Pas d’exception en Alsace, où l’année a été arrosée et les vendanges aussi. Une récolte de taille modeste est attendue. Mais la qualité des blancs, largement majoritaires, devrait être au rendez-vous, avec des vins frais et légers qui correspondent à la demande du marché et devraient séduire les consommateurs.
Estimée autour de 900 000 hl, parmi les plus petites de ces dernières années, la récolte 2024 en Alsace s’est achevée autour de la mi-octobre avec un ouf de soulagement. Pour Sarah Jung, qui dirige avec son frère le domaine Burckel-Jung à Gertwiller (Bas-Rhin), l’année a été difficile, à cause de la pluie qui a rendu sportif le maintien de l’état sanitaire.
« On a beaucoup travaillé, on a dû faire 16 passages pour traiter les 20 hectares du domaine, conduit en biodynamie » explique-t-elle avant de préciser : « ce n’était pas plus compliqué que 2021. Il y a eu un redoux favorable en août et on s’est mis à espérer un été indien, mais non, on a vendangé sous la pluie. » L’expérience de 2021 a été utile à nombre de vignerons, pris au dépourvu cette année-là devant une pluviométrie et une humidité dont on avait perdu un peu l’habitude depuis le début du XXIe siècle.
« Cette année, les vignerons ont été très vigilants, car il fallait bien respecter les cadences pour traiter, mais c’était moins un peu compliqué qu’en 2021. En 2021, la pluie record avait été continue. Cette année, il y avait plus de fenêtres pour traiter » explique Arthur Froehly, responsable du pôle technique du Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace (CIVA). Après cette année éprouvante, le résultat est « plutôt sympathique, des vins plus légers, moins de structure et des degrés moins élevés, qui correspondent à la demande du marché. Il y a de beaux rieslings, avec de jolis profils acides, et même des vins de garde sur certains terroirs. »
Il y a eu un gros travail de tri pour éliminer parfois de la pourriture grise ou de la piqure acétique. Les fermentations se passent bien et les vignerons semblent satisfaits. « Qu’il y ait moins d’alcool, ça ne me gêne pas, ce seront des vins faciles à boire. Il faudra les laisser sur lies plus longtemps pour donner de la structure » conclut Josiane Griss, qui dirige le domaine Maurice Griss à Ammerschwihr (Haut-Rhin) avec sa nièce Marion Strosser.
Si les cépages blancs s’en sortent plutôt bien, les pinots noirs (et aussi les gris) ont particulièrement souffert. Chez Céline Stentz, au domaine Stentz-Buecher à Wettolsheim (Haut-Rhin), il n’y aura qu’un tiers de récolte de pinot noir et cela ne sera pas un vin de garde. Même avis pour Elise Ehrhart, du domaine André Ehrhart dans la même commune, qui pense tout juste arriver à 29 hl/ha. Elle a réussi à faire ses 10 traitements aux moments opportuns, mais elle pense que son terroir du Sommerberg (Katzenthal et Niedermorschwihr) ne sera pas étiqueté grand cru.
Peut-être pas de grand cru non plus au domaine Valentin Zusslin à Rorschwihr (Haut-Rhin). Mais question volume, « on ne fait jamais de grands rendements » explique Paul Banse, « donc on arrive à environ 40 hl/ha comme d’habitude ». Le jeune assistant commercial qui a aussi exercé dans les vignes du domaine, explique le bon résultat par le travail précis des sols car « autrement, les herbes sont une autoroute pour le mildiou ».
Le jeudi 24 octobre, Jacques-Émile Ruhlmann était heureux de terminer trois jours de vendanges tardives de gewurztraminer : « Le seul cépage propice aux VT cette année. Il est même sans doute au niveau de surmaturité et de sucre d’une sélection de grains nobles, c’est la dégustation qui décidera plus tard » déclare-t-il en précisant, « on a enfin eu plusieurs jours de beau temps de suite, alors qu’il a plu toute l’année ». Celui qui dirige avec sa famille le domaine Ruhlmann-Schutz, à Dambach-la-Ville (Bas-Rhin), explique qu’« il n’y a pas de miracle. Avec la pluie et donc le mildiou, il y a moins de volume, mais cela ne touche pas la qualité. C’est une belle année, avec des vins comme dans le temps, sur le fruit, dans l’esprit de ceux de mon père et mon grand-père ».
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