Considéré comme un « monument de la Provence » par Olivier Poussier, Meilleur Sommelier du Monde, le domaine de Terrebrune est tout simplement une histoire de rencontre entre un cépage, un climat, un terroir et des hommes. La magie de la nature opère dans le verre qui nous offre un véritable voyage en Provence. Résumé de nos échanges avec Jean d’Arthuys, copropriétaire avec Reynald Delille.
Echanger avec Jean d’Arthuys c’est échanger avec un ancien homme des media mais, avant tout, un passionné de vin de longue date. Issu d’une famille du Sud-Ouest, il a été « élevé au bon bordeaux ». Président de l’équipe de football des Girondins de Bordeaux, il a eu la chance d’y rencontrer des personnalités du monde du vin, de confirmer ses goûts, de s’immiscer dans ce milieu afin de comprendre, petit à petit, le fonctionnement d’une exploitation.
Après avoir arpenté les vignobles de France, visité un nombre incalculable de propriétés et saisi les nuances de divers terroirs, l’idée de posséder son propre domaine a germé en lui. Ambitieux, il souhaite s’amuser en plaçant sa future propriété sur le podium d’une appellation moins connue que Bordeaux et la Bourgogne, alors inaccessibles. Il passe donc le Beaujolais, la Corse et la Savoie au crible fin jusqu’à trouver la perle rare en Provence, en face de la mer Méditerranée.
Si Terrebrune est un mythe, Jean d’Arthuys l’a pourtant découvert par hasard au sein du vignoble de Bandol. Telle ne fut pas sa surprise de découvrir le mourvèdre, un cépage capricieux, difficile à dompter, qui mûrit tardivement mais qui s’adapte parfaitement au climat de l’appellation, notamment à l’heure où le réchauffement climatique s’accélère. Parce qu’il aime les vins de garde, Jean d’Arthuys a littéralement été séduit par son expression complexe et minérale, engendrant aisément un potentiel de garde de 30 ou 40 ans.
Terrebrune, c’est aussi une histoire fascinante. Le domaine a vu le jour en 1963, sous l’impulsion de Georges Delille, le père de Reynald Delille, qui a son arrivée, s’est lié avec d’autres pionniers viticoles comme les Saint-Victor du château de Pibarnon et Emile Peyraud du domaine Tempier. Ce dernier lui avait offert des plants de vignes de mourvèdre qui, à 70 ans, évoluent toujours au pied de la maison de Terrebrune et font sa réputation.
Terrebrune se démarque aussi de ses voisins par son terroir unique puisqu’il est implanté sur le massif du Trias qui se définit par du calcaire fragmenté et des plissements sous-marins de 250 millions d’années. Sous ce climat béni des dieux, exposée entre deux collines, face à la mer, Terrebrune bénéficie d’un courant d’air permanent et de températures élevées qui assainissent les vignes. Parallèlement à cela, le vent tempère les températures basses empêchant un gel destructeur et permettant une bonne amplitude thermique diurne, garante de la fraîcheur des baies.
Afin de parfaire son parcours, Jean d’Arthuys a étudié à l’Université du vin et obtenu une certification en viticulture et en œnologie. Le domaine de Terrebrune a la particularité de proposer des vins dans les trois couleurs : blanc, rosé et rouge. Tous, grâce à l’influence du terroir préalablement décrit, offrent une minéralité et une salinité saisissantes, une grande fraîcheur, de l’élégance et une légèreté presque cristalline. Indéniablement taillés pour la garde, les vins, dont le rosé réalisé avec les mêmes cépages que le rouge, se distinguent par leur évolution aromatique sidérante. En un mot, rouge comme rosé sont dotés d’une forte personnalité qui ne laisse personne indifférent ; la présence du mourvèdre offrant ce caractère typique de la Provence à travers des notes de garrigue et animales.
Autre particularité, « Terrebrune est l’anti-mode » selon les dires de Jean d’Arthuys. En plus d’offrir des vins charnus qui se bonifient avec le temps, elle se préserve de « la folie des parcellaires » en ne signant qu’un seul vin par catégorie.
Si le domaine est certifié bio depuis 20 ans maintenant, la famille Delille a toujours respecté la nature et la biodiversité. Elle applique même des critères de la biodynamie, sans avoir demandé le label pour autant.
Le travail de vinification est peu interventionniste et, en visionnaire, Georges Delille a toujours souhaité garder des vins dans sa cave afin de transmettre de vieux millésimes aux amateurs avertis. Avec cette ambition de faire de Terrebrune « le petrus de la Provence », une pépite rare réservée aux grands amateurs en quête d’authenticité et de rareté, les rouges ne sont pas commercialisés avant cinq ans de sommeil en bouteille dans les sous-sols de la propriété.
Si les vignes de Terrebrune courent sur 35 hectares, Jean d’Arthuys et Reynald Delille souhaitent l’étendre en achetant de jolies parcelles. Un véritable défi dans cette zone très urbanisée. Parallèlement à cela, l’envie de repenser l’accueil du domaine et de proposer une expérience d’hébergement courte, d’une journée ou d’une nuit, monte petit à petit. Une affaire à suivre de près.
Dans la commune d’Ollioules, le vignoble bio de 30 hectares bénéfice d’un sol de marnes argilo-calcaires du trias unique à Bandol qui lui confère un style à part. Ici, le rouge prend naturellement son expression la plus fine et la plus fraîche, sans jamais être exubérant. Si bien que l’on peut parfois être surpris par sa retenue profonde si on le compare à certains de ses voisins, monstres de puissance. Aujourd’hui, le fils de Georges Delille, Reynald, solidement épaulé par Patrick Aparicio, est garant de ce style dont la tenue dans le temps est incontestable. En témoigne un 1989, au relief de saveurs maritimes et à l’étoffe d’une salinité argileuse. Un monument de la Provence viticole. Il y a aussi, le rosé où le mourvèdre domine légèrement les assemblages, et le blanc (clairette, ugni et bourboulenc), dans des volumes moindres. Tous deux sont en retrait dans la jeunesse. À cinq ans de bouteille, ils respirent. Après dix ans, leurs épaules s’élargissent, le fruité juvénile contenu laisse place aux parfums méditerranéens de leur terroir et révèlent une ampleur que peu de vins de la région peuvent égaler. À l’image de ses vins, la réputation du domaine de Terrebrune s’est construite avec discrétion et tranquillité. Ce domaine couronné de trois étoiles l’année dernière, ouvre une nouvelle page avec l’arrivée dans le capital de l’homme d’affaires Jean d’Arthuys qui compte faire rayonner Terrebrune bien plus encore.
Les vins : après un millésime 2018 sauvé des eaux, 2019 renoue avec des bandols de grand équilibre. Ce millésime sec a conservé une superbe fraîcheur pour élancer la concentration solaire. Les nuances anisées commencent à se révéler. Mené avec une précision incontestable, son caractère méditerranéen se révèlera dans les vingt ans. Pas de précipitation pour ouvrir blanc et rosé, d’une finesse remarquable : n’hésitez pas à patienter cinq à six ans. 2017 a donné naissance à un rouge somptueux. Un autre millésime sec qui offre un fruit étonnamment charmeur et accessible à ce stade. La profondeur saline et florale est au rendez-vous, amenant un grain de tanin frais et fin typique de ce merveilleux terroir.
Reynald Delille mène avec sensibilité ce terroir très spécifique d’Ollioules qui exprime des bandols tout en délicatesse, vieillissant merveilleusement bien, aussi bien en rouge qu’en rosé. Ce domaine discret de 30 hectares, niché dans un coin bucolique de l’appellation, mérite toute notre attention. Les vins sont à l’image de leurs propriétaires, attachants et timides. Carafez-les, rouges comme rosés, c’est là qu’ils livreront tout leur potentiel.
Réputé pour son savoir-faire hautement qualitatif et par ses méthodes respectueuses de l’environnement, le domaine provençal de Terrebrune signe un grand vin issu d’une culture biologique. Pour cela, la vie organique des sols est préservée, notamment grâce à un enherbement naturel. Les rendements sont sévèrement contrôlés et avoisinent les 35 hl par hectares. Les vendanges s’effectuent à la main et un tri est appliqué dès la vigne. En cave, les vins sont élevés en foudre de chêne (25 à 60 hectolitres) pendant un an et demi afin de leur conférer un immense potentiel de garde estimé à 30 ans.
La dégustation nous présente un vin complexe et puissant. Après une garde bien méritée en cave (huit ans au minimum et jusqu’à 30 ans ou plus), le breuvage qui mérite une bonne aération avant son service dévoile un bouquet complexe marqué par des notes d’épices douces (clou de girofle, cannelle), de fruits compotés et cuits, de fruits séchés comme le pruneau et de liqueur de cassis. La bouche est structurée par des tanins généreux et vivifiée par une minéralité saisissante conférée par le terroir étonnant d’argile et de calcaire du Trias dont il provient.
Comme vous pouvez l’imaginer, ce vin requiert un accord gastronomique avec une viande de caractère ou une cuisine relevée.
Créé dans les années 1960 par Georges Delille, ce domaine de Bandol, situé à Ollioules, commune qui en constitue la pointe Est et isolée, est exceptionnel à bien des égards. Il repose d’abord sur un sol de marnes, d’argiles et de calcaires datant du Trias, unique en son genre dans la région. Il confère à la terre une teinte rouge qui flamboie au soleil et qui a donné son nom au domaine. Pourtant, les styles des vins du domaine sont résolument différents de ceux que l’on peut croiser dans la région, qui jouent sur la puissance démonstrative du mourvèdre et du soleil provençal pour constituer des vins parfois baroques et opulents.
Ici, le domaine privilégie des vins tout en retenue d’expression et en élégance. Ce sont des vins de garde absolument monumentaux ! Les rouges y sont d’une précision diabolique et marqués en bouche par une texture fine mais veloutée, une retenue, des contours salins et une finale sur la roche d’une grande élégance. Les vins brillent au bout d’une dizaine d’années en cave et peuvent tenir plusieurs décennies sans sourciller.
Le rosé est lui aussi un véritable monument ! Peut-être l’un des plus beaux rosés de France et capable de se bonifier sur plus d’une dizaine d’années. Composé de mourvèdre, de grenache et de cinsault, il s’exprime sur des notes de fruits frais, herbacées et pierreuses. En bouche, il est d’une classe remarquable et d’une tenue exemplaire qui pourraient le faire confondre ou bien avec un vin blanc ou bien avec un vin rouge à l’aveugle. Mais, encore renfermé en jeunesse, au bout d’une dizaine d’années il se métamorphose authentiquement en un grand vin ! Si vous avez la chance d’en goûter un vieilli d’une dizaine d’années, le résultat est magnifique : le vin déploie une aromatique épicée, chocolatée et fruitée phénoménale. La persistance en bouche est digne des plus grands. Nous avons un souvenir ému de quelques millésimes, notamment le splendide 2008. Un très très grand vin.
Le vin blanc du domaine de Terrebrune est un subtil assemblage de cépages régionaux comme la clairette, l’ugni blanc, le bourboulenc, le rolle et la marsanne. Cultivés selon des principes respectueux de l’environnement, biologiques (certifié) et biodynamique (non certifié), ce vin blanc gagne à être savouré après quelques années de garde. Selon le domaine, il possède en effet un grand potentiel de saveur qui s’étend sur une dizaine, voire une quinzaine, d’années.
Servi à une température oscillant entre 10 et 12°C, le vin dévoile des notes subtiles de fruits exotiques et de fleurs blanches. Nous décelons aussi des touches de beurre frais et d’agrume. En bouche, le terroir calcaire revient au galop avec une belle salinité, des amers nobles, une grande fraîcheur et, évidemment, une trame minérale séduisante, le tout sur des contours d’une rondeur exquise.
Les amateurs l’apprécieront aussi bien en guise d’apéritif qu’à table avec des viandes blanches ou du fromage de chèvre.