Le champagne Lanson lance un programme baptisé Lanson Private Collection, qui propose aux amoureux et aux collectionneurs de champagne de disposer de leur propre caveau au sein même des caves de la Maison. Ils pourront ainsi y stocker des champagnes achetés en primeur mais aussi de très vieux millésimes mis en vente par la marque qui vient d’inaugurer son œnothèque.
La Maison Lanson possède une oenothèque fabuleuse dont les millésimes les plus anciens remontent à 1904, et les premiers disponibles à la vente à 1921 (4000€). Des cuvées qui ont souvent gardé une fraîcheur exceptionnelle, grâce au blocage systématique des malos mais aussi parce que la plupart ont été conservées en magnum. Pour les acheteurs de tels joyaux, le problème est souvent de pouvoir les stocker en toute sécurité et dans les conditions optimales pour que le vin ne s’altère pas. C’est la raison pour laquelle la maison Lanson propose aux collectionneurs d’acquérir au sein même de ses caves leur propre caveau. D’une capacité de 300 bouteilles, chacun porte l’inscription du nom du propriétaire et est fermé par une petite grille dont le bénéficiaire a la clef.
L’ensemble est installé à 50 mètres de profondeur, dans une galerie de 120 mètres de long située juste en dessous du Clos Lanson. Le principe est le même que celui qui consiste à prendre un coffre-fort dans une banque. Les propriétaires peuvent y accéder six jours sur sept. Des salons privés sont mis à leur disposition s’ils veulent les déguster sur place et une conciergerie permet d’organiser leur séjour (réservation des meilleurs hôtels, des meilleurs restaurants…). Elle s’occupe éventuellement aussi de l’expédition des bouteilles. « Une compagnie sécurisée se charge d’envoyer les bouteilles n’importe où dans le monde dans un délais de quinze jours avec une solution d’emballage spécifique aux vins d’exception. Imaginons que vous fêtez votre anniversaire de mariage au Japon dans deux mois et que vous voulez déboucher à cette occasion six flacons de 1976, l’année célébrée, que vous conserviez dans votre caveau, nous vous les adressons » explique François Van Aal, le président de la Maison.
Cela peut être également une forme de placement. “De manière générale, les collectionneurs sont à peu près sûrs de réaliser des bénéfices, car chaque année les vintages de la Maison prennent de la valeur. Et de toute façon, on ne prend aucun risque, car la maison garantit le rachat de toutes les cuvées au tarif pratiqué par la marque pour ses propres ventes, et cela que ce soit cinq ans ou vingt ans après.”
Pour pouvoir profiter de ce service, il faut acheter pour un minimum de 15.000 euros de champagne. Si les cuvées peuvent être issues de l’œnothèque, la maison offre aussi la possibilité d’acquérir des millésimes en primeurs, à partir de trois ans après la vendange, en sachant qu’ils ne sortent pas avant dix ans. Cet investissement peut s’avérer là encore très intéressant si on est un peu connaisseur et qu’on a su identifier les années les plus prometteuses, en participant aux dégustations de vins clairs. Alors même que la Maison n’a pas encore commencé à communiquer sur ce service, huit des vingt premiers caveaux ont déjà été alloués. La galerie pourra en abriter jusqu’à 220.
Le meilleur moyen de lancer cette nouvelle offre était de proposer une large dégustation de l’œnothèque à tous les plus grands spécialistes internationaux du champagne. Ils étaient tous présents hier soir (Yuri Shima, Essi Avellan, Richard Juhlin, Peter Liem, Marina Olsson, Alberto Lupetti…) pour participer à une verticale d’exception à raison d’un millésime par décade qui les a fait remonter de 2002 à 1921.
Parmi nos coups de cœur, nous retiendrons le 1952, un millésime qui a bénéficié d’un été plutôt ensoleillé, sauf sur la fin de maturation, avec l’arrivée de pluies sur les derniers jours du mois d’août. Ce refroidissement soudain lui a donné une fraîcheur toute particulière. Plus de 70 ans après, on est frappé par sa pureté, son caractère ciselé, ses arômes d’agrumes encore vifs. Seuls une légère touche de pruneau et quelques notes empyreumatiques sont venues l’envelopper. Cette cuvée de légende fut servie à l’occasion de la visite en France de John et Jacky Kennedy en 1961, lors d’un dîner donné par le général de Gaulle au château de Versailles. La Maison Lanson s’est amusée à demander à un chef de reconstituer pour ses hôtes le plat qu’elle accompagnait : « Un Cœur de Filet de Charolais Renaissance, avec son Croutillant de pleurotes ». Elle a poussé le vice jusqu’à utiliser pour la sauce un ratafia lui aussi millésimé 1952 ! Alors même que le champagne était certainement beaucoup plus évolué qu’en 1961, l’accord fonctionnait toujours, mais sans doute pas sur les mêmes registres. La résonance était ici particulière sur les pleurotes, qui restituaient bien l’ambiance de sous-bois d’automne dont s’est nimbé le vin avec le temps.
Quant au 1921, il fait partie des millésimes historiques de la Champagne. Hervé Dantan, le chef de caves, raconte : « il faut imaginer le vignoble à cette période, ravagé par le phylloxéra et la Première Guerre mondiale. 40 % du vignoble avait été détruit. Je pense à Verzenay, un cru historique de Lanson, où il ne restait que 75 hectares alors que le village en comptait 500. Et pourtant on a continué à élaborer du champagne et 1921 a été extraordinaire.” Cette année-là, le gel de printemps et le mildiou détruisent 80 % de la récolte potentielle, pour ne laisser un rendement que de 2000 kilos par hectare. Une faible charge qui permet d’obtenir une belle maturité avec un degré élevé pour l’époque : 10,5. L’assemblage est constitué de 55 % de pinot noir de Verzenay et Bouzy et de 45 % de chardonnay venant d’Avize, Oger et Chouilly. C’est d’ailleurs un point frappant de cette verticale : la constance de la maison qui en cent ans n’a pas dévié de sa recette initiale pour ses vintages, avec toujours une majorité de pinot noir, essentiellement issus de la face Nord de la Montagne, et des chardonnays des grands crus et premiers crus de la Côte des blancs, parfois appuyés par ceux du tournant de la Montagne (Trépail). La dimension oxydative du nez de ce 1921, comme l’a souligné judicieusement la journaliste Carla-Elle Rogosky, évoque un peu celle d’un savagnin du Jura, avec des notes de noix assez marquées. En bouche, une fois encore on est subjugué par la colonne vertébrale d’acidité, tandis que les arômes se déploient sur des notes savoureuses de cerise à l’eau de vie agrémentées d’une pointe de truffe qui se dessine en filigrane. Pour équilibrer cette vivacité, le chef de caves avait pratiqué un dosage à 20 grammes, auquel nous ne sommes plus habitués, mais qui à la dégustation n’a en réalité rien de choquant. On notera que celui-ci a d’ailleurs sans doute participé à la très bonne conservation du vin.
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