La Table des Chefs a adapté le principe des résidences d’artistes à l’univers de la gastronomie. Tous les trois mois se succèdent dans ce restaurant rémois ouvert par le champagne G.H. Mumm un nouveau chef cuisinier qui vient réinterpréter la gamme des vins de la maison. Pour la première fois, c’est un chef étranger qui a pris le relais, le Japonais Hideaki Sato.
G.H. Mumm et le Japon, c’est une longue histoire d’amour qui débute par l’étonnante rencontre entre René Lalou, alors président de la Maison, et l’artiste Léonard Foujita. Pour la petite histoire, Léonard Foujita a connu une conversion fulgurante au catholicisme alors qu’il brûlait un cierge dans la basilique Saint-Remi à Reims. En 1959, il reçoit le baptême à la cathédrale de Reims, avec pour parrain son ami René Lalou, rencontré par le biais de l’Ordre des Coteaux, et pour marraine l’épouse de François Taittinger. En remerciement, il édifie une chapelle dans le parc de la Maison G.H. Mumm. Alors que la bâtisse est construite dans le plus pur style roman, les fresques incarnent la rencontre entre les cultures japonaise et occidentale, mêlant des éléments bibliques, comme les sept péchés capitaux, à des références historiques japonaises telles que le drame d’Hiroshima.
Autant dire que lorsqu’il a été sollicité par la Maison G.H. Mumm pour succéder à Mallory Gabsi, Florian Babarot, Kelly Rangama et Tom Meyer, le chef Hideaki Sato s’est tout de suite retrouvé dans cette culture de métissage initiée par Léonard Foujita. Ne le décrit-on pas comme le plus français des grands chefs japonais, lui qui a commencé par se former pendant dix ans en France avant de revenir au Japon pour s’initier à la cuisine de son pays auprès du grand Seiji Yamamoto, chef du triplement étoilé RyuGin ? En 2015, il ouvre son propre restaurant à Hong Kong, « Ta Vie ». Sans renier ses origines, il puise désormais également son inspiration dans la gastronomie cantonnaise. Il décroche à peine six mois plus tard sa première étoile. Il obtiendra la troisième en 2023. Sa philosophie ? Partir des ingrédients pour mettre en lumière leur essence. Le résultat, c’est une cuisine très simple et très pure, toujours respectueuse des saisons. Il aime se présenter davantage comme un designer que comme un artiste. À un journaliste du Guide Michelin, il a déclaré ainsi concevoir ses plats exactement comme l’on crée des fauteuils, en cherchant à ce qu’ils soient à la fois beaux et confortables. De la même manière, Hideaki Sato entend concilier la forme et l’usage, sa cuisine consistant à allier la qualité de la présentation au plaisir du goût. Difficile en tout cas de résister au menu composé pour la Maison : huître pochée sous sa tendre coquille sauce beurre blanc et caviar osciètre, crabe et artichaut en gratin, pigeon grillé à l’huile de sésame et truffe d’été, tarte à la pistache framboises et orange…
Outre la direction de la Table des chefs pour trois mois, le chef Hideaki Sato a été sollicité par G.H. Mumm pour devenir le grand ambassadeur international de la gamme RSRV. Dans ce cadre, il a collaboré avec Cyrille Tota lors d’un dîner à l’hôtel Pourtalès, où l’enseignant a pu présenter un outil destiné à apprécier la texture du vin. Cet instrument est désormais au cœur de la nouvelle expérience « L’Esprit des Terroirs », proposée aux amateurs qui viennent à Reims visiter la maison. Le concept ? Mettre à la disposition du dégustateur un panel d’étoffes qu’il tentera d’associer aux différentes cuvées RSRV. « Les récepteurs tactiles que nous avons au bout des doigts sont les mêmes que ceux que nous avons au niveau de la bouche. Utiliser le touché de nos doigts peut ainsi nous aider à comprendre ce que nous ressentons en bouche. En caressant le tissu, nous tentons de savoir s’il est doux ou rugueux, en le mettant entre nos doigts s’il est fin ou épais, en l’étirant, nous pouvons juger de son élasticité, de sa souplesse. Enfin, le touché est sensible aux caractéristiques thermiques, à la chaleur dégagée. Toutes ces qualités se retrouvent dans le vin : la souplesse d’un champagne se traduit par sa capacité à se tendre en bouche et en même temps à se fondre, un vin peut aussi avoir plus ou moins de matière, de consistance, procurer une sensation de fraîcheur etc. «
De fait, lorsque l’on déguste le Blanc de blancs de Cramant, la texture du vin est fascinante. On retrouve à la fois la fraîcheur liée au sous-sol crayeux, et ce côté soyeux, crémeux, très doux qui découle en partie de la technique de la demi-mousse. Celle-ci consiste à réduire un peu la pression en diminuant la quantité de sucre destinée à nourrir la seconde fermentation. Quant au Blanc de noirs de Verzenay, sa texture est légèrement plus consistante, plus volumineuse, en raison à la fois du cépage et du sol argilo-calcaire, même si le champagne garde en même temps beaucoup de fraîcheur grâce à l’exposition Nord-Est. Cette sensation de fraîcheur dans le vin est liée à la fois à l’acidité et à la salinité. Elles rendent le vin plus ou moins salivant. Cyrille Tota souligne ici l’importance trop souvent sous-estimée de la salive dans la perception d’un vin : « On a tendance à oublier que lorsque l’on goûte un vin, on ne goûte pas seulement un vin, mais un vin mêlé à sa salive. Or la composition chimique de la salive varie selon les individus et c’est aussi ce qui explique qu’un même vin puisse être perçu différemment par plusieurs personnes. »
Prix 55 € à midi (menu 3 séquences), 75 € le soir (menu 4 séquences), 115 € (6 séquences). Du Jeudi au Samedi, déjeuner et dîner. Le Lundi uniquement le dîner. Réservation en ligne : https://www.mumm.com/fr-fr/la-table-des-chefs-mumm/
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