La Provence s’attend à un « joli millésime », mais avec une forte hétérogénéité selon les secteurs. Un soulagement néanmoins, après deux petites récoltes fortement impactées par la sécheresse.
« 2024 est plutôt une bonne récolte en Provence, malgré quelques coups durs localisés comme un gel tardif dans le secteur de la Sainte-Victoire et une partie des Coteaux d’Aix en avril, un orage de grêle en juin sur Vidauban-Les Arcs, un peu de sécheresse l’été, surtout après le 15 août et un peu de pression mildiou en général maîtrisée, détaille Nicolas Garcia, directeur des Côtes-de-Provence. Au global, c’est un joli millésime, qualitatif et organoleptique, avec un bon état sanitaire. “Volumiquement” parlant, 2024 est très hétéroclite et difficile à évaluer pour l’instant. »
Le syndicat attend impatiemment les retours de déclarations de récolte en novembre dans un contexte de marché tendu d’autant que 2024 signe la mise en place pour la première année de la réserve interprofessionnelle pour les trois appellations des Côtes-de-Provence, Coteaux-Varois et Coteaux-d’Aix-en-Provence (demandée au ministère jusqu’à 10 hl/ha pour les Côtes-de-Provence et les Coteaux d’Aix-en-Provence, et jusqu’à 13 hl/ha pour les Coteaux-Varois-en-Provence). Un déblocage collectif ou individuel peut intervenir jusqu’au 31 juillet 2026 pour les rosés 2024 avant d’être déclassés, distillés ou détruits. Ce dispositif devrait permettre de réguler le marché afin de ne pas produire plus que ce qui est commercialisé, mais il ne pénalise pas ceux qui disposent de marchés pour leur production, contrairement à la baisse de rendements.
Outre la régulation du marché, la Provence réfléchit à des mesures à la vigne pour limiter l’impact des aléas météos. « On pourrait revenir à la protection des grappes de l’échaudage avec des filets ou des panneaux photovoltaïques, mais ces mesures impliquent un surcoût ; on travaille plutôt sur des conduites de la vigne à mettre en place comme les ports retombants, des palissages moins hauts… Pendant longtemps, on ne pensait qu’à écouler l’eau de pluie de la parcelle ; aujourd’hui, il faut tout faire pour la conserver par des aménagements tels que des fossés, des rigoles intra-parcellaires… » À l’instar, par exemple, du château Duvivier qui a mis en œuvre de telles mesures depuis plusieurs années.
Au nord du Var et sur la côte, la récolte s’annonce de très belle qualité. Minuty, qui avait démarré les vendanges au domaine de Gassin dès le 14 août, a constaté « un retour à la normale de la pluviométrie (750 ml en moyenne) et des températures clémentes ». Le domaine, qui est en vendanges manuelles pour les 173 ha en propriété, a terminé sa récolte dès le 13 septembre. L’orage du 14-15 août avait même rééquilibré le rapport sucre-acidité. Un bilan que semble corroborer l’Union des œnologues de France qui estime que « les pluies de printemps ont permis à la vigne de mieux supporter les chaleurs estivales, réduisant le stress hydrique par rapport aux années précédentes. Toutefois, la récolte annoncée est moyenne et présente une variabilité importante selon les zones. »
À Bandol, la récolte risque également d’être très hétérogène selon les secteurs, à cause du coup de froid de fin avril, du coup de chaud de fin août, d’un peu de coulure sur tous les cépages et des degrés élevés sur le grenache. Les derniers domaines à vendanger, La Bégude, Pradeaux, Vannières, ont fini de rentrer leurs raisins début octobre. « Il est encore difficile de se faire une idée, reconnait le directeur de l’ODG Olivier Colombano. Certains vignerons sont déçus par les équilibres, d’autres sont très contents. Le travail d’assemblage avec des tanins plus délicats et moins de couleurs va donc être déterminant avec un besoin de bien connaitre ses parcelles. »
Ce qui fait d’ores et déjà consensus, c’est qu’il y a plus de jus au pressoir après 2022 et 2023, deux très petites récoltes. Une réflexion est en cours sur les blancs qui pèsent désormais 6?% de la production « pour baisser la part minimum de la clairette de 50 à 30?%, car elle supporte mal les fortes chaleurs de plus en plus récurrentes par ici. Nous en avons fait la demande à l’Inao. Pour conserver la patte bandolaise florale-minérale, on pourrait être amené à augmenter la part des ugnis blancs et des bourboulencs. »
Tout au bout de la Provence, dans la petite appellation Bellet, le château de Crémat n’avait pas vendangé aussi tardivement depuis longtemps, surtout après 2022 et 2023 particulièrement précoces. Perchée sur les hauteurs de Nice, la grande bâtisse rouge a été en effervescence jusqu’à début octobre, « ce qui n’était pas arrivé depuis 7 ou 8 ans, raconte le maitre de chai Alain Vallès. La chaleur est arrivée tardivement après 850 mm de pluies en mai, l’équivalent des précipitations de 2022 et 2023 cumulées, ce qui a décalé tout le cycle de la vigne. Certes, les vignes avaient besoin d’eau après deux ans de sécheresse qui commençaient à réduire les rendements, et les pluies en cela ont été salutaires. Mais l’année a été exigeante, car il a fallu aider la vigne à faire murir le raisin, notamment avec beaucoup d’effeuillages et d’écimages. »
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