Après le plus grand incendie du siècle, qui a ravagé 17 000 hectares dont plus de 1 000 ha de vignes en AOC Corbières, le syndicat et INTERSUD déploient un dispositif inédit d’analyses et de cartographie pour aider les domaines sinistrés à sauver ce qui peut l’être avant les vendanges.
Les flammes sont éteintes, mais la sidération reste brûlante. Dans le nord des Corbières, le plus grand incendie du siècle a ravagé 17 000 hectares de végétation, dont près de 1 000 hectares de vignes en AOC Corbières. Les images sont encore dans toutes les têtes : collines noircies, rangs de ceps réduits en cendres, hangars éventrés… Au cœur de ce désastre, la cave coopérative emblématique Le Cellier des Demoiselles, à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, a payé un lourd tribut, tout comme le château de Cascadais, dans le même village. Pour le monde viticole audois, déjà éprouvé par la sécheresse et la crise économique, le choc est immense.
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Le feu a démarré à Ribaute, gagnant en quelques heures quinze communes. Près de 2 000 pompiers, appuyés par Canadair, Dash et hélicoptères, ont lutté jour et nuit pour contenir l’avancée des flammes. Mais le brasier, attisé par un vent violent et une chaleur écrasante, n’a laissé que très peu de répit.? “« “Quarante pour cent des vignerons ne sont même pas encore allés dans leurs vignes. C’est trop dur pour eux”, confie Aurélie Giron, directrice de l’appellation Corbières. La sidération domine. Les pertes visibles – ceps brûlés, grappes desséchées, matériel détruit – ne sont qu’une partie du problème. L’autre, plus insidieuse, inquiète tout autant : la contamination par la fumée.
Les particules issues de la combustion se déposent sur les raisins, interagissant avec les molécules de sucre. Le goût de fumée, imperceptible en bouche, ne se révèle qu’à la vinification. « J’ai goûté certains grains : ils étaient excellents… mais cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas contaminés », explique Aurélie Giron. C’est là toute la complexité du diagnostic : l’ampleur des dégâts reste encore difficile à chiffrer. Une enquête menée avec la Chambre d’agriculture devrait livrer un premier état précis en début de semaine prochaine.
Face à l’urgence, le syndicat de l’AOC Corbières et le pôle technique régional INTERSUD ont enclenché un dispositif inédit pour épauler les domaines sinistrés. L’objectif : donner aux vignerons les outils pour décider, sans précipitation, ce qu’il est possible de vinifier… ou non.? « Il ne faut surtout pas que les vignerons se lancent dans des vinifications qui donneront des vins imbuvables », alerte Aurélie Giron. Pour cela, des analyses ciblées sont essentielles.
Sous l’impulsion de Marie Corbel, directrice du Pôle technique régional INTERSUD, un partenariat a été noué avec les laboratoires Dubernet et l’ICV. Les prix ont été négociés pour offrir aux vignerons une possibilité de choix sur quatre offres aux méthodologies d’analyse différentes allant de 75 HT à 200 € HT, sur raisins et sur vins. A minima, le syndicat prendra en charge 50% du coût de ces analyses, et des appels aux dons viendront compléter l’effort.
Le dispositif permettra la création d’une cartographie dynamique : dès la semaine prochaine, un site internet offrira aux domaines de visualiser, zone par zone, le niveau de risque lié à la fumée (de 1 à 4). Cette cartographie sera nourrie en temps réel par les données de terrain et d’analyses, et intégrera également un recensement des stocks en chai potentiellement impactés. « C’est l’angoisse pour les domaines et caves coopératives. Notre rôle est d’être en appui pour leur donner le maximum d’outils afin de réduire au strict minimum l’impact de l’incendie », assure Marie Corbel.
Cette course contre la montre, à quelques semaines des vendanges, est cruciale : savoir ce qui est récoltable, orienter les lots, éviter des pertes supplémentaires. Derrière les chiffres, il y a des familles, des coopérateurs, des décennies de travail menacées.
Le vignoble des Corbières a traversé guerres, crises viticoles et aléas climatiques. L’incendie de 2025 restera comme une blessure profonde, mais aussi comme le point de départ d’une mobilisation collective. Dans les collines noircies, l’espoir persiste : celui de voir, un jour, de jeunes ceps repousser et les cuves se remplir à nouveau de ce vin qui raconte l’âme d’un territoire.
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