple en apparence, cette recette reste difficile à réaliser si on ne maîtrise pas les bases. On voit d’ailleurs beaucoup de candidats se casser la figure.

Comment est organisé le jury et comment sont évalués les participants ?

Le Jury est scindé en deux. Une partie s’installe dans les cuisines. Elle vérifie que les candidats respectent toutes ces règles invisibles à l’extérieur, mais qui sont fondamentales telles que la propreté ou l’absence de gâchis. Il y a là un engagement économique, environnemental et philosophique. Ce serait trop facile pour un chef de ne prendre que ce qui l’intéresse et de jeter le reste. Ces jurés analysent aussi la capacité des chefs à travailler en équipe avec leurs commis, à partager les tâches, à communiquer, à rester respectueux … Ils ne participent pas à la dégustation pour ne pas influencer l’autre partie du Jury qui se concentre sur la qualité des plats.

Vitalie Taittinger

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