[Rétrospective 2025] Dans un contexte difficile, la Champagne garde le cap

La Champagne n’a jamais aussi bien montré sa capacité à garder le cap. Si les ventes ne sont pas reparties à la hausse en 2025, elles se sont stabilisées. Rendements ajustés, marchés consolidés, mouvements stratégiques chez les opérateurs, transmission dans les maisons : 2025 aura été une année de décisions, prises dans un climat de confiance collective.

Les années qui ont suivi la crise sanitaire ont été marquées par une forte reprise des ventes, avec deux pics en 2021 et 2022 (325 millions de cols) portés par un rattrapage massif de la consommation mondiale. Depuis 2023, les expéditions ont nettement ralenti, passant de 299 millions de bouteilles en 2023 à 272 millions en 2024. En 2025, alors que le contexte international reste très tendu avec notamment les taxes douanières imposées par Donal Trump aux Etats-Unis, les ventes se stabilisent et devraient afficher un niveau sensiblement identique à celui de 2024. L’année de référence pour effectuer une juste comparaison reste 2019, juste avant le Covid, où dans un contexte normal la Champagne se situait à 298 millions de bouteilles vendues.

Volumes contenus, raisins d’exception : le bilan viticole 2025

Le rendement ayant droit à l’appellation champagne a été fixé à 9 000 kg/ha pour 2025, poursuivant une baisse progressive après 11 000 kg/ha en 2023 et 10 000 kg/ha en 2024. Cette décision, issue d’un accord entre le Syndicat général des vignerons et l’Union des Maisons de Champagne, tient compte des stocks encore élevés, équivalents à environ 4,8 années de commercialisation, et permet d’ajuster la production.

Dans les vignes, les vendanges 2025 ont été de très bonne qualité. L’état sanitaire des raisins est excellent et leur maturité satisfaisante. Un coup de froid au printemps avait retardé la floraison du pinot noir et du meunier, alors que celle du chardonnay était déjà entamée provoquant du millerandage sur ce dernier cépage. Résultat : des volumes contenus, mais des raisins d’un niveau élevé.

Maisons : transmissions et nouvelles responsabilités

2025 restera marqué par la disparition brutale de Frédéric Panaïotis, chef de caves de Ruinart, dont l’approche, centrée sur la vigne autant que sur le vin, a marqué la Champagne. La nomination de Caroline Fiot, qui prendra ses fonctions début 2026, s’inscrit dans la continuité du travail engagé. Formée pendant près de dix ans à ses côtés et membre du comité de dégustation depuis 2016, elle prolongera ce style avec sa propre sensibilité.

Chez Champagne Telmont, Brice Bezin a été nommé chef de caves. Son parcours international nourrit une vision attentive aux enjeux climatiques, en cohérence avec le projet environnemental de la maison, « Au Nom de la Terre », appelé à se poursuivre.

Autre changement notable : Moët Hennessy a annoncé la nomination de Thomas Mulliez au poste de président-directeur général de Veuve Clicquot, à compter du 1er octobre 2025. Il succède à Jean-Marc Gallot, qui prend la direction du Paris FC, la dernière acquisition de Bernard Arnaud.

Fusions, acquisitions et nouvelles directions

Du côté des grands groupes, Lanson-BCC a vu son offre de reprise de Heidsieck & Co Monopole acceptée. L’opération répond à la logique de renforcer la maîtrise des marques, sécuriser les outils de production et consolider des contrats de raisin sur le long terme.

Parmi les temps forts de l’année, le changement de présidence au sein de Terroirs & Vignerons de Champagne marque un tournant. Après treize ans à la tête du groupe, Véronique Blin a passé la main à Éric Potié. Le groupe, profondément transformé ces dernières années, s’est appuyé sur des fusions, des acquisitions et une diversification de ses marques pour élargir ses débouchés et mieux absorber les fluctuations du marché.

L’année a également été marquée par plusieurs opérations de rapprochement. La maison EPC a poursuivi son développement en rachetant Charles Mignon, s’appuyant sur un outil de production existant et des partenariats vignerons historiques pour accompagner sa croissance.

Patrimoine : dix ans d’UNESCO

Les 10 ans du classement des coteaux, maisons et caves de Champagne au patrimoine mondial de l’UNESCO ont largement rythmé l’année. En une décennie, ce classement a profondément influencé la manière dont la région protège son territoire, organise ses aménagements et affirme son identité à l’international.

Moment fort de l’année : une vente aux enchères de très vieux champagnes (millésimes 1988, 1989 et 1990), organisée au profit de la Mission UNESCO de Champagne. Les fonds permettront de financer le projet « Cellars », consacré à la numérisation complète des crayères. Face à des phénomènes climatiques de plus en plus intenses, cet outil vise à mieux anticiper les fragilités du sous-sol, tout en ouvrant de nouvelles possibilités de valorisation culturelle.

Du renouveau dans les maisons

Plusieurs maisons ont profité de cette période pour revoir leur expression. Henriot a repensé ses habillages dans une logique de sobriété, renouant avec son histoire à travers le changement de nom du Blanc de Blancs, désormais Blanc Souverain, appellation déjà utilisée à la fin du XIX? siècle.

Sur le plan technique, l’année a vu l’aboutissement d’un travail de fond : l’industrialisation possible de bouchons sans oxygène, dits inertés. Développée avec l’appui du Comité Champagne, cette avancée permet une meilleure maîtrise de l’évolution des vins après dégorgement.

Côté cuvées, Boizel a inauguré un nouveau rendez-vous : deux cuvées monocrus différentes seront désormais lancées chaque année, dans une démarche visant à éclairer le rôle des terroirs dans la construction des assemblages.

En bref !

Enfin, l’année a rappelé que la notoriété du champagne repose aussi sur une vigilance constante. La condamnation d’un vigneron à 4 ans de prison dont 18 mois ferme pour fabrication de faux champagne a servi de rappel : la défense de l’appellation reste une priorité absolue.

2025 aura été celle d’un ajustement maîtrisé, porté par une filière confiante, attentive à ses équilibres et à son avenir. Une dynamique que l’on retrouve jusque dans l’enthousiasme du public, comme en témoigne le succès renouvelé de Champagne Tasting, organisé par Terre de Vins, preuve que le champagne reste pleinement au goût du jour.