Bourgogne, des vendanges autant attendues que redoutées

Si la récolte des raisins méridionaux (Mâcon !) ou destinés aux crémants de Bourgogne a débuté au début du mois, la plupart des domaines bourguignons commencent à vendanger ces jours-ci. Le point d’orgue de l’année se présente avec un enthousiasme mesuré.

Le millésime 2024 n’aura pas épargné les bourguignons. Gel printanier, inondations, grêle et surtout une pluviométrie record entraînant une pression mildiou constante et difficilement maîtrisable. Dame nature – surtout la pluie – n’a laissé que très peu de répit aux vignerons, transformant les traitements en véritables défis. 

Le nez sur leurs calendriers, ils ont pu constater seulement deux séries de cinq jours consécutifs sans pluie en un an, du jamais vu ! La fleur a pris le temps, s’étalant sur deux semaines du sud au nord de la Bourgogne, toujours à cause d’un climat capricieux. Engendrant également des pertes (coulures) et une complication de plus, des maturités hétérogènes parfois au sein même des parcelles. 

2024, annus horribilis

C’est ainsi qu’entre la menace accrue et exponentielle de pourriture, et des degrés minimum qui tardent à être atteints – les quelques jours très chauds du mois d’août ayant ralenti la maturité –, les dates des vendanges ont été particulièrement difficiles à fixer cette année. À leur approche, les pertes sont quotidiennes, témoigne Louis Brière du domaine Leflaive (Puligny-Montrachet). Les blancs sont plus impactés que les rouges qui ont perdu moins d’acidité. À son instar, de nombreux vignerons témoignent avoir hâte qu’octobre arrive pour laiser derrière eux cet annus horribilis. Parmi eux, Francine Picard (domaines Picard) espère des raisins de qualité à défaut de quantité, et multiplie les prélèvements dans cet objectif.

Des quantités à la baisse

Après avoir fait le plein en 2022 et 2023, 2024 marque une pause. Les estimations évoquent une chute du rendement de 25?%, même si cette dernière varie selon les secteurs. On se rappelle du cauchemar de la grêle à Chablis le 1?? mai qui a touché 50?% de son vignoble. Le mildiou, calamité de l’année, a pris la suite, touchant fortement de nombreuses zones. Du mâconnais à Chablis en passant par la Côte de Nuits qui fut l’une de ses cibles privilégiées, il n’aura pas épargné grand monde. Citons Dominique Gruhier, vigneron à Épineuil dans l’Yonne. Il décrit « une situation catastrophique avec une récolte globalement faible, avec des situations extrêmes sans un raisin à cueillir ». Des parcelles moins exposées conservent néanmoins une belle charge, confirme Charles Lamboley, directeur de la communication des Vignerons des Terres Secrètes (Nuiton-Beaunoy et Cave de Prissé), qui reste confiant.

Une part d’incertitude et d’espoir demeure toutefois tant que la vendange n’est pas faite. À Pommard, les premiers coups de sécateur confirment la tendance. Sans s’attendre à un gros volume compte tenu des nombreux millerandages, les raisins sont globalement de qualité. Une bonne surprise pour Anne Parent (domaine Parent) qui a vu pour la première fois en 28 ans de vendanges du mildiou sur grappe. Elle a même dû traiter ses vignes pas moins de 14 fois…  

Un enthousiasme mesuré

Au domaine Chapelle de Blagny, Étienne de Brechard affiche une sérénité détonante. Ses raisins sont préservés et il imagine « faire mieux que l’année dernière sur certaines parcelles » !

Enthousiasme mesuré, donc, dans un contexte économique tendu où l’évolution du prix des vins reste incertaine. Les stocks réalisés lors des deux derniers millésimes sont plus que bienvenus.

À défaut de quantité au top, la qualité de la récolte peut tout de même être au rendez-vous en Bourgogne. Avec un tri scrupuleux, les talentueux vinificateurs sauront tirer le meilleur des épreuves successives que la vigne leur aura réservées. 2024, année en 4 (il y aurait une constante d’années en 4 délicates), année bissextile et année à 13 lunes, n’a donc pas fini de nous surprendre !


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