Nous vous contions récemment la matinée de nos pérégrinations en terres saumuroises au domaine Guiberteau et au château de Villeneuve, il est désormais l’heure de vous dévoiler la suite du programme non moins alléchante. Nous nous sommes en effet rendus chez deux autres partenaires de renom. Il s’agit du Domaine des Roches neuves où nous avons été accueillis par la figure emblématique de la région Thierry Germain, puis nous avons pris la route de chez Mathieu Vallée, l’artisan des nectars de Château Yvonne.
Le domaine des Roches neuves est tenu par l’emblématique Thierry Germain, le bordelais d’origine qui s’est exporté dans le Saumurois dont il est vite tombé amoureux, pratique la biodynamie depuis 22 ans dans ses vignes. Il nous présente sa vision des choses, sa sensibilité et ses recettes avec beaucoup de passion. Cet écorché vif nous dit ne plus pratiquer d’analyse d’échantillons ni de raisin depuis plus de huit ans : ses vignes il les connait. Thierry Germain marche à l’affect que ce soit sur le plan humain ou dans sa relation avec le végétal, tel Goethe dans La Métamorphose des Plantes, dont il s’inspire très largement. Le cosmos est omniprésent dans son discours, la cohérence du tout et de son écosystème et les équilibres végétal-animal-humain sont primordiaux. Aux Roches neuves on évite ainsi au maximum de brusquer la vigne, ainsi, l’enroulage des sarments est préféré au rognage. Selon Thierry Germain, le rognage crée en effet un déséquilibre pour la vigne car il favorise la production de feuilles, très gourmandes en eau et donc augmente les besoins en ressources de la vigne. De même les vendanges en vert qui consistent à se séparer des grappes en retard sur leur maturité quelques semaines avant les vendanges pour concentrer les minéraux dans les plus belles grappes sont proscrites. Pour Thierry Germain, cette action est d’une extrême violence, « c’est comme enlever un enfant du ventre de sa mère ».
Selon lui la principale difficulté pour les vignerons est la lecture du millésime et de savoir se laisser guider. Il nous confie que 2021 a été un millésime très compliqué pour lui, qui l’a beaucoup désorienté. La couleur de l’étiquette du Saumur-Champigny 2021 qui été choisie (elle change chaque année comme un hommage au millésime) est le vert car peu prometteur selon lui avec des maturités qui ont été difficiles à atteindre. Mais c’est un millésime qui devrait bien vieillir pense-t-il, car très fin et doté de belles acidités. Le viticulteur nous confie l’importance de l’état d’esprit des personnes au moment de propulser les préparations sur les vignes. De mauvaises pensées seraient néfastes à l’action des tisanes. 11 personnes travaillent sur le domaine à plein temps soit 1 personne pour 2 hectares de vignes.Le respect de la vie est au cœur des attentions « la vigne c’est de la terre qui s’élève » nous glisse le vigneron en citant Goethe avant de nous inviter à le suivre dans ses caves.
Nous empruntons un escalier en colimaçon exigu pour descendre vers des caves étroites, à la fraicheur et à l’humidité saisissante. Le couloir que nous empruntons a été creusé à la main par Thierry Germain, il mène vers une enclavure où nous distinguons deux foudres de la célèbre maison Stockinger. Fait marquant, ils furent construits et assemblés directement dans les caves car impossible de les faire rentrer autrement. Le domaine dispose de vieux fûts de Latour & Cheval Blanc, sélectionné spécialement et qui sont utilisé pour 10% des assemblages. Ceux-ci sont nettoyés en cave et le vin est entonné à la même température que celle de la cave, soit 12,5°C. Le chef d’orchestre nous guide vers des grandes barriques où il y puise du vin à l’aide d’un tâte-vin, nous sommes bluffés par la pureté des vins, l’atmosphère qui se dégage des caves et la voix de Thierry Germain nous transportent, rendant ce moment parfaitement hors du temps.
Dégustation sur fûts :
Rouges
Blancs
Durant la fermentation des blancs, la température est maitrisée et reste toujours la même afin que la fermentation alcoolique ne s’interrompe pas pour ne pas avoir des vins pommadés qui obligeraient à faire des élevages plus longs. Selon Thierry Germain, l’équilibre durant la fermentation est primordial afin de ne pas avoir à corriger au chai les déséquilibres des fermentations. Le pressurage est lent, via des pressoirs séquentiels, qui permettent d’obtenir des vins clairs.
La transmission est aujourd’hui à l’œuvre sur le domaine, Louis, le fils de Thierry reprend peu à peu le flambeau. Louis a travaillé chez Milton en Nouvelle-Zélande, l’un des tout premiers domaines en biodynamie du pays, situé à l’est, sur l’île du nord. Thierry se donne dix ans pour lui transmettre le domaine.
Voir les vins du domaine des Roches Neuves
Le Château Yvonne est une propriété acquise par Mathieu Vallée en 2007. Fils de viticulteur, il avait pris une autre trajectoire avant de revenir à ses racines. C’est son frère, Gérald qui a repris le domaine familial, le domaine de la Cotelleraie. Mathieu rachète donc des vignes et agrandit peu à peu le domaine jusqu’à obtenir 19 hectares aujourd’hui. En 2015, sa compagne Stéphanie le rejoint sur la propriété. Nous sommes accueillis par cette dernière, Matthieu arrivera de ses vignes quelques minutes plus tard.
Nous le suivons dans la cour de sa maison, un ensemble de grands bâtiments en pierre de tuffeau. A l’arrière, nous rentrons par une grande porte dans une impressionnante cave troglodyte. L’atmosphère y est à peine croyable, cela ressemble à un décor de film, une immense cave en roche poreuse avec une verrière pour plafond dont de la végétation tropicale en retombe. Dans un coin une imposante cheminée se dresse. Des alvéoles sont creusées un peu partout dans la roche et contiennent des bouteilles ou des bougies. Le lieu dégage quelque chose de spécial, l’ambiance y’est apaisante, sereine, relaxante. Mathieu nous emmène dans ses caves, d’abord celle des blancs, un couloir sombre et sinueux où les barriques sont alignées sur une seule rangée, puis la cave des rouges, beaucoup plus vaste – 14 des 19 hectares sont consacrés aux cabernets francs -, importante cave troglodyte où la lumière à du mal à percer. L’énergie y’est extrêmement calme mais présente. Matthieu nous explique sa vision à contrecourant, alors que l’heure est à la sélection parcellaire, il prône au contraire l’assemblage des terroirs pour mieux les harmoniser.
La dégustation des vins validera cette philosophie, les vins sont purs, frais et élégants, dotés d’une superbe complexité et d’une grande opulence, leur tension et leur nervosité équilibrent à merveille les blancs comme les rouges.
Les vendanges sont manuelles et les levures sont indigènes. Les vins sont fermentés dans des contenants diverses : fûts (10 à 20% de barriques neuves chaque année), amphores en grès & foudres. Les blancs sont pressés et débourbés, s’en suit une fermentation de 6 à 8 mois. Les fermentations malolactiques peuvent se faire ou non, Mathieu Vallé laisse faire le vin.
Une nouveauté sortira en 2022 : un pineau d’aunis, qui sera en appellation vin de pays car le cépage n’est pas autorisé à plus de 15% dans l’assemblage dans le cahier des charges de l’appellation.
Dégustation
Saumur Blanc 2020 : c’est la première année que le domaine a tout vendangé en septembre. Le nez est légèrement réduit mais après quelques minutes, il laisse apercevoir des notes fumées, de sésame grillé, une bouche ample marquée par de jolis amers et une belle fraicheur.
Le Gory 2019 : la vinification est la même que pour le Saumur Blanc mais celui-ci est élevé un an de plus. Le nez est encore jeune, avec des arômes de tilleul et des notse fumées. La bouche se montre tendue et saline. Une belle harmonie se dégage de cette cuvée.
Saumur Blanc 2014 : les notes de sésame toasté sont complétées par des arômes de fruits blancs comme la poire, la bouche est pleine d’énergie et de tonicité, la vin a gagné en profondeur et en complexité avec le temps.
La Folie 2021 : le nom de cette cuvée vient du lieu-dit. Une cuve est vinifiée en macération carbonique, le reste des raisins macère 3 à 4 semaines en cuve béton et l’élevage se fait en cuves bois tronconiques. Le nez est épicé et floral et offre des notes de fruits rouges. La bouche, juteuse et croquante apporte de la souplesse.
Château Yvonne 2019 : il s’agit selon Mathieu d’un millésime très ligérien. Le nez est floral, les fruits rouges dominent et le végétal noble du cabernet franc s’esquisse ici dans une aromatique très harmonieuse. La bouche est croquante et gourmande mais offre tout de même une belle matière fine.
Le Beaumeray 2018 : le nez est très mûr, laisse apercevoir des notes de confiture de fruits noirs, des arômes de bourgeon de cassis, une bouche ample et des tannins fins