Ruinart au gré du vent avec Toma?s Saraceno

En 2029, Ruinart, la plus ancienne des Maisons de Champagne, fêtera ses 300 ans. Afin de marquer ce compte à rebours, la marque demande chaque année à un artiste de concevoir une œuvre qui s’inscrira au cœur de son terroir historique. Pour ce millésime 2021, c’est Toma?s Saraceno qui a été sollicité. Cet argentin a réalisé une performance à l’aide d’un Aerocene, lancé vendredi dernier au-dessus du domaine Ruinart, une très belle création qui ouvre une réflexion sur le changement climatique et ses enjeux pour le vignoble de Champagne.

Le dérèglement climatique en Champagne n’a sans doute jamais été aussi perceptible. En avril, alors que la végétation sous l’effet des températures douces avait démarré de manière précoce, les gelées ont détruit 29% des bourgeons. En juin, les pluies incessantes et torrentielles dignes des moussons asiatiques ont favorisé la prolifération du mildiou. On a vu aussi la grêle et la tempête dans la région de Chézy sur Marne, dans le Massif Saint Thierry, ainsi que dans quelques villages de la côte des blancs et à Trépail abîmer environ 500 hectares de vignes.

L’œuvre créée cette année par l’Argentin Toma?s Saraceno pour la Maison Ruinart se présente comme une méditation sur la fragilité de l’écosystème terrestre mis en danger par l’activité humaine. Elle ne pouvait donc tomber plus à point. L’artiste a ainsi conçu une performance à l’aide d’un Aerocene, une large poche noire en tissu dans laquelle il emprisonne l’air que le soleil réchauffe ensuite. Dès que la température de l’air piégé dans la voilure dépasse d’un degré celle de l’air ambiant, l’Aerocene s’élève avec majesté pour flotter dans les cieux.

« Voler était un rêve qui s’est transformé en cauchemar »

La performance illustre ainsi la puissance que représente l’augmentation d’un degré de l’air. En apparence anecdotique, celle-ci est capable de soulever vers le firmament une œuvre d’art comme de perturber durablement la maturation des raisins champenois. « Voler était un rêve qui s’est transformé en cauchemar par sa contribution au réchauffement climatique. Et si nous trouvions d’autres moyens de nous mouvoir, en flottant par exemple comme cet Aerocene ? » confie Toma?s Saraceno avant le décollage de cet impressionnant cerf-volant, d’abord au-dessus la Maison Ruinart, puis dans le vignoble historique de Taissy (40 hectares certifiés Haute valeur environnementale !) L’artiste n’en n’est pas à son coup d’essai : en 2015, il a réalisé un vol dans le désert du Nouveau Mexique à bord d’une montgolfière aérosolaire, une expérience qui a été présentée à l’occasion de la Cop 21.

Comme la sculpture du duo Mouawad Laurier installée dans les crayères de la Maison dont le spectacle son et lumière se modifie en fonction des différentes données du terroir champenois (humidité, pression atmosphérique, etc…), la nature participe ici aussi à la création. L’itinéraire dessiné par l’Aerocene dans le ciel au gré du vent est en effet retranscrit en réalité augmentée. Le visiteur pourra ainsi admirer cet étrange hiéroglyphe, ou plus exactement cet aéroglyphe, énigmatique message adressé par les éléments à l’homme, via une application en flashant la stèle installée in situ au domaine.

Le dîner donné la veille dans une crayère, à 30 mètres de profondeur, constituait lui aussi tout un symbole. Réfugié dans les entrailles de la terre, les convives avaient le sentiment l’espace de quelques heures d’échapper complètement aux variations qui agitent et perturbent la surface : au fond des essors la température reste presque invariable quelques soient les saisons entre 10 et 12 degrés. Le temps est comme arrêté laissant au vin tout le loisir de mûrir à son juste rythme. Pour la dégustation des cuvées de la Maison, on ne pouvait rêver un cadre plus recueilli.

Pour découvrir le film de la performance :

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