William Wouters : « La France, c’est le berceau de la sommellerie »

J-4 avant l’ouverture officielle du concours de Meilleur Sommelier du Monde, qui va se dérouler à Paris. Dans la dernière ligne droite, le président de l’Association de la Sommellerie Internationale (ASI) William Wouters a répondu à nos questions.

Vous avez récemment dévoilé la liste des 68 candidats en lice pour la compétition, en soulignant que le niveau global est sans doute le plus élevé jamais vu pour un concours de Meilleur Sommelier du Monde. Pouvez-vous détailler pourquoi ?
Ces dernières années, notamment depuis que j’ai pris la présidence de l’ASI, on a lancé des bootcamps, des « camps d’entraînement » pour les sommeliers en Europe puis en Asie-Océanie, et on a pu voir à quel point cela les a aidés dans la préparation des concours qui ont suivi. Nous avons aussi créé des guidelines en ligne qui permettent aux jeunes sommeliers de s’entraîner en groupe, cela crée une émulation dans chaque pays, les sommeliers ne sont plus seulement dans leur coin avec leur équipe personnelle, ils se challengent entre amis, et ne cessent de hausser leur niveau ensemble.

Les lignes de la sommellerie mondiale ont drastiquement bougé ces dernières années. Il n’y a plus de « petits pays » ni de « petits candidats » ?
Exactement, c’est comme dans le foot, les grands joueurs peuvent venir de partout, ils se frottent aux grandes compétitions, apprennent, progressent, cela donne un nivellement par le haut et cela signifie qu’il peut désormais y avoir tout le temps des surprises. Autrefois pour un grand concours comme celui de Meilleur Sommelier du Monde, il y avait toujours 5, 6, peut-être 8 pays qui sortaient du lot. Cette année on en a une bonne vingtaine qui peuvent prétendre atteindre au moins la demi-finale voire plus.

Y a-t-il des outsiders à suivre de près parmi les candidats ? Des « comebacks » à attendre ?
En suivant de près l’évolution de ces dernières années de la sommellerie européenne comme asiatique, je peux juste dire que tout est possible. Pour reprendre le parallèle sportif, dans une compétition olympique on peut s’être super bien entraîné toute la saison mais le Jour J, il faut être présent, avoir un peu de réussite, de la lucidité, être à la hauteur de l’événement et gérer la pression, comme Marc Almert il y a quatre ans.

65 pays vont être représentés pendant cette édition du Meilleur Sommelier du Monde. Il reste encore des territoires à conquérir pour les éditions futures ?
Bien sûr, particulièrement en Afrique, dans les Caraïbes, certains pays d’Amérique, mais aussi dans les émirats, au Moyen-Orient… Il y a plein de grands hôtels, de beaux établissements, beaucoup de sommeliers talentueux, que l’on doit convaincre de rejoindre l’ASI et qui, demain, peuvent continuer de valoriser ce métier dans de nouveaux territoires. C’est aussi pour cela que l’on a créé la Certification ASI, pour attirer les jeunes et promouvoir la profession à travers le monde.

De façon générale, quels sont les enjeux de ce concours, qui revient en France pour la première fois depuis plus de 30 ans, notamment en termes de rayonnement du métier de sommelier ?
La France, c’est un peu le berceau de la sommellerie, c’est le pays de la grande gastronomie, de l’art du service et de la table , c’est un honneur pour le concours de revenir ici. Il ne faut pas oublier que, pour beaucoup de candidats, c’est la première fois qu’ils vont venir en France, cela va être une grande découverte. Ce concours est une plateforme extraordinaire pour faire rayonner la sommellerie mais aussi pour montrer qu’elle peut revêtir beaucoup d’aspects différents, :on peut gérer la cave d’un restaurant trois macarons avec des milliers de référence, mais aussi être sommelier dans un bar à vins, il y a plein d’approches de ce métier. Le bon côté des choses c’est que les sommeliers, en plus de leur service au quotidien, voyagent pas mal, font des formations, du consulting pour des domaines, ils apprennent et aident les autres à apprendre. La pandémie de Covid-19 a beaucoup accéléré cela, cet aspect transmission, parfois en ligne. On n’a jamais eu autant besoin de l’expertise des sommeliers.

À titre personnel, dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques jours du concours ? Impatience, fierté ?
Un peu de tout cela. En tant que Belge, j’étais en première ligne pour l’organisation du dernier concours mondial à Anvers et l’expérience a prouvé qu’il faut s’attendre à tous les imprévus. Mais il n’y a pas de problèmes, que des solutions. On est tous ensemble dans ce projet, l’ASI, l’Union de la Sommellerie Française, on est solidaire et on y va. Tout le monde est sous pression, on veut d’abord bien accueillir les candidats et les mettre dans de bonnes conditions : ils ont travaillé depuis des années pour être là, pour certains c’est l’enjeu d’une vie, d’une carrière. Certains ne viendront qu’une seule fois, d’autres comme notre regretté Gérard Basset vont persévérer à plusieurs reprises avant de décrocher le titre… Il faut prendre tout cela en compte, en considérant la pression qui s’exerce sur les candidats. Il y a bien sûr beaucoup d’attentes autour de la candidate française Pascaline Lepeltier dans la mesure où le concours se déroule à Paris : Pascaline a un parcours incroyable, elle a eu beaucoup de mérite d’aller exercer son métier à New York. Elle est formidable.

Vous avez été élu fin 2020 pour un mandat de trois ans à la tête de l’ASI. Même s’il est trop tôt pour dresser un bilan, de quels aspects de votre présidence êtes-vous pour l’instant le plus fier, et avez-vous l’intention de briguer un second mandat ?
Pour le second mandat, no comment. On va déjà laisser passer les échéances immédiates, essayer d’organiser un concours inoubliable et ensuite on verra. De façon plus personnelle, je peux dire que ma plus grande satisfaction a été de traverser cette période de pandémie qui nous a obligés à décaler plusieurs fois les dates ou les lieux des différents concours (Europe, Asie-Océanie, Amériques…), il fallait vraiment être adaptable et trouver des solutions. On a quand même surmonté tous ces obstacles, je pense que c’est pour ça qu’ils ont mis un Belge à la tête de l’ASI, on a le sens des compromis (rires). Ce n’a pas été tous les jours facile mais on le fait pour la bonne cause, pour la sommellerie, pour les générations qui suivent. Je prends beaucoup de plaisir à collaborer avec de magnifiques personnalités comme Olivier Poussier ou Philippe Faure-Brac, qui sont des exemples et des sources d’inspiration pour les jeunes. Philippe, il mérite une statue pour tout ce qu’il a fait ! On arrive à ce concours de Meilleur Sommelier du Monde avec une grande fierté du devoir accompli, les Français ont mis le paquet pour réussir leur organisation, pour être à la hauteur de ce grand événement. La France, Paris, ça fait rêver, l’attente est énorme, mais je n’ai pas peur, ça va être un superbe moment.

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