Quand le champagne crève l’écran…

Le cinéma a fait son grand come-back en 2022 avec une augmentation de 59,2 % des fréquentations en France. Une bonne nouvelle pour le champagne, qui retrouve ainsi l’un de ses meilleurs alliés comme le montre un site internet extraordinaire, créé par Gabriel Leroux, qui propose d’analyser à travers une série d’articles mais aussi de podcasts, ses plus réjouissantes apparitions au grand écran. Pour débuter l’année sur une note culturelle, voici ce que nous y avons découvert

Le champagne est lié au cinéma depuis sa naissance. Le tout premier publi-reportage de l’histoire fut réalisé pour la Maison Moët & Chandon en 1896, soit un an à peine après son invention par les frères Lumière. Quant au premier placement de produit champagne dans une œuvre fictive, il ne tarda pas non plus. Il remonte à 1901, avec la sortie de « Barbe bleue », un film de Méliès, où on assiste à l’intrusion pour le moins originale d’une gigantesque bouteille de Mercier (maison créé en 1858) portée par des laquais dans les cuisines alors que se prépare le mariage du serial killer. L’anachronisme, au vu des costumes XVIIe des personnages, est saisissante, et on se doute que la marque a dû verser derrière quelques subventions. On reconnaît d’ailleurs la patte d’Eugène Mercier, publicitaire de talent, célèbre pour l’opération de communication qu’il avait réalisé à l’exposition de 1889, où il avait déjà misé sur le gigantisme, par la construction du plus grand foudre du monde.

Il est vrai que les premiers placements ne faisaient pas toujours dans la discrétion. Dans les années 1930, alors que les maisons de champagne, pour lutter contre la crise, investissaient beaucoup dans ce qu’elles appelaient « la propagande », les acteurs se livraient parfois à de véritables cours sur le champagne. Ainsi, dans « Ninotchka », où Greta Garbo joue une commissaire communiste qui découvre Paris, on assiste en direct à la toute première fois du personnage : « Le comte : – Est-il sec ? – Le serveur : Oui Monsieur. – Cela te convient ou le préfères-tu plus doux ? – Oh comment le saurais-je ? Je n’ai eu de rapport avec le champagne qu’aux actualités, la femme d’un vieux président baptisait je ne sais quel porte-avion. – Cela porte toujours chance un baptême au champagne, aux porte-avions et aux amoureux. – C’est bizarre le cours d’une vie. Quand j’étais petite, je buvais du lait de chèvre, ensuite de la vodka, et voici du champagne. – Du lait de chèvre au champagne, c’est aller dans la bonne direction ! (Elle boit, grimace d’abord, surprise sans doute par le picotement des bulles, avant de s’illuminer) – C’est délicieux ! D’après mes lectures, je m’imaginais que le champagne était rude et sec, mais ce n’est pas le cas. » Une conversion qui la réconciliera un peu plus avec le monde capitaliste…

Le champagne au cinéma n’est pas seulement un moyen commode de financement. Il est aussi une source inépuisable d’inspiration et en particulier de gags, pour devenir dans certains cas le cœur même de l’intrigue. Qui se souvient de Rigadin qui fut au début du XXe siècle l’équivalent français de Charlot ? Un épisode intitulé « Le champagne de Rigadin » sorti en 1915 a bâti tout son scénario autour du roi des vins. Rigadin trouve dans son jardin un obus creux, dans lequel ses voisins farceurs ont dissimulé une bouteille de champagne. Son épouse lui impose de désamorcer la bombe, et le champagne lui jaillit à la figure sous l’œil amusé des voisins qui accourent pour fêter la plaisanterie. Celle-ci tournera mal, lorsqu’un véritable obus tombera dans le jardin, et que Rigadin, convaincu qu’il contient également du champagne, cherchera à l’ouvrir… Gabriel Leroux fait remarquer qu’à la même époque, jouant avec l’actualité de la Grande Guerre, un champagne « La Bombe Bouzy » reproduisant la forme d’un obus, avait été justement commercialisé. On l’aura compris, lorsque Bollinger insère ses bouteilles dans des coffrets en forme de balle pour rendre hommage à James Bond, la Maison s’inscrit dans une longue tradition.

Mais le gag préféré des cinéastes reste indubitablement le tir au bouchon. La liste est sans fin : dans « Mon beau-père et moi », Ben Stiller détruit l’urne funéraire de la grand-mère en laissant maladroitement s’échapper le bouchon, dans « Le Retour du Grand Blond », Pierre Richard neutralise de la même façon et sans même s’en apercevoir, un tueur qui s’apprête à l’éliminer. Dans « Cruella », qui se déroule dans l’univers de la mode où le champagne coule à flots, la baronne agacée par un serveur de restaurant qui peine à déboucher la bouteille, se saisit du flacon et lui envoie volontairement le bouchon dans l’œil. L’entrée en scène de Cruella implique un usage non moins fracassant de la divine bulle : la trouble-fête détruit une fontaine de champagne en se servant une coupe située à la base !

On n’oubliera pas les baptêmes de navires manqués. Le plus célèbre est celui du « Petit baigneur », où l’épouse du ministre, une femme imposante, lance la bouteille sur la coque du navire de Louis de Funès, « L’increvable », évidemment transpercé par le flacon. Réplique du ministre : « Excusez-la, elle ne connaît pas sa force ». Un gag qui avait en réalité déjà été étrenné en 1938 dans un Mickey Mouse, où Minnie inaugurait avec la même maladresse un bateau construit en son honneur « Le Queen Minnie ».

Mais les plaisanteries peuvent être aussi un peu plus fines, voire surréalistes. Comme dans « Une nuit à Casablanca », lorsque Harpo débouche une bouteille dont le bouchon est aussi long que la bouteille. Alors que celle-ci s’avère vide, son acolyte ne se montre guère surpris, ne s’agissait-il pas de champagne « sec » ?

Au fil des œuvres, le champagne se dévoile ainsi sous toutes les coutures tantôt fatal, romantique, festif, gourmand, explosif, mais toujours inattendu et plein de fraîcheur !

Pour en savoir plus : https://champagne-et-cinema.fr

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