Un réveil et un grain rayonnants: redécouvrons l’Aligoté !

Une réputation à construire

Rustique, incisif, nerveux… L’aligoté est depuis longtemps associé à des adjectifs réprobateurs. Eclipées par la notoriété éclatante du chardonnay et du pinot noir, les qualités de l’aligoté semblent aujourd’hui encore méjugées. Pourtant, il y a tant à découvrir de ce cépage encore pour beaucoup injustement réservé au kir.

Du XVIIe au XIXe siècle, l’aligoté partageait fièrement la Bourgogne avec d’autres variétés de cépages blancs. Mais suite à la crise du phylloxéra, les vignes sont replantées presque exclusivement en chardonnay pour les blancs. Par exemple, en 1891, Louis Latour replante tout son vignoble de Corton Charlemagne[1] en chardonnay, alors que ces parcelles étaient auparavant le royaume de l’aligoté et du pinot blanc. Relégué avec mépris au bas des coteaux où la terre, plus riche, ne lui profite pas, l’aligoté y produit des vins plus ordinaires ayant contribué à nourrir sa pâle réputation. Avec le temps, vous comprenez donc que ce cépage a donc été délaissé dans toute la Bourgogne, ne produisant pas des vins aussi qualitatifs que le chardonnay.

Il a fallu un travail d’arrache-pied de la part des vignerons pour faire (re)découvrir le modeste aligoté que nous souhaitons mettre à l’honneur aujourd’hui. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Oui ! L’aligoté semble dessiner le futur de la Côte d’Or, entre patrimoine à préserver et potentiel d’avenir en période de dérèglement climatique. Son acidité naturellement élevée lui permet non seulement de conserver la fraîcheur malgré des millésimes chauds à venir, mais aussi d’assurer le vieillissement du vin.

Introduction ampélographique

Issu d’un croisement entre le pinot noir et le gouai blanc disparu, l’aligoté est un frère du chardonnay. Si nous les comparons tous les deux, les grains de l’aligoté sont plus compacts, plus gros et plus nombreux que ceux du chardonnay. Ses arômes sont plus vifs et plus verts (fenouil, cédrat, tilleul, pomme verte).

En maîtrisant ses rendements, l’aligoté peut espérer une réputation à la hauteur de son grand potentiel. Avec une taille courte Guyot, un sol pauvre et des vendanges tardives, l’aligoté donne naissance à de merveilleuses cuvées. Ainsi, ce cépage longtemps dans l’ombre du chardonnay peut s’enorgueillir de toute la passion et des efforts que ces hommes et ces femmes au service de la vigne mettent en œuvre pour le faire connaître et mieux l’apprivoiser.

Patience & travail : la mobilisation pour un cépage menacé

Les AOP elles-mêmes honorent la qualité intrinsèque de cette variété, puisqu’il existe déjà deux appellations en Bourgogne en monocépage d’aligoté. D’une part le Bourgogne Aligoté créé en 1937, d’autre part, l’appellation Bouzeron, qui voit le jour en 1997 grâce à l’impulsion d’Aubert de Villaine et de Pamela son épouse, à l’époque co-gérant du domaine de la Romanée Conti (aujourd’hui secondé par Pierre de Benoist). Cette initiative a commencé dès les années 70 avec trois vignerons : Chanzy, Chemoron et Cognin qui ont alors constitué un dossier pour défendre l’aligoté de Bouzeron. L’appellation Bouzeron élève l’aligoté au rang d’appellation village, pour les vignes plantées entre 270 et 350 mètres d’altitude sur une soixantaine d’hectares. Cette prestigieuse récompense de sa qualité redore alors le blason du cépage menacé. Notons également que ce cépage entre dans l’assemblage des crémants de Bourgogne et des coteaux-bourguignons.

Aubert de Villaine © M.-E. Brouet

Malgré tout, il faut rappeler que la plantation d’aligoté a été encadrée en 2009 : la proportion tolérée de plants d’aligoté est limitée à 15 % au sein d’une parcelle par le Syndicat Professionnel des Vignerons. Lorsque les vins sont produits à partir de parcelles complantées avec ce cépage, les vins sont alors vinifiés par assemblage.

Cet amour pour ce cépage quelque peu méprisé a donné lieu à la naissance de l’Association des Aligoteurs créée en Bourgogne par le chef cuisinier Philippe Delacourcelle en 2018. Celui-ci officie au restaurant Boisrouge à Flagey-Echézeaux. Il déclare : « Notre idée est de promouvoir des aligotés de grandes qualités, produits par des vignerons talentueux. À Paris, dans mon ancien restaurant, ce vin a souvent été mis en valeur avec beaucoup de succès et les dégustations à l’aveugle confirmaient la qualité « oubliée » de ce cépage. » Les vignerons soumettent ainsi leurs vins à dix jurés en dégustation à l’aveugle pour pouvoir entrer dans l’association. Alors qu’ils étaient une quarantaine d’aligoteurs en 2018, ils sont une soixantaine aujourd’hui, et vous en connaissez certains : Sylvain Pataille, Agnès Paquet, Laurent Fournier, Pablo Chevrot, Jérôme Galeyrand, Manuel Olivier et Nicolas Faure. Monsieur Delacourcelle tient à cette idée de « modernité » car l’aligoté supporte beaucoup de techniques de vinification très en vogue, telles que la macération pelliculaire ou la vinification sous voile. Il se marie également à merveille avec les saveurs asiatiques, comme le gingembre par exemple.

Selon Philippe Delacourcelle, la Bourgogne de demain sera peut-être terre d’assemblage… Qui sait ?

 

Une victoire brillante : reconnaissance d’un morey-saint-denis premier cru en aligoté

Saviez-vous qu’une cuvée du domaine Ponsot en appellation Morey-Saint-Denis, est en fait un monocépage d’aligoté ? Il s’agit du Clos des Monts-Luisants. Ce clos couvre 11,32 hectares, dont 5,39 en premier cru. La parcelle d’aligoté qui subsiste se situe sur la partie supérieure du premier cru, couvrant 1 hectare depuis la fin du XIXe.

Après de longues démarches du domaine Ponsot, l’INAO a accepté en 2011 de conserver le classement de cette parcelle en premier cru plantée en aligoté. Avant la crise du phylloxéra, comme nous l’évoquions, l’aligoté avait une place de choix sur ce versant de la Côte. Si, dans toute la Bourgogne, c’est le chardonnay qui fut replanté en dépit des qualités de l’aligoté, William Ponsot s’est obstiné à conserver ces ceps centenaires, choix salué par l’INAO. La reconnaissance de ce morey-saint-denis est un bel accomplissement pour le domaine mais aussi la preuve de l’anoblissement de l’aligoté.

L’aligoté à travers le monde

Il est exagéré de faire de l’aligoté un cépage pratiquement oublié. En effet, il est reconnu à travers le monde pour sa fraîcheur, son adaptabilité et ses rendements. Il est le 10e cépage le plus planté au monde, pour une surface d’environ 20 000 hectares, c’est-à-dire 10 fois plus que sa surface française.

Ainsi, on le retrouve dans le Pays de Vaud et dans le Valais en Suisse, en Roumanie ou en Ukraine, mais également dans le nord du continent américain dans les États de Washington et de New York puisqu’il apprécie la fraîcheur.

De belles dégustations en perspective

Nous vous invitons à laisser l’aligoté vous livrer ces notes fraîches et ciselées à travers des cuvées phares qui n’ont pas à rougir face aux autres bourgognes, bien au contraire. Le bouzeron de De Villaine est une porte d’entrée prestigieuse pour découvrir ce cépage, mais il en existe d’autres, comme les bourgogne aligoté de Pierre Boisson ou de Clotilde Davenne. Laissez-vous porter par l’exigence fine que ces vignerons ont mis dans leur savoir-faire au service de ce cépage. Celui-ci, assurément, à de belles heures à venir.

Santé !


[1] À préciser que l’AOP n’existait pas encore à cette époque.

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