Provence : la résurrection de La Castille

L’un des plus grands domaines du Var, dans la plaine de la Crau aux portes de Toulon, propriété du diocèse de Fréjus-Toulon, s’est donné de nouvelles ambitions avec une belle montée en gamme et un reclassement d’une partie du domaine en AOP Côtes-de-Provence.

Au pied du massif des Maures, le château La Castille est pour le moins atypique. Déjà par son propriétaire qui n’est autre que le diocèse de Fréjus-Toulon à qui la famille Aubert, soyeux lyonnais sans descendant, l’a légué en 1922. Le domaine abrite toujours la Fondation La Castille, reconnue en 1979 d’utilité publique avec pour mission l’accueil et la formation des prêtres. Ce sont eux qui ont géré le vignoble jusqu’à la fin du XXe siècle. La fondation siège toujours sur le domaine qui pourrait devenir d’ici deux ans résidence épiscopale.
Le vignoble, parmi les cinq plus grands domaines varois, est également atypique de par sa taille, avec ses 160 hectares d’un seul tenant dont une soixantaine en fermage (le domaine de la Monache), labellisés Haute Valeur Environnementale depuis 2019. On retrouve les traces des premières vignes en 1566, après que le domaine des seigneurs de Solliès a été envahi par les armées de Charles Quint, devenant ainsi le lieu de cantonnement des régiments impériaux… et lui donnant son nom. Au XVIIIe, Louis de Selle, conseiller du roi et trésorier général de la Marine à Toulon, fait construire le château et creuser les caves voûtées monumentales par les bagnards ; au XIXe, les Aubert qui agrandissent et restructurent le vignoble font prospérer le domaine.

Bientôt 50 hectares gagnés en AOP Côtes-de-Provence

Le siège étant sur Solliès-Ville, hors zone de l’AOP Côtes-de-Provence (contrairement à Solliès-Pont), le vignoble a été jusqu’à ce jour déclaré pour deux-tiers en IGP Var. Une cinquantaine d’hectares est en cours de rattachement aux Côtes-de-Provence et devraient passer en AOP d’ici 2022, inversant ainsi les proportions des appellations. « Une situation qui explique que La Castille vendait historiquement son vin surtout en vrac à la citerne et depuis une vingtaine d’années, également en bag-in-box », raconte Marc Fischer, ancien directeur du château de Berne qui dirige le domaine viticole depuis deux ans. Le plan de restructuration sur ces terroirs calcaires de la plaine de la Crau, entre mer et collines, est prévu sur cinq ans avec l’arrachage de carignans et vieux grenaches et la replantation de grenache, cinsault, tibouren, colombard, mourvèdre, rolle… Une quinzaine d’hectares ont déjà été replantés depuis deux ans et un rythme de 6-8 hectares par an sera maintenu en AOP. 110 sur 160 hectares ont été équipés du goutte à goutte relié au canal de Provence pour anticiper le réchauffement climatique.

Construire une notoriété sous la barre des 10 €

Autre singularité : le vignoble, avec une production moyenne de 10 000 hl, ne comprend pas moins de 22 cépages, même si la majorité reste en grenache, principal composant des assemblages de rosés, et en syrah pour les rouges. « Nous avons augmenté la part des rosés et des blancs dont nous manquons toujours en AOP, explique Marc Fischer qui travaille avec l’œnologue Aude Lebessou-Faudon et l’œnologue conseil Pierre Guérin du Cabinet d’Agronomie Provençale. Nous vendions surtout les rouges au caveau – la boutique représente encore près de la moitié des ventes et s’est diversifiée avec des spiritueux et des produits locaux d’artisans. Mais aujourd’hui, nous misons d’abord sur le rosé pour diversifier nos ventes en bouteilles dans plusieurs circuits de distribution en France et pour commencer à exporter ».
La Castille s’attache d’abord à construire une notoriété en augmentant la qualité des vins dans des gammes aux noms évocateurs (Sancti, Ciel & Terre, Glorius) et en l’accompagnant d’un changement total de packaging. La Castille (Château en AOP, Domaine en IGP) ne revendique pas la dénomination Pierrefeu, « pas encore assez connue, ni reconnue, sauf sur le bassin toulonnais » estime Marc Fischer, mais l’équipe réfléchit, pour la vendange 2021, à une nouvelle cuvée premium dans les trois couleurs, en Vin de France « pour jouer avec les cépages et faire de l’œnologie pur », précise Aude Lebessou-Faudon. Afin de faire grandir progressivement cette notoriété, Marc Fischer a également tenu à « garder la tête froide en termes de prix avec des vins sous la barre des 10 € » (sauf pour le rare Glorius blanc à 12,80 €). La Castille, aux portes de Hyères et Toulon, sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, peut aussi compter sur ses 250 000 visiteurs par an, pèlerins ou promeneurs, pour devenir de fidèles ambassadeurs de ses vins, désormais à l’excellent rapport qualité-prix-plaisir.

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