Après plus de dix ans de transformation, le château Plaint Point entame une nouvelle page avec un vignoble repensé, des bâtiments signés Olivier Chadebost et une offre œnotouristique qui s’installe durablement dans le paysage bordelais.
Nichée sur les hauteurs de Fronsac, la propriété de Plain Point surplombe la Dordogne et s’étend sur un plateau calcaire typique de la rive droite. Jouxtant un vallon attenant, elle déploie ses vignes en pente douce. Lorsque l’on arrive par l’entrée principale, le regard se pose sur les collines et sur les volumes du nouveau chai, partiellement encastré dans la roche.
Les origines de Plain Point remontent à la fin du XVe siècle. Des écrits de 1480 mentionnent déjà cette terre viticole, dont le nom viendrait du latin planus punctus, utilisé à l’époque romaine pour désigner un sommet ou un point élevé.
Le domaine appartient aujourd’hui à Shi Yuzhu, homme d’affaires chinois qui a fait fortune dans le secteur du jeu vidéo. Lors de son arrivée à Fronsac, il ne se contente pas d’acquérir Plain Point : il rachète plusieurs exploitations voisines (Chadenne, La Fontaine, Moulin des Tonnelles, Haut-Mazières et Arnauton) dans l’idée de les réunir sous une même entité. « Il y a douze ans, j’ai reçu une bouteille de vin de Plain Point que mon grand-père avait achetée. J’ai adoré », confie-t-il. « Ce souvenir m’a donné envie de voir où se trouvait la propriété… Je l’ai rachetée et j’ai eu envie de recréer un lien entre le passé riche et l’avenir plein de promesses du château. Je voulais lui rendre son unité et sa cohérence. » L’ambition de Shi Yuzhu est claire : valoriser le terroir de Fronsac par une viticulture de précision et des installations adaptées aux exigences contemporaines.
En 2019, pour concevoir l’outil technique du domaine, il s’adresse à Olivier Chadebost, architecte reconnu pour son approche à la fois sobre et rationnelle à qui l’on doit déjà la conception de château d’Yquem à Sauternes, château Montlabert à Saint-Émilion, Beaufort à Pomerol, Lafitte-Carcasset à Saint-Estèphe. Le résultat est un chai monumental de 9 000 m², construit à flanc de colline, et 12 000 m² d’unité de vinification « Quand je suis arrivé, il n’y avait presque rien », raconte Olivier. « Le terrain présentait un dénivelé d’une quinzaine de mètres, ce qui nous a permis d’imaginer un fonctionnement entièrement gravitaire, sans ascenseurs à vin ni pompage. »
Le bâtiment, semi-enterré, s’intègre au relief et s’articule autour de trois types de cuviers (inox, béton et bois) afin de s’adapter à la diversité des terroirs. L’air y circule naturellement grâce à un système de ventilation par cheminée thermique. « Nous utilisons le froid uniquement pour la thermorégulation », précise l’architecte. « Le sous-sol maintient naturellement une température de 15 °C, ce qui limite la consommation énergétique. »
Au centre du cuvier, un escalier monumental de dix mètres de diamètre relie les différents niveaux. Il ne s’agissait pas, à l’origine, d’un élément décoratif. « Au début, il n’y avait pas d’escalier », explique Olivier Chadebost. « Ce vide devait servir de cheminée thermique, pour permettre à l’air frais du sol de circuler et à l’air chaud de s’échapper par la verrière au sommet. » C’est au cours d’une présentation du projet que M. Shi demande à transformer cette structure technique en un véritable axe architectural. Le résultat est un escalier hélicoïdal qui s’élève au cœur du chai, sous une verrière, reliant tous les étages dans un jeu de lumière et de transparence. « Cet escalier agit toujours comme une cheminée naturelle », précise l’architecte, « en répartissant uniformément le froid dans tout le bâtiment, mais il est aussi devenu un symbole du lieu : une circulation verticale entre les mondes du vin. »
Depuis dix ans, Hubert de Boüard, copropriétaire du château Angélus, accompagne le domaine. « C’est un plaisir de collaborer avec l’équipe de Plain Point », souligne-t-il. « Ce projet montre qu’il est possible d’allier respect du terroir et précision technique. Vous avez choisi M. Shi, le bon lieu, un terroir historique, et vous travaillez en accord avec la nature. » Le vignoble, entièrement replanté et restructuré, révèle la diversité des sols de Fronsac : calcaire, graves et argilo-calcaires. Chaque parcelle est vinifiée séparément, dans une recherche d’équilibre et de justesse. « Le vin sort quand il est prêt », résume Olivier Chadebost. « L’idée est de laisser le temps agir, d’assembler tardivement pour que chaque cépage exprime son potentiel. »
Château Plain Point se tourne désormais vers l’accueil et la découverte. Le domaine comprend une boutique, une guest house de six chambres dans le château et un espace de dégustation dans la tour de guet. À cela s’ajoute une balade sur le domaine de 2,9 km, la rencontre avec les vaches Highland, des alpagas, une jument de trait entre autres, des ateliers sensoriels et des parcours immersifs sur le chemin des arômes. « Nous voulons faire de Plain Point un lieu de partage », explique Shi Yuzhu. « L’important est de respecter la nature et de créer une énergie collective autour du vin. » L’objectif affiché est d’accueillir, à terme, 100 000 visiteurs par an, en combinant œnotourisme, culture et gastronomie.
Riche d’un passé ancien et tourné vers l’avenir, Plain Point incarne une certaine idée de la modernité bordelaise : une démarche fondée sur la précision, l’équilibre et le temps long. « C’est un lieu qui se reconstruit dans le respect de son histoire », conclut Olivier Chadebost. « Ici, tout commence par le paysage, puis vient le vin. »
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