Impulsé il y a un peu plus de quinze ans par le groupe LVMH, Ao Yun est un ambitieux projet de grand cru chinois, implanté sur des terroirs d’altitude du Yunnan, aux portes du Tibet. Alors qu’il atteint sa maturité, nous sommes partis à la découverte de ce vignoble unique au monde qui sera présent à Bordeaux Tasting ce week-end. Ce reportage est à lire en intégralité dans Terre de Vins n°101, paru en novembre 2024 et toujours en kiosque. En complément, retrouvez ci-dessous les notes et commentaires de 5 millésimes notables.
Prix NC – 93/100
Il s’agit du tout premier millésime officiel du domaine, consécutif à l’arrivée du technicien français Maxence Dulou qui en assure aujourd’hui la direction générale. La vinification s’était faite dans les installations de la coopérative Shangri-La Winery, à 1800 mètres d’altitude. Les raisins sont issus à 100?% des vignes historiques plantées dans les années 2000 sur impulsion de l’Etat chinois. Il fallait encore trouver ses repères, vis-à-vis des terroirs et du climat.
Assemblage 79?% cabernet sauvignon, 21?% cabernet franc. Dès la première année, l’équipe a utilisé des jarres en grès pour l’élevage (40?%), à parité avec de la barrique neuve, le reste en cuve. Robe grenat profond, premier nez frais, menthol sur fruit rouge, assez retenu. Deuxième nez toujours posé, d’abord de notes discrètes de cassis, cèdre, légère touche fumée. À l’aération, il déploie un fruit plus capiteux, voire alcooleux, fraise écrasée, prune, figue séchée, une acidité plus saillante aussi. De fins indices épicés se distinguent, légèrement poivrés, herbes médicinales, viande séchée, basilic thaï, touche de liqueur de café.
Bouche : attaque sur la vivacité, une belle énergie tonique et saline vient saisir le fruit. L’aromatique présente des signes d’évolution sur le fruit sénescent, légèrement confit. Le vin se déroule en droiture et en finesse : la matière ne déborde pas, elle est affutée, le milieu de bouche manque un tantinet d’étoffe, mais le vin se campe sur une jolie énergie, des tanins à grain fin, qui présentent seulement une légère aspérité en finale, rehaussée sans doute par un très léger sentiment alcooleux. Ce dernier n’oblitère pas la fraîcheur zestée qui ponctue le vin, sur une touche de cerise à l’eau-de-vie et de viande séchée. L’ensemble se montre digeste.
330 € – 95/100
Millésime emblématique qui a brillé lors du fameux « Jugement de Hong Kong » en 2020. L’une des saisons les plus chaudes et sèches de l’histoire du vignoble, qui a donné néanmoins de très jolis rendements. Ce côté solaire a été contrebalancé par le caractère frais du terroir. Vendanges précoces et très compactes : 32 jours, du 17 septembre au 19 octobre. Les terroirs frais (Adong, Shuori) ont été privilégiés dans l’assemblage. C’est la première année où l’équipe a commencé à subdiviser les 314 parcelles du vignoble.
Assemblage : 79?% cabernet sauvignon, 21?% cabernet franc. Premier nez à la fois riche, au parfum corsé, un fruit légèrement confit, entre cerise et figue, touche de sauce soja, légère note de tabac, assez intense et sensuel, soutenu par des notes d’encens. Bouche : attaque très épicée, saline, vigoureuse, elle irrigue immédiatement la bouche d’une énergie tapissante. La matière s’étoffe de façon sphérique, assez ample, elle déploie une agréable sucrosité soutenue par une impressionnante fraîcheur de poivre mentholé. On lui trouve aussi des notes de grain de café frais et des indices maritimes, qui évoquent l’algue nori. Les tanins sont finement sculptés, ils s’étirent sur tout le palais et apportent une belle longueur au vin. La finale, toujours sur une note gourmande, comme une larme de coulis de cerise sur la langue, se révèle fraîche et digeste, avec des amers nobles très subtils et une très légère empreinte viandée.
320 € – 96/100
Un millésime qui arrive après deux saisons compliquées (2016, 2017) aux étés pluvieux. 2018 a été marqué par un climat plus favorable. Débourrement précoce, printemps plus chaud et moins pluvieux que la moyenne, qui a accéléré la croissance et provoqué des contraintes hydriques qui ont continué jusqu’à la fin de la saison. Il y a eu quand même des hétérogénéités qui ont obligé l’équipe à rallonger les vendanges : du 7 septembre au 15 novembre, 68 jours !
L’équipe a continué à accélérer sur la subdivision des parcelles, réunies en terroirs communs. 2018 est marqué par un gain de précision dans la viticulture, en affinant le nombre de grappes par rameau. Pour la première fois, l’équipe a mis en place un système de prévision météo précis, qui a eu un gros impact qualitatif. C’est l’année où l’on a aussi commencé à nettoyer les raisins avant vendange, pour enlever les résidus de cuivre et soufre des traitements bio. En vinification, on se veut de moins en moins interventionniste : 2017 a beaucoup appris, avec ses raisins très concentrés qui obligeaient à lever le pied. 2018 l’a confirmé. Le travail par gravité, le recours aux presses, la diminution de la part de bois dans l’élevage et notamment de bois neuf sont d’autres marqueurs de cette année.
Assemblage : 60?% cabernet sauvignon, 19?% cabernet franc, 10?% merlot, 7?% syrah, 4?% petit verdot. Robe d’un magnifique grenat brillant, profond. Superbe premier nez, chaleureux (notes de pierre chauffée au soleil) mais frais, avec une touche de graphite (mine de crayon), cèdre, cendre, une empreinte de cassis frais, de violette… Il gagne un supplément d’éclat, de précision, de sensualité. Il annonce une silhouette racée et voluptueuse, gainée.
Bouche : attaque souple, sensuelle, pleine de vitalité mais soyeuse et crémeuse, tout de suite vivifiée par un superbe soutien tannique électrisant, on retrouve cette signature de poivre mentholé, de sel fin sur le bout de la langue. La matière est vibrante, saline (voire minérale), salivante, très sapide et tonique. La chair, élancée, s’étire en longueur, sur une belle arête acide. Le vin a du ressort, beaucoup de longueur jusqu’à la finale d’orange sanguine, finement zestée. Il gagne en facettes et en complexité, et s’avère très digeste.
320 € – 97/100
(Commentaire publié dans Terre de Vins n°101)
Huitième millésime du domaine, le 8 étant un chiffre porte-bonheur. Cette année s’est révélée exceptionnelle par son scénario météo qui a bousculé les habitudes (été plus sec, printemps et automne plus humides) et a permis d’atteindre une très belle homogénéité des raisins. Vendanges de 51 jours, du 21 septembre au 12 novembre. 60?% cabernet sauvignon, 19?% cabernet franc, 10?% merlot, 6?% syrah, 5?% petit verdot.
Nez à la fois dense, plongeant et complexe. On devine un nappage de fruit noir (cassis, mûre, myrtille) soutenu par des notes d’encens, de rose, de fleur mauve. Cette dimension florale lui confère une séduction supplémentaire. On discerne aussi de fines notes de cèdre, de pin maritime, une légère fraîcheur océanique. Il a de la puissance, mais elle est contenue, mesurée. La bouche s’annonce sur une attaque ample et tonique, qui s’épure ensuite vers une matière suspendue, aérienne, en dentelle. Le soutien tannique est velouté, avec un grain très fin qui lui donne de la relance. Finale salivante, savoureuse, à la légère sucrosité réglissée. C’est un millésime référence pour Ao Yun.
Prix NC – 95-96
Millésime dégusté en exclusivité au domaine. Embouteillé en août 2023. Mise en vente au printemps 2025. Climat le plus sec que l’on ait connu à Ao Yun, de l’hiver précédent à l’été 2021, le vignoble n’a reçu que 30 mm de pluie. Même en irriguant (y compris la nuit), cette sécheresse a un impact. Le cycle a été tendu jusqu’à l’arrivée de la saison humide, début juillet. Printemps plus chaud que la moyenne, débourrement plus précoce de 15 jours. On a gardé cette avance jusqu’à la fin de la saison. Le mois d’août s’est révélé plus propice, la vigne s’est maintenue grâce aux quelques pluies estivales. Mais il a été plus chaud que la moyenne, ce qui a créé un déficit hydrique et a permis une bonne maturation.
Premier nez auquel il faut laisser du temps pour se montrer avenant, il est d’abord fougueux, presque sauvage, concentré, sur le fruit noir et de fines notes grillées, sanguines. On lui devine un côté musculeux, robuste. Touches plus brunes, épices, tabac brun, notes cendrées. Importante densité en bouche, beaucoup d’intensité et de puissance, il a du volume, une matière imposante. On retrouve de la fraicheur en soutien, qui est la signature du domaine. Ici les tanins sont très présents, ils ont encore du grip mais sont bien intégrés à la chair. Par rapport aux précédents, il arbore davantage les attributs d’un millésime chaud, se montre plus riche (en tout cas en masse tannique) et vigoureux.
La finale se révèle également un peu plus stricte, elle se resserre légèrement sur une ponctuation grillée, mais on distingue toujours une sucrosité séduisante. Il faut lui laisser du temps pour se polir en bouteille et dompter sa vigueur.
Retrouvez le reportage sur Ao Yun, « Par-delà les nuages », dans Terre de Vins n°101 (novembre 2024). Suivez ce lien pour vous abonner.
Ao Yun est présent à l’événement Bordeaux Tasting, les 14 et 15 décembre 2024. Billetterie en suivant ce lien.
Cet article Ao Yun – La Mini-Verticale du grand cru chinois de LVMH est apparu en premier sur Terre de Vins.