Récit de visites en Saumurois (1/2)

En marge de la Paulée d’Anjou, superbe événement dont nous étions partenaires le lundi 27 juin, nous avons profité d’être sur place pour rendre visite à quelques domaines. L’occasion de constater la chaleur de l’accueil angevin dans plusieurs propriétés du saumurois. Suivez-nous dans nos visites des domaines Guiberteau et au Château de Villeneuve.

Domaine Guiberteau

Le rendez-vous était pris à 9h, le lendemain de la Paulée d’Anjou, une visite fixée lors du diner donné par les vignerons au Manège des Ecuyers de Saumur, après une dégustation d’un Clos des Carmes 2010 d’anthologie ainsi qu’un grandiose Brézé 2008 servis en magnum par Romain Guiberteau en personne. Nous nous engageons donc avec entrain dans l’impasse de Saint-Just-sur-Dive qui mène à la cour du domaine, Camille Guiberteau nous accueille sous la douceur matinale du soleil ligérien. Nous nous dirigeons vers les chais qui accueillent les vendanges des 18 hectares du domaine. Douze personnes s’activent au domaine pour soigner les vignes et parfaire les vins. Les fermentations des rouges ont lieu dans des cuves bétons puis les élevages sont faits en cuves bois tronconique et inox et deux ans en barriques pour les Ardoises. Quant aux blancs, la majorité fermentent puis sont élevés en barriques. Aucun blanc ne fait ses fermentations malolactiques. Ce sont toutefois les grandes lignes car chaque année des ajustements sont faits afin de donner la meilleure lecture du millésime. Le domaine a fait de nombreux essais de tonnelier ces dernières années afin de trouver les bois et les chauffes qui correspondent le mieux à leurs terroirs. Une chose est sûre, les bois viennent de la forêt Blois, c’est un impératif, quelque soit le tonnelier qui les travaille. A la production du domaine s’ajoute celle de Domaine Brendan Stater West, le maitre de chai et bras droit de Romain, qui vinifie ses cinq hectares de vignes à la propriété. L’entraide en Anjou semble être une valeur fondamentale, le moyen de réhausser la région au rang qu’elle mérite. Les domaines connus font émerger les jeunes talents en les aidant à s’installer, à acquérir des vignes, à leur prêter du matériel et évidemment leur apporter leur expertise et leur expérience.

Nous passons ensuite à la dégustation en commençant par les rouges comme cela est couramment pratiqué dans la région :

Les Moulins 2021 :

Issue d’un assemblage de parcelles (qui changent tous les ans et qui sont soit intégrées à cette cuvée, soit à la cuvée Domaine), le moût a macéré quatre jours en cuve béton avant un élevage de six mois en cuve inox. Le vin délivre un fruit croquant particulièrement charmeur, sa belle énergie déroule avec beaucoup de fraicheur, des arômes de noyaux de cerise et de fruits rouges frais nous séduisent.

Cuvée Domaine 2020 :

Les raisins qui rentrent dans l’assemblage de cette cuvée proviennent des jeunes vignes, plantées en 2002. Après cinq à six jours de macération en cuve béton, le vin est élevé 11 mois en cuve bois tronconique et en cuve inox. Ce millésime est le premier ayant fait l’objet d’un élevage en bouteille plus long au domaine (1 an). En bouche, le vin est plus structuré sans perdre de sa gourmandise, il développe des arômes de fruits un peu plus murs et plus noirs, avec une touche épicée, la matière est profonde et les tanins très fins.

Les Chapaudaises 2020 :

Cette parcelle a été décimée par la grêle cette année, le millésime 2022 ne sera pas produit. En ce qui concerne ce 2020, il a macéré en cuve béton pendant 10 à 12 jours avant un élevage de 11 mois en cuve bois tronconique et cuve inox. Bien que jeune, le nez laisse entrevoir des arômes floraux et de cerise. L’attaque est fraîche et énergique, le jus est vibrant, il développe des arômes de cerise noire, un très joli côté séveux et plus de largeur et d’opulence grâce à son sol argileux, une finale sur les amers et un grain de tanins toujours très fin.

Les Arboises 2019 :

Les grappes issues de vieilles vignes de 1957 macèrent 15 jours en cuve bois tronconique avant d’être élevé pendant deux ans en barriques dont la moitié sont neuves. Ce millésime fut particulier car c’est la première année où le domaine a vu des raisins griller sur pieds, il a donc fallu être rapide pour les vendanges. Le vin est concentré, se dévoile avec beaucoup d’élégance dans des arômes floraux, de fruits rouges et noirs concentrés airelles et cassis, le végétal noble est très présent, sève et ronce étirent la finale avec beaucoup de classe.

Rosé 2021 :

C’est un rosé de pressurage direct, qui restait jusqu’à présent au domaine et cela faisait 2 millésimes qu’ils étaient satisfaits de sa qualité, d’où la sortie de cette nouvelle cuvée. La robe est presque translucide, d’un rose pâle très subtil, le nez dévoile des arômes de fruits à noyau et de fraise, en bouche le jus est d’une fraicheur détonante, la trame est cristalline, d’une pureté saisissante.

Domaine Blanc 2021 :

Elevé en foudres et cuves inox pendant six mois, avec notamment une alternance entre cuve inox et tronconique afin de détendre le vin car ce millésime était marqué par l’acidité. Le vin est frais, très digeste, il développe une aromatique de poire, de citron et de pamplemousse, la finale s’étire sur de fines notes minérales et de beaux amers.

Clos de Guichaux 2020 :

Les vignes de cette parcelle ont été plantées en 2003. L’élevage est réalisé uniquement en barrique de plusieurs vins. L’attaque est dynamique entre fraicheur et boisé très fin, notes de sésame grillé, le tout s’harmonise déjà très bien, on perçoit la pureté du fruit, la finale est finement saline et s’étire longuement.

Brézé 2019 :

18 mois d’élevage en barriques dont 50% neuves puis six mois en cuve inox procurent une belle matière au vin, à ce stade, le boisé est encore bien présent, il aura besoin de quelques années pour s’intégrer au fruité délicat que l’on perçoit, très pur, presque cristallin. L’aromatique s’articule entre pêche blanche, mirabelle et poire. La finale est longue, on y perçoit de fines notes vanillées et de fleurs d’acacia.

Clos des Carmes 2018 :

Le vin est gras, plus opulent, il prend toute son ampleur et tapisse la bouche de ses arômes de fruit à chaire blanche plus mûrs, il ne perd cependant rien de sa vivacité, le milieu de bouche laisse apparaitre des notes de pomme granny et de citron confit.

Nous n’avons pas dégusté le Moulin blanc, dont le nom va changer pour devenir le Bourg. Cette parcelle a une vocation pédagogique : les écoliers de l’école voisine viennent chaque année récolter des raisins pendant les vendanges et en font de la confiture.

Château de Villeneuve :

Nous arrivons au Château de Villeneuve à 11h30, accueilli par le propriétaire des lieux, Jean-Pierre Chevalier. Celui-ci nous emmène dans les caves de la propriété, une majestueuse bâtisse en pierre de tuffeau parfaitement restaurée. Nous empruntons un escalier en colimaçon, Jean-Pierre ouvre les portes sur une cave qui s’étend à perte de vue, celui-ci nous explique que ce sont en fait d’anciennes carrières mais du vin s’y faisait déjà dès le XVIème siècle, les caves ayant une température optimale de 12°C. Au fur et à mesure que nous nous enfonçons dans les méandres des impressionnantes galeries, nous mesurons leur caractère abyssale, digne des plus grandes maisons de champagne. Au détour d’un couloir, une grande porte apparait, nous la passons et le chai de la propriété se dresse devant nous. Jean-Pierre dégaine alors un tâte-vin et nous sert d’un Cormiers 2021 qu’il tire d’une barrique d’un vin, le nectar se présente sous son meilleur jour, un très beau fruité qui développe des touches de poire williams, de pomme granny et d’agrumes dans un profil frais et traçant. Puis il nous sert de la même cuvée, cette fois élevée dans des fûts de forme ovoïde de trois vins, le vin est beaucoup plus gras, plus rond, l’action des lies a fait son effet. Nous sommes étonnés par la grande différence de profil des deux vins qui seront par la suite assemblés pour combiner leurs qualités. Il ne cherche pas à marquer cette cuvée par le bois, les fûts servent seulement à arrondir les vins.

Les jus clairs sont obtenus après un pressurage à froid et débourbage de 12h. Nous nous dirigeons ensuite vers des foudres où Jean-Pierre nous sert la cuvée Vieille Vignes 2020 qui provient de vignes vieilles de 80 ans, les manquants sont remplacés par des sélections massales réalisées avec LE pépiniériste référent en la matière, Lilian Bérillon. Le vin est charmeur, profond, il s’ouvre sur des fruits rouges et noirs particulièrement chaleureux, croquants, la matière est suave, une vraie gourmandise.

Nous remontons ensuite pour la dégustation des vins finis. Jean-Pierre qui travaille avec son épouse nous explique que la relève est assurée par ses deux filles, l’une ayant étudié le droit qui est déjà revenue au domaine et qui s’occupe de toute la partie commerciale et valorisation tandis que la seconde, œnologue a fait ses armes chez Pichon Baron et travaille désormais au Mas Amiel, elle reviendra bientôt sur le domaine. Un avenir prometteur semble tendre les bras à cette propriété. Jean-Pierre effectue déjà des expérimentations de préparas biodynamiques, il songe à se rapprocher d’une certification Demeter lorsque sa fille rentrera. Autre point notable, l’ancien chef de culture de la Coulée de Serrant a récemment rejoint le Château de Villeneuve.

L’ensemble du domaine dispose de sols argilo-calcaires avec quelques parcelles de sols sableux.

Château de Villeneuve 2020

Cette cuvée est élevée douze mois en foudre de 40 hectolitres. 2020 étant un millésime riche les raisins ont été récoltés plus précocement pour préserver les acidités et conserver le caractère de végétal noble du cabernet franc que Jean-Pierre apprécie. Le vin est frais et gourmand, le fruit est éclatant et déroule avec beaucoup de dynamisme, un très belle entrée en matière.

Vieilles Vignes 2019 :

Le vin est plus sage, il dévoile des fruits rouges plus profonds et intenses, des notes épicés, la trame joue entre profondeur et nuances d’airelles et de fleurs sauvages complexes. Un côté séveux vient apporter beaucoup de suavité en finale et finale.Cette cuvée se conserve vingt ans aucun problème.

Le Grand Clos 2019 :

Les Grand Clos dispose d’une belle proportion d’argiles qui vient apporter largeur à la bouche, la finesse des tanins est très juste et le toucher de bouche particulièrement élégant et maitrisé, la finale minérale et sapide. Les notes florales et épicées sont déjà très charmeuses toutefois Jean-Pierre Chevalier recommande d’attendre cinq ans avant de commencer à ouvrir cette cuvée.

Villeneuve blanc 2021 :

En 2021 les chenins ont gagné en concentration à la fin du millésime. La fermentation malolactique est réalisée sur cette cuvée car l’acidité était trop importante, qui peut parfois être difficile à déclencher compte tenu des PH bas. Les moûts n’ont pas été sulfités pour faciliter son démarrage et un ajout de CO2 a été effectué pour les protéger. La malo a permis de ramener du volume au vin, sans lui faire perdre de son énergie. Cela est très réussi ! Le nez dévoile des arômes de fleurs d’acacia, le jus est vibrant, tendu, la trame est nerveuse et dévoile fruits blancs et agrumes qui déroulent jusqu’à une fin de bouche salivante qui présente des notes anisées.

Les Cormiers 2020 :

La parcelle de 2,5ha et a été vendangé très rapidement en 2020, comme pour les rouges, afin que les degrés ne soient pas trop élevés. Le vin est fermenté et élevé en fût, comme décrit plus haut. Cette cuvée n’a en revanche pas fait sa malo à cause d’un PH trop bas. Le vin est opulent, il tapisse la bouche avec beaucoup d’élégance, la fraicheur n’est pas loin derrière et vient tendre la bouche dans un bel équilibre. L’aromatique se partage entre fruits frais, pêche, abricot, florales (chèvrefeuille) et notes anisées. La longueur est superbe, avec de jolis amers.

Une très belle dégustation, les vins sont à l’image du vigneron, tendre, droit et précis. Jean-Pierre Chevallier nous aura livré une belle leçon d’humilité et de simplicité. Il nous confiera son attachement au principe de congruence qui consiste à faire ce que l’on dit et dire ce que l’on fait. Cela s’illustre au domaine par quelques gestes simples pour prolonger la philosophie du bio : un exemple parmi tant d’autres : les eaux de pluie sont récoltées et dynamisées pour les préparations.

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