Pour Fabrice Doucet, directeur et œnologue-conseil du SICAVAC (Service Interprofessionnel de Conseil Agronomique, de Vinification et d’Analyses du Centre), de mémoire d’homme, le millésime 2024 n’a pas de précédent. Entre la pluie, qui n’a pas laissé de répit aux viticulteurs pendant le printemps et le début de l’été, le gel et la grêle, les vignobles du Centre-Loire n’ont pas été épargnés. Pourtant, l’espoir d’un joli millésime persiste grâce à l’ensoleillement du mois d’août, et un écart de température entre le matin et la journée qui favorise la maturation des raisins.
Les vendanges auront lieu la dernière semaine de septembre, voire début octobre. Les appellations comme Quincy ou Reuilly pourront démarrer plus tôt. À Reuilly, où le pinot gris est plus précoce, les vendanges démarreront autour du 16 septembre. Sur les autres appellations du Centre-Loire, il faudra sans doute attendre le 23-25 septembre.
Depuis 2014, nous n’avions pas vendangé aussi tard. Pour ce millésime, le principal problème que les vignerons ont rencontré a été la pluviométrie, tant en termes de quantité d’eau que de fréquence. Pendant la période végétative, il a plu en moyenne tous les deux jours. C’est donc un millésime moins lumineux avec pour conséquence d’allonger la séquence végétative : très précoce en démarrage de végétation (fin mars pour les pinots noirs, et pour les sauvignons fin mars-début avril) ; il figure parmi les millésimes qui démarrent le plus tôt depuis une soixantaine d’années, alors que finalement, on vendange sur des dates classiques, vers la fin septembre.
Les températures très douces pendant l’hiver et fin mars ont favorisé cette précocité tout en rendant le vignoble très vulnérable au gel tardif. L’appellation Châteaumeillant a été fortement impactée par le gel du 21 et du 22 avril, 80 à 90?% des bourgeons ont été touchés, les coteaux du Giennois aussi, mais dans une moindre mesure.
Le début de campagne a été globalement été très humide, pratiquement jusqu’à la véraison (début août) et à chaque étape clé sur développement de la vigne : débourrement, nouaison. En conséquence, la pression du mildiou s’avère incomparable. J’ai contacté l’ancien directeur du SICAVAC, mais personne n’a le souvenir d’une pression de mildiou aussi importante. Seul le millésime 1977 s’en rapproche, mais il y avait de forts orages, limités dans le temps, ce qui laissait des périodes de répit pendant lesquelles on pouvait traiter. Cette année, c’est la fréquence des épisodes de pluie qui est perturbante.
À trois semaines des vendanges, il est difficile de prédire des rendements. Ce que l’on peut d’ores et déjà affirmer, c’est que le mildiou impacte le volume des récoltes avec des différences entre la viticulture bio et la viticulture conventionnelle. Certains domaines en bio pourraient enregistrer des pertes de 30 à 40?% de leur récolte. Les exploitations en viticulture conventionnelle, majoritaires, s’en sortent généralement bien, même s’il y a des écarts importants d’un domaine à l’autre.
Il faut prendre en compte deux aspects dans l’impact du mildiou. D’une part la réduction des rendements, et d’autre part l’accroissement du nombre de traitements qu’il occasionne. Avec cette pression, on traite davantage et on récolte moins. En fin de compte, ce sont davantage des produits, de gasoil, de personnels mobilisés pour les traitements, parfois le week-end quand la pluie ne donne de répit que pendant cette période.
On peut mentionner un épisode de grêle en juillet sur l’appellation Sancerre. Cet épisode était localisé sur une zone qui avait reçu moins d’eau que les autres, ce qui fait que les vignerons, jusque-là, s’en étaient mieux tiré au niveau de la protection phytosanitaire.
Nous allons revenir sur des vins plus classiques. Alors que les précédents millésimes étaient davantage sur la sucrosité, donnant des vins denses, sur des arômes mûrs, cette année les équilibres acides seront plus cohérents avec ce qu’on a l’habitude d’avoir sur cette zone, ce qui exacerbe le côté frais et fruité. Nous avons bon espoir d’avoir un millésime plutôt joli…
Elle remet en perspective ce que nous n’avions pas bien intégré dans le dérèglement climatique. Nous étions plus axés sur le manque d’eau, la sécheresse, voire l’échaudage. Nous n’avions pas envisagé des pluviométries excessives sur des périodes végétatives.
Que la météo dont nous bénéficions depuis 15 jours persiste : de la lumière et une grande amplitude thermique pour la maturation des arômes et des polyphénols, même si cela fait qu’on prolonge la période de maturation. Vendanger plus tard serait vraiment un moindre mal. Il nous reste encore trois semaines pour arriver sur un bon millésime. Ces derniers jours nous donnent un peu d’espoir.
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