[Sauternes] Château de Fargues : 550 ans d’histoire en famille

Propriété de la famille Lur Saluces depuis 1472, cette emblématique propriété du Sauternais a bénéficié de nombreux investissements au cours des dernières années. Une pépite choyée qui témoigne de la magie des vins liquoreux haute-couture.

Le patronyme Lur Saluces fait partie de ceux qui ont participé à écrire l’histoire du vignoble bordelais. Une donnée chiffrée pourrait résumer à elle-seule cet ancrage. 700 hectares, telle était la superficie du vignoble de la famille au XIXème siècle. A l’époque la famille possède Yquem, Filhot, Coutet, Malle où sont produits les vins, Fargues étant devenu au fil des siècles une ferme en polyculture où la vigne n’était présente que pour produire un vin de soif. En effet, un terrible incendie avait ravagé en 1687 la superbe forteresse construite par le Cardinal Raymond Guilhem de Fargues, neveu du pape Clément V, ce qui avait conduit la famille à abandonner les lieux. Pourtant, le destin en avait décidé autrement. Au fil des générations, de fortes personnalités se sont succédé. On pourrait citer notamment la comtesse Françoise-Joséphine de Lur Saluces qui étudia avec Garros au XIXème siècle l’impact du botrytis cinerea et initia les vendanges tardives dans la région. On se doit également d’évoquer Bertrand de Lur Saluces, oncle d’Alexandre l’actuel propriétaire, lui qui dans les années 1920 décida de réorienter la production de lait et de vin rouge vers une unique production de grands vins blancs. Pour ce faire, il arracha tout et replanta du sémillon et du sauvignon. Et ce n’est qu’en 1943 qu’il fit sa première vendange mise en bouteille en 1947. Alexandre, qui co-dirige encore le château avec son fils Philippe, représentant de la 16ème génération, a pour sa part contribué à agrandir le vignoble de Fargues, le faisant passer progressivement de 9,5 hectares en 1968 à 27 hectares actuellement (l’ensemble de la propriété représente 170 hectares dont 110 hectares de forêt). On lui doit aussi la construction d’un chai en 1980 et la restauration de la forteresse depuis 2009 qui peut de nouveau accueillir des événements de prestige, dîners et concerts.

« Un vin d’ambition »

« Il n’y a pas de vignoble prédestiné, il n’y a que des entêtements de civilisation ». Philippe a faite sienne cette citation de l’écrivain Pierre Veilletet. Et il est vrai que seule une folle passion pour un terroir exceptionnel peut expliquer la magie des vins qui sont produits ici. « Nous avons pour objectif de produire des vins d’ambition », explique Philippe. « Tout ce qui est vendangé à Fargues rentre dans le château de Fargues. Nous ne produisons ni second vin ni vin blanc sec ». Autant dire que le soin qui est mis au vignoble par l’équipe de vendangeurs lors des passages successifs est extrême. Selon les années, 3 semaines à un mois et demi sont nécessaire pour réaliser les 4 à 5 tries qui permettront de récolter tout à la fois les grappes les plus concentrées par le botrytis mais aussi d’autres moins attaquées permettant « d’éviter de produire du sirop et de préserver l’équilibre des vins ». Et ceux-ci témoignent de la qualité extraordinaire de ce travail. S’ils sont majoritairement composés de sémillon auquel le sauvignon vient apporter un surcroît de complexité aromatique et de fraîcheur, les vins du château de Fargues ont en commun d’être d’une élégance toute aristocratique. Née « viticolement » après 1855, la propriété n’a pas été classée comme certains autres crus du Sauternais. Mais elle a l’étoffe des plus grandes, à l’image d’Yquem qui appartient à la famille Lur Saluces jusqu’en 2004. Un même souci de perfection guide aujourd’hui la destinée de Fargues. De quoi sublimer littéralement tout un repas tant ces vins ont une sucrosité finement intégrée qui se marrie facilement à de nombreux mets. Si on les choisira jeunes pour l’apéritif et pas trop riches pour des huîtres (le 2014 ou le 2002 par exemple), des millésimes de 20/25 ans constitueront des accords splendides sur des ris de veau, des Saint-Jacques, de très beaux poissons blancs ou un simple poulet rôti.

Actuellement, le 2002 est doté d’une étonnante grâce, tout en fluidité de texture et en fraîcheur autour de notes exotiques exaltantes. Le 1997 joue de toute évidence une partition plus baroque avec une fougue encore éblouissante. L’avenir est devant lui, tout comme le somptueux 1990 qui a déjà mangé une partie de ses sucres et a évolué vers des notes d’épices, de rhubarbe. Un modèle du genre, à la teinte merveilleusement ambrée, qui convaincra même le plus sceptique amateur tant il est d’une accessibilité déconcertante. Du grand art(isanat) !

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