Les Villa virent en vitiforesterie

Les Villa père et fils ont créé avec l’œnologue-agronome Justin Prudhomme un véritable laboratoire de vitiforesterie sur une parcelle dans les collines de Chavanay au-dessus du Rhône.

« L’idée était de démontrer que l’on pouvait passer en bio et en même temps s’adapter au réchauffement climatique sans avoir de problème de concurrence avec l’enherbement ». Pierre-Jean Villa, vigneron emblématique du Rhône Nord avec une petite vingtaine d’hectares, a pris le sujet à bras le corps avec l’œnologue-agronome et directeur technique Justin Prudhomme et son fils Hugo sorti de Sup Agro de Montpellier. Les compères ont lancé la conversion en bio (certifié en 2019) sur le domaine avant de s’intéresser aux principes de biodynamie, (traitements par tisanes, couverts végétaux) et à l’agroforesterie pour une nouvelle parcelle à flanc de coteau sur les hauteurs de Chavanay avec une trouée ouvrant sur la vallée. « Nous avons vite compris qu’elle serait compliquée à travailler et on aurait pu être enclin à la laisser en conventionnel mais ce n’est pas l’avenir, commente Villa père. Nous voulions mettre en oeuvre une démarche propre et un projet transgénérationnel sans faire pour autant du 5 hl/ha ». Pierre-Jean Villa, vigneron à part entière sur sa terre natale depuis 2009 (après avoir géré les Vins de Vienne) reconnait volontiers qu’en la matière, Michel Chapoutier reste le pionnier du Rhône Nord mais il regrette « que l’image de l’herbe partout dans les vignes et les faibles rendements en aient découragé plus d’un pour suivre l’exemple ».

Ceinturer, protéger et biodiversifier
En 2017, les Villa achètent donc un hectare de vigne en IGP sur les hauteurs de Chavanay, à 350 m d’altitude avec vue sur Condrieu et Saint-Joseph. Elle était autrefois plantée en vignes, fruits et légumes. Suite à des expériences faites sur des parcelles mixtes, l’Inrae avait constaté moins de gel et de sécheresse et des doses de cuivre et de soufre diminuées de 40 %. « Il y a souvent trop de mortalité sur des vignes en coplantation, surtout à cause du stress hydrique. On s’est donc orienté vers la vitiforesterie avec moitié moins de mortalité, même si on perd un peu en productivité immédiate, et une devise ‘ceinturer, protéger et biodiversifier’ » .  Après avoir passé la débroussailleuse uniquement en inter rangs, le trio a finalement choisi de planter des couverts végétaux non racinaires  (trèfle, thym, sedum…) qui évitent les mauvaises herbes sans concurrencer la vigne. Un travail réalisé en collaboration avec Caroline Champailler, la technicienne en agroécologie du Parc Naturel Régional du Pilat qui a participé financièrement à l’achat des arbres.

©F. Hermine

Recréer l’équilibre naturel de la vigne
Après avoir planché un an et demi sur le projet, reconstruit 175 m de murets et réfléchit aux cépages en collaboration avec le pépiniériste Lilian Bérillon, le tandem Villa-Prudhomme a estimé que la syrah était capable de travailler sur ces sols granitiques dans un environnement forestier. Pour compléter la ceinture d’arbustes existante, il a replanté, à partir de l’hiver 2021, près de 500 arbres entre les vignes en terrasses et en échalas. La haie assez haute, capte les premiers coups de vents et abritent insectes et oiseaux; les arbres tous les 15 rangs avec des fruitiers en quinconce font parasols, l’ombrage ponctuel apportant de la fraîcheur et de l’équilibre dans les vins.

Ont ainsi été validés pommiers, poiriers, pêchers de vigne, amandiers, noisetiers, pas tous les chênes, aux feuilles trop acides, pas d’abricotiers trop gourmands en traitements ni de cerisiers attirant les mouches des fruits. Des broyats d’arbres ont été répandus au pied des ceps, des clôtures installées contre les sangliers et les chevreuils, une dizaine de ruches placées au bord des vignes et des moutons amenés de décembre à mars sur la parcelle. « Le projet ne vise pas à être rentable au vu des arbres plantés qui grignotent sur le vignoble, environ 10% de la surface, avoue Pierre-Jean Villa. Mais c’est un vrai laboratoire qui nous vaut la visite de deux châteaux bordelais tous les mois. C’est aussi mon plus beau projet car tout est à faire et il représente la transmission et la pérennité du vignoble en recréant l’équilibre naturel de la vigne ». La première récolte n’est pas prévue avant 2024.

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