Voyage en Languedoc, jour 3 : Clos de la Barthassade et Domaine des Aurelles

Domaine des AurellesExit la fatigue, quand on aime, on ne compte pas ! Après les jour 1 et jour 2, place au troisième !

1/ Le Clos de la Barthassade

Un domaine dont nous vous proposons déjà deux cuvées à la vente :  H et Les Ouvrées. Des vins qui nous ont séduits par leur gourmandise et leur précision, avec un touché de bouche qui signe bien la formation de ces deux vignerons et présentant l’avantage d’être proposés à des prix très doux. Mais il fallait aller plus loin, et vous connaissez notre sens désintéressé du sacrifice ! Nous avons donc été accueillis dans la matinée par Guillaume Baron, installé depuis 2013 dans la région, séduit par les grands terroirs des Terrasses du Larzac.

Fort d’expériences bourguignonnes au domaine de la Pousse d’Or, au domaine Derain et chez son ami Sylvain Pataille, que nos aficionados connaissent bien, saupoudrées d’un petit passage chez Trévallon pour apprendre à travailler les blancs du sud, ils ont choisi de s’établir en Terrasses du Larzac. Tout sauf un choix par défaut, le terroir étant connu pour sa qualité sous-estimée mais réelle. Installés à Aniane mais travaillant leurs vignes sur les communes de Joncquières, Montpeyroux et Saint-Saturnin, Guillaume et son épouse Hélène prennent grand soin des baies, notamment en travaillant par gravité et en évitant les cagettes pour le transport des raisins. Ils préfèrent les palox, plus petits que les cagettes, qui sont transportés au chai en pick-up.

Les vignes sont amoureusement cultivées en bio depuis leur arrivée. Guillaume et Hélène ont trouvé un terrain bien vivant, ayant échappé aux épandages qui martyrisaient historiquement les terroirs de la région. D’ailleurs, si le domaine est récent, il jouit d’un beau patrimoine viticole puisque les vignes sont déjà âgées de 37 à 55 ans. Une « expérience » qui fait de ces pieds de solides plantes, puisqu’ils ont tout affronté depuis l’arrivée du couple de vignerons au domaine : le coup de chaud de juin 2019, le mildiou terrible de 2018, les inondations propres à la région et à ses épisodes cévenols, les millésimes très précoces de 2017 et 2020 et bien sûr, le gel de 2021. Et elles ont toujours bien réagi et réussi à produire de jolis vins.

Une bonne partie de la cueillette est réalisée en vendanges entières (de 20 à 70% selon les années), ce qui évite de trop soufrer dès le début de la vinification, les raisins récoltés de la sorte ne cassant pas. Un soufre que les Baron cherchent d’ailleurs à éviter le plus possible, en n’en remettant pas à la mise en bouteille, par exemple. Sans levures exogènes, plus stables, le défi est important, mais grâce à un « bichonnage » de la vigne tout au long de l’année, le défi est relevé !

L’objectif est par ailleurs d’avoir des vins au taux de souffre très faible, ce qui est le cas : à l’arrivée, des taux entre 22 et 25mg/L dans le flacon. Nos deux vignerons travaillent entre autres sur le PH des baies pour cela. L’idée est d’avoir des PH relativement bas afin de trouver l’équilibre permettant de ne pas ajouter de SO2, à la mode jurassienne, ce qui n’est pas simple dans la région.

Et qu’en est-il du millésime 21 pour le domaine ? « 2021 sera un grand millésime », répond du tac au tac Guillaume Baron. Ironiquement, c’est un peu grâce au gel qui a réduit la charge sur les pieds et permis de concentrer les arômes. Pour les 20 ans du 2001, on devrait avoir un millésime de même style, donc, frais et à belle acidité. En dégustant un grenache 2021 tout beau tout neuf sorti d’un fût qu’il avait rejoint il y a moins d’un mois, on peut y penser. Et en attaquant son alter ego la syrah, « ça goûte déjà », on commence sérieusement à y croire. Une syrah très précise et déjà complexe.

Pour la suite, nous n’avons dégusté les vins que sur fûts, et bien souvent des vins destinés à être assemblés.

Pour commencer les 2020, nous avons dégusté un vin issu de vieilles vignes de cinsault taillées en gobelet, dont une partie est destinée à la cuvée Pur C (vous comprendrez aisément le nom) et l’autre aux Ouvrées. Le vin est frais, épicé, avec une belle matière. Pas encore tout à fait prêt, mais le chemin emprunté semble le bon.

Nous avons ensuite dégusté un grenache 2020 issu de combes calcaires, sur la parcelle des Combariolles, à Joncquières. Il s’agit d’une parcelle très cotée, mais plutôt typée syrah. C’est après plusieurs essais que les vignerons ont trouvé la solution pour en tirer le meilleur y compris sur le grenache : récolter en légère sous-maturité. Cela donne une fraîcheur plaisante et une finesse toute bourguignonne, et surtout permet d’éviter d’écraser le vin sous l’alcool. A l’arrivée, le vin est parfait pour être assemblé et l’équilibre est trouvé avec la syrah de la même parcelle, qui elle, se plaît sans faire de manières sur ce terroir !

En grenache toujours, un autre 2020 nous a frappé par sa dangereuse buvabilité sur de beaux arômes de fruits noirs, (« Barthassade »). En syrah, nous avons également goûté une barrique destinée à la cuvée H 2020, fraiche et fruitée, légèrement épicée, avec beaucoup de « peps », ou une autre barrique plus typée Rhône nord, avec une matière que les amateurs rhodaniens auraient appréciée.

Le mourvèdre destiné aux Ouvrées était également séduisant. Une cuvée dont nous avons goûté tous les vins et que nous ne saurions que vous conseiller. Le 2019 des Ouvrées, est selon Guillaume Baron un grand millésime, le gros coup de chaud du 29 juin ayant cassé le volume mais pas la qualité, le reste de l’été se révélant plus raisonnable. Et ça tombe bien, on en a déjà sur iDealwine ? !

Un bel assortiment de cépages et de terroirs donc, qui offre, couplé à des mix d’élevages (cuves ovoïdes béton, barriques plus ou moins vieilles, foudre, cuves), de belles possibilités d’assemblage.

En blanc, les vins sont fermentés en barrique (malolactique incluse), puis passent 6 mois en cuve sur des lies fines pour retendre les vins à la suite du passage en bois. Nous avons goûté deux cuves qui nous ont extrêmement séduits :

  • Une cuve contenant un pré-assemblage (une « mise en masse », dans le jargon) de roussanne et de carignan blanc, marquant par son côté beurré très bourguignon, associé à de jolis arômes de fruits et de fleurs blanches. 30% de cette cuve a d’ailleurs vu du fût neuf, ce qui n’est pas caché mais bien revendiqué par le domaine, pour structurer les vins. Savoir bourguignon oblige ! Les vins sont ensuite « ré-adoucis » en cuve.
  • Une deuxième cuve contenant, elle, un assemblage de chenin et de chardonnay, beaucoup plus tendue et minérale, calcaire, très réussie. A l’opposé donc de la première, mais qui nous a aussi extrêmement plu !

Ces deux très jolis vins sont assemblés pour former la cuvée les Cargadous que nous n’avons pas dégustée mais qu’il nous tarde de découvrir, vu la qualité de ses deux « parents » !

Vous l’aurez compris, il s’agit d’un domaine à suivre ! Surtout que d’ici quelques années, on devrait y retrouver des aligotés issus d’une sélection massale de chez Pataille. A bon entendeur…

Mais l’heure court et il nous faut quitter les Terrasses du Larzac pour finir notre voyage à Pézenas au domaine des Aurelles, la seule petite entorse que nous ferons au territoire précis que nous sillonnions depuis deux jours.

Domaine des Aurelles

Le domaine se situe sur les hauteurs de Pézenas, dans un paysage un peu plus dégagé que les terroirs précédents plus encaissés, dans la plaine de l’Hérault. Sous un ciel gris, Basile Saint-Germain nous attendait comme on attend la pluie, qui vient souvent à manquer à cet endroit précis. Il est vrai qu’entre les reliefs et la proximité de la mer, la zone est propice à la formation de micro-climats et il peut pleuvoir dru à 10km d’une zone de sécheresse…

Mais alors, pourquoi choisir Pézenas ? Comment Basile Saint-Germain a-t-il eu l’idée de créer un domaine pour produire des grands vins à cet endroit ? Pourquoi pas à Bordeaux, puisqu’il a travaillé au prestigieux Château Latour ? Pourquoi pas dans le cognaçais où, pour suivre son épouse Caroline, il a officié sept ans durant ? La décision, prise au tout début des années 1990, pouvait à l’époque paraître un peu insensée, puisque tout était à faire, tant sur le fond (les vignes et le vin) que sur la forme (la réputation de la région était à déconstruire et rebâtir).

Basile Saint-Germain appelait cette région « la belle endormie ». Et quel beau projet que d’en être le prince charmant qui l’éveillerait ! Armé de cartes géologiques précises, il a sélectionné ses parcelles très finement, choisissant des dépôts alluvionnaires anciens, comme à Latour. A ces dépôts s’ajoutent des croupes graveleuses profondes, en opposition aux marnes blanches présentes dans une bonne partie de la région. Il a également acquis un peu de terres basaltiques. Des terres qu’il a dû protéger de carrières qui préféraient extraire le terroir que d’en tirer du vin… Un combat mené jadis avec le soutien de Michel Chapoutier, tient-il à préciser.

Fait notable par rapport à tous les autres domaines que nous avons visités, le domaine des Aurelles n’a pas de cuvée parcellaire, allant au rebours de la mode dominante. Mais l’idée est pleinement assumée, Basile Saint-Germain prenant son domaine et son terroir comme un tout qu’il faudrait restituer comme un tout dans le verre. Et de préférence, ce verre doit être rempli à table, selon le souhait de l’auteur de ces vins pas comme les autres !

Le domaine est désormais mené en biodynamie non certifiée mais très poussée, sous les conseils de Margarethe Chapelle, adepte de la méthode dite de cristallisation sensible. Le rapport aux énergies a en effet une grande importance pour le vigneron, qui parle réellement de ses vignes comme on parlerait d’êtres humains, doués d’intelligence, de mémoire et de langage.

Pour prendre un exemple concret, cette gestion biodynamique totale permet de renforcer la vigne contre le gel ou les coups de chaud. Ainsi, 2019 sera un grand millésime quand on aurait pu le croire perdu vu la chaleur terrible rencontrée fin juin sur ce secteur. Lors de notre rencontre, Basile Saint-Germain ne tarissait pas d’éloges sur celle qui conseille le domaine depuis quelques années… et de critiques sur les œnologues conventionnels qui ne savent pas écouter le vin ni les vignes. On ne résiste pas à partager le jeu de mots avec vous : « les neuneulogues » (n’y voyez aucune attaque de la part d’iDealwine, mais quand c’est drôle, c’est drôle !) ! Ce n’est pas pour autant que le domaine en oublie le pragmatisme. D’ailleurs, une première tentative biodynamique avait été effectuée en 1995, sans grand succès. Il aura fallu cette rencontre pour y revenir, et ne plus la quitter.

La démarche est d’ailleurs plus globale que pour la seule conduite de la vigne : le bâtiment du domaine est en effet bâti exclusivement avec des matériaux garantis sans polluants.  Cela donne d’ailleurs au béton du sol du chai une allure de marbre. Si certains cherchent des idées de rénovations… Mais venons-en aux vins !

Pour une fois, nous n’avons pas dégusté sur fût mais des cuvées en bouteille ! Certes, ces vins peuvent se garder des années, c’est d’ailleurs un des grands objectifs de Basile Saint-Germain que de produire des vins qui durent dans le temps. Un rapport au temps long qui se veut proche de celui de la nature, du moins pour le temps biologique. Rassurez-vous, on ne parle pas du temps géologique, vous boirez les flacons de votre vivant ! Nous avons d’ailleurs goûté des vins entre 2014 et 2016, et avons été assez émerveillés. Enfin, on salue l’effort de proposer, justement, des vins prêts à être bus à la vente. Le domaine garde en effet ses vins en cuve au moins 4 ans, pour proposer des choses prêtes à boire et éviter les infanticides. Autre geste qui compte : pour éviter les bouchonsdeliègicide, le domaine utilise des bouchons Diam. En clair, quand vous achetez une bouteille, vous pouvez dormir tranquille !

Nous avons dégusté 3 vins, qui nous ont tous plu : Solen 2015, Aurel rouge 2014 et Aurel blanc 2016.

Solen 2015 (rouge) : un vin à majorité de carignan (60%), complété par du grenache. Basile Saint-Germain, énigmatique, nous a décrit le carignan comme un « cépage humaniste ». Rassurez-vous, nous ne comptons pas vous abandonner sans explication ! L’idée est qu’à table, ce cépage se met toujours à la hauteur du plat. Il s’adaptera parfaitement à la simplicité d’une recette ou au contraire à sa complexité ou à sa force. Jamais au-dessus, jamais en-dessous, c’est un camarade rêvé, que Basile Saint-Germain oppose à l’egocentrique syrah, qui crie sans cesse « moi je, moi je » à table.
Ce vin, que nous vous conseillons d’ouvrir plusieurs heures à l’avance, évoque le grain d’un grand bourgogne, même pour ce millésime sudiste pourtant solaire ! Une finesse franchement déroutante, sur des fruits rouges légèrement épicés, avec une structure robuste qui lui permettra de tenir des années et des années, sans pour autant se refuser à la jeunesse. Un vin de haut niveau.

Aurel 2014 (rouge) : un assemblage de 85% de mourvèdre et de 15% de grenache. Si on veut le comparer à Solen, on dira que c’est un vin de qualité exceptionnelle également, mais un peu plus ample. La finesse du grain ciselé de Solen fait place à un soyeux plus rond mais néanmoins tout aussi précis (ndlr : Une texture « de fou, soyeuse à souhait », d’après le carnet de dégustation). De la fraîcheur et de la légèreté viennent pourtant équilibrer cette petite merveille florale, fruitée et minérale. Là encore, le vin est à boire dès maintenant ou à garder quelques années, au choix !

Aurel 2016 (blanc) : sans doute le plus gros coup de cœur de tout notre périple languedocien. La bouteille était pourtant ouverte depuis une semaine sans que cela ne l’altère. Pas de doute, la cristallisation sensible, ça conserve ! Ce vin est issu à 100% de roussanne, plantée de façon assez dense. Les pieds sont issus d’une sélection massale de Beaucastel en Châteauneuf-du-Pape. La malolactique n’a pas été bloquée. A l’arrivée, un vin qui atteint tous les équilibres : puissant et délicat, expressif et élégant, rond et précis, ample et ciselé, une finale amère et légèrement sucrée… Pour les arômes, on notera des fruits blancs frais, des agrumes, des zestes d’agrumes, des fleurs blanches. Bref, c’est un vin à découvrir absolument si vous aimez le vin, ce dont nous ne doutons pas. N’hésitez pas, là encore, à ouvrir la bouteille à l’avance.

Enfin, nous voulions vous raconter une anecdote qui nous a laissés sans voix. Vous n’êtes pas sans savoir qu’en biodynamie, on passe parfois les préparations dans des énergiseurs, sortes de récipients dans lesquels on créée des tourbillons (vortex) pour dynamiser les liquides. On touche là parfois aux limites de la rationalité de certains. Eh bien Basile Saint-Germain nous a fait tester ce mécanisme sur de l’eau en bouteille. La différence après le passage par ce que l’on appelle « une vasque vive » était saisissante. Cette espèce de sablier transparent dans lequel on passe le liquide, décoré à sa base de dessins colorés évoquant des rosaces celtes, a vraiment eu un effet impressionnant sur le liquide, qui nous a paru infiniment plus agréable à boire, léger, aérien, vif. Il avait transformé l’eau lourde et terne en eau de torrent légère et cristalline. Troublant, sans mauvais jeu de mots !

Voilà, c’est sur cette merveille de domaine que s’achève notre voyage (on vous épargne le trajet de retour, nous sommes gentils !), on espère que cela vous aura donné envie de découvrir la région et ses vins, qui, on le rappelle de façon totalement désintéressée, sont proposés sur iDealwine au moment où vous lisez ces lignes.

Commentaires

  • Pas encore de commentaires...
  • Ajouter un commentaire