[Primeurs] Retour à l’équilibre pour le millésime 2021 dans le Médoc

Tous les vignobles du bordelais n’ont pas été logés à la même enseigne pour le millésime 2021.

Les appellations médocaines ont en effet été épargnées par le gel d’avril : l’estuaire et les forêts pesant de tout leur poids dans l’inertie thermique modérant les températures à la baisse et donc protégeant du gel. Bien sur il y a eu des propriétés touchées mais de façon extrêmement marginale si l’on compare aux ravages subis par la rive droite. Une fois passés l’hiver plutôt doux et pluvieux, un printemps également doux, un été en demi-teinte, ces vignes préservées du gel ont attendus la mi-aout pour terminer leur cycle de maturation. Et c’est plutôt un facteur favorable car les cabernets sauvignon, colonne vertébrale des vins médocains, ont donc muri lentement mais surement. Tout s’est joué dans les six dernières semaines avant les vendanges, il fallait attendre, l’arrière saison a offert au Médoc un été indien de rêve. Echappant globalement aux aléas climatiques, les rendements médocains ont été suffisants pour que l’on puisse peaufiner les assemblages, on compose mieux quand on a un grand choix d’éléments ! Un autre facteur essentiel pour décrire ce 2021 résulte également de la météo : pas d’excès de chaleur comme on a pu l’avoir sur des millésimes antérieurs entraîne un baisse du titre alcoolique de un degré en moyenne, tous les vins titre moins de 13°. Cela n’a l’air de rien mais c’est un retour sur un équilibre plus classique, plus bordelais en somme.

Antoine Médeville – Co-directeur du laboratoire Œnoconseil et co-propriétaire du château Fleur La Mothe (Cru Bourgeois Supérieur, AOC Médoc)

Ce 2021 est-il plutôt le millésime du consultant à Œnoconseil ou celui du vigneron à Fleur La Mothe ?

« Ce 2021 a plutôt été un millésime de vigneron, car c’était une année très compliquée au niveau de la vigne, du fait des conditions climatiques, avec quelques problèmes de maladies. Le travail du sol a été complexifié par la pluie, il a fallu parfois procéder à des vendanges vertes et à un effeuillage raisonné selon l’orientation des rangs. Sur la fin – notamment sur les cabernets sauvignons, qui, tout du moins en Médoc, ont sauvé le millésime –, il a fallu savoir attendre pour ramasser. Cette attente a été à la fois dans les mains du vigneron et du consultant, car c’est un choix toujours stressant à l’approche des dates de vendanges. Les vinifications se sont ensuite très bien passées, mais il ne fallait pas chercher à aller trop loin dans l’extraction. »

Anne Le Naour – Directrice exécutive de CA Grands Crus

« C’est un exercice de style toujours délicat que de montrer des vins qui sont encore à un stade embryonnaire. Les enjeux sont énormes, on présente le fruit de notre travail aux critiques qui vont porter un jugement sur lequel, la plupart du temps, ils ne reviendront jamais. Cela nous oblige donc à signer non seulement une belle expression du millésime, mais aussi de présenter le vin sous ses meilleurs atours au moment des Primeurs. L’autre enjeu de cette période, surtout pour nous avec Meyney et Grand Puy Ducasse notamment (qui ne sont pas des crus spéculatifs), c’est de rester prudents sur l’augmentation des prix pour installer les marques sur la durée, fidéliser les amateurs qui auront envie de continuer de boire nos vins, millésime après millésime. Je reste persuadée que les Primeurs doivent rester une bonne affaire pour tout le monde ! »

Saskia de Rothschild – Executive Chairwoman Domaines Barons de Rothschild Lafite

Le château Lafite Rothschild (1er grand cru classé, AOC Pauillac) a amorcé son passage à l’agriculture biologique en 2021. Avec 112 hectares, était-ce un gros challenge sur ce millésime ?

« Le millésime 2021 ne nous a pas fait de cadeaux, mais la transition vers la certification officielle en bio avait été préparée en amont. Avec les équipes, nous avons réalisé des essais depuis cinq ans, en augmentant à chaque fois la part d’hectares en bio. En 2020, le grand vin de Lafite était déjà produit selon les principes de l’agriculture biologique. Avec des millésimes comme 2021, nous en apprenons plus chaque année sur la meilleure approche pour se protéger du mildiou. Ce sont des millésimes d’autant plus satisfaisants à réaliser quand l’on arrive à produire de jolis rendements et des vins magiques. »

Anne-Françoise Quié – Copropriétaire des châteaux Rauzan-Gassies (2egrand cru classé, AOC Margaux ), Croizet-Bages (5egrand cru classé, AOC Pauillac) et Bel Orme Tronquoy-de-Lalande (AOC Haut-Médoc)

2021, plus réussi à Rauzan-Gassies, Croizet-Bages ou Bel Orme Tronquoy-de-Lalande ?

« C’est une question délicate que vous me posez. C’est comme choisir entre ses enfants, c’est impossible ! Chaque vin a sa personnalité, à nous de savoir la révéler, mais pour les trois, il y a cette notion de classicisme, avec un fruit très frais, de la délicatesse, et une très belle allonge des cabernets sauvignons. Rauzan-Gassies est délicat, avec un côté juteux, de la fraîcheur et de la gourmandise, mais aussi de la sève et de la densité. Très expressif et aromatique, avec des merlots sur la framboise plus que sur la griotte confite, Croizet-Bages est un vin de gourmandise, qui s’exprime plutôt dans le classicisme et la fraîcheur, que dans la densité et le côté solaire des derniers millésimes. Au nord de Saint-Estèphe, Bel Orme Tronquoy-de-Lalande affiche à la fois de la matière et un tanin assez policé, qui a pu mûrir et s’épanouir pour atteindre cet appréciable côté velours. »

Le n°77 de Terre de Vins « spécial Primeurs » sera le 18 mai 2022 dans les kiosques.

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