Meilleur Sommelier du Monde : on a décanté les demi-finales

Les demi-finales du concours de Meilleur Sommelier du Monde se déroulaient hier à l’hôtel Pullman Montparnasse. Les 17 candidats encore en lice devaient passer par une série d’épreuves dont les résultats ne seront connus que demain, juste avant la finale. Compte-rendu.

Les 17 demi-finalistes du concours de Meilleur Sommelier du Monde, dont les noms ont été dévoilé jeudi soir à l’Hôtel de Ville de Paris, n’auront eu qu’une nuit pour recharger les batteries et se remettre de leurs émotions avant de passer par une nouvelle série d’épreuves, toute la journée d’hier à l’hôtel Pullman Montparnasse – qui est le « quartier général » de l’Association de la Sommellerie Internationale et de l’Union de la Sommellerie Française durant toute la semaine. Alors que la matinée était consacrée à une nouvelle session de questions théoriques à huis-clos, l’après-midi s’articulait autour de trois grands ateliers pratiques auxquels une vingtaine de médias français et internationaux, dont « Terre de Vins », étaient autorisés à assister sous réserve de renoncer à toute connexion extérieure – pour la raison évidente de ne pas faire fuiter des indices à destination des candidats et de leur entourage. Voici comment s’articulaient les trois ateliers.

Salle 6, la dégustation à l’aveugle.

Tous les candidats devaient commencer par une épreuve de dégustation à l’aveugle qui se déroulait en quatre temps, en présence d’un jury composé d’Andreas Larsson (meilleur sommelier du monde 2007), Olivier Poussier (meilleur sommelier du monde 2000) et Heidi Mäkinen (Master of Wine). Tout d’abord, trois verres de vin rouge étaient disposés devant les demi-finalistes, que ces derniers devaient décrire et identifier le plus précisément possible en 3 minutes tout en soulignant leur point commun. La plupart des dégustateurs ont penché pour des vins issus d’un assemblage bordelais à dominante de cabernet sauvignon, beaucoup plaçant les vins dans le Médoc, entre Margaux, Pauillac et Saint-Estèphe, parfois en Californie… Il apparaît que les trois verres contenaient finalement le même vin, ce qui constituait la deuxième étape de l’atelier : la seule chose qui les différenciait étant le type de fût dans lequel ils avaient été élevés pendant 18 mois, il fallait identifier en 1 minute l’origine des bois pour chacun d’entre eux. Chêne américain ? Chêne français, autrichien, slovène ? Allier, forêt de Tronçais ? Les réponses ont beaucoup divergé. La troisième étape de cet atelier constituait en la dégustation organoleptique complète d’un vin blanc effervescent en 4 minutes. Ici aussi, les candidats sont parfois partis dans des directions très opposées, beaucoup allant vers la Champagne, d’autres en Allemagne, certains encore en Italie pour un prosecco ou un franciacorta. Enfin, la dernière étape exigeait de déguster et identifier cinq verres en 3 minutes, qui apparemment contenaient des spiritueux (blancs ou colorés) et des vins mutés ou aromatisés. Si l’un des verres semblait faire consensus autour du mezcal (alcool d’agave mexicain), les autres se divisaient entre grappa, blanche d’armagnac, gin, liqueur de cerise, bitter, vermouth, pineau des Charentes, umeshu japonais, amaretto…

Salle 7, mixologie et boissons alternatives

Le deuxième atelier était sans doute le plus déstabilisant pour les demi-finalistes. En présence d’un jury composé de Jon Arvid Rosengren (meilleur sommelier du monde 2016) et de Paz Levinson (meilleure sommelière des Amériques en 2015), il leur fallait tout d’abord identifier en 2 minutes, sur un bar contenant un grand nombre de bouteilles d’alcool, les ingrédients pour élaborer deux cocktails, un sazerac et un aviation, et proposer une alternative si jamais un ingrédient venait à manquer – ce qui était le cas pour l’aviation en l’absence de crème de violette. La deuxième étape constituait en l’identification à l’aveugle en 2 minutes de 5 breuvages qui, d’après les commentaires de beaucoup de candidats, avaient en commun d’être sans alcool ou bas en alcool. Différents jus de fruits, tonic, lait d’avoine, lait de riz, là encore les réponses divergeaient beaucoup, à l’exception du café qui semblait faire consensus dans l’un des verres. La dernière étape demandait aux candidats d’imaginer, autour de ces breuvages, un menu 100% vegan en quatre plats. Ici, l’imagination, la réactivité et la capacité d’adaptation des demi-finalistes devait fuser, certains redoublant d’inventivité dans les idées d’accords.

Salle 8, le service (avec des pièges)

Dans la dernière salle, les demi-finalistes découvraient quatre anciens meilleurs sommeliers du monde attablés (Markus Del Monego, Shinya Tasaki, Paolo Basso et Serge Dubs). Markus Del Monego, se présentant comme l’hôte du jour, expliquait aux candidats que Shinya Tasaki était l’invité d’honneur, qu’une mise en place avait été faite par un assistant et qu’il fallait, à partir de cette mise en place, servir en 3 minutes un verre de champagne aux convives, sauf un qui désirait une bière. Toute la difficulté de cet atelier était, dans le temps imparti, de bien écouter la consigne : le fait que la mise en place ait été faite par un « assistant » exigeait une vigilance particulière, tout comme la différence entre « l’hôte » et « l’invité d’honneur » à table qui demandait une grande précision dans l’ordre de service ; il fallait enfin identifier le convive qui désirait une bière, choisir le bon verre, le servir lui aussi dans le bon ordre, etc. Le tout en faisant preuve d’élégance, en échangeant avec les clients fictifs, tout en ouvrant la bouteille et en servant les verres sans faux mouvement. Un certain nombre de candidats n’a pas terminé cette épreuve, ou a trop négligé les consignes. D’autres, en revanche, ont fait preuve d’une concentration et d’une précision absolument remarquables.

Quel pronostic pour la finale ?

Demain, dimanche 12 février, tous les candidats seront réunis à La Défense Arena, où se déroulera la finale en début d’après-midi devant près de 4000 spectateurs. Ce n’est que quelques minutes avant cette dernière étape décisive que seront annoncés les noms des trois finalistes. Qui montera sur la scène pour essayer de décrocher le titre ? Au regard du déroulement des épreuves d’hier, il semblerait qu’un réel écart se fasse jour entre les demi-finalistes qui ont bien réussi en quart de finale mais sont encore un peu « juste » (en expérience, en maîtrise de l’anglais, en self control, en capacité de concentration, en dégustation à l’aveugle) à ce niveau, et ceux qui peuvent légitimement prétendre à une place en finale, voire au sacre. Sans préjuger de bonnes ou mauvaises réponses qui auraient été données – le contenu des verres ne devant être révélé à la presse qu’après la finale – ni d’erreurs éventuelles qui auraient été commises au service, il semblerait que quelques candidats aient fait preuve d’une plus grande conviction, constance et régularité sur la totalité des ateliers. La candidate danoise Nina Jensen et le candidat letton Raimonds Tomsons, tous deux finalistes de la dernière édition à Anvers (Nina ayant aussi entre-temps fini deuxième du concours européen, tandis que Raimonds a gagné ce même concours européen en 2017), ont fait preuve d’une incroyable aisance sur les ateliers auxquels nous les avons vu participer. La Française Pascaline Lepeltier a pour sa part fait preuve d’une grande concentration lors de la session à l’aveugle, faisant une démonstration de son impressionnante « base de données » de dégustatrice ; il semblerait que l’atelier service se soit également très bien passé pour elle, puisqu’elle l’a terminé dans le temps imparti. Ce trio peut-il constituer le podium de dimanche ? Il semblait y avoir consensus sur ce point hier chez les observateurs, mais cela ne présume pas de la décision du jury. Parmi les autres candidats à surveiller, Francesco Marzola (Norvège), Valeria Gamper (Argentine), Andrea Martinisi (Nouvelle-Zélande) ou Wataru Iwata (Japon) pourraient nourrir des espoirs pour dimanche. Il leur faudra encore patienter près de 24 heures, une éternité avant de toucher la postérité.

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